14 plantes pour crĂ©er vos bordures nos idĂ©es PubliĂ© le 25/02/2014 - ModifiĂ© le 19/06/2020 Pour entourer, border ou sĂ©parer, adopter des plantes Ă longue floraison, Ă feuillage persistant ou dont lâintĂ©rĂȘt varie au fil des saisons. GoĂ»t, parfum, nectar ou feuillage leurs atouts sont multiples. Lien indispensable entre les parterres et les allĂ©es, les bordures donnent un aspect soignĂ© Ă tout jardin. Autant quâelles soient belles sans beaucoup dâentretien. Pour cela choisir en prioritĂ© des plantes au port dressĂ©, en boule ou Ă©talĂ©, mais naturellement bien dĂ©fini pour limiter les opĂ©rations de taille. RĂ©server les arbustes Ă tailler pour les petites longueurs, le long de la façade de la maison par exemple. InstallĂ©es en nombre et Ă portĂ©e de main, les plantes parfumĂ©es, comestibles ou non, apportent des atouts supplĂ©mentaires. Certaines diffusent seules leurs senteurs lors des journĂ©es chaudes ; pour dâautres, il suffit de froisser leur feuillage et leurs fleurs Ă chacun de vos passages. Elles sâutilisent aussi bien au potager quâau jardin dâornement oĂč elles sâassocient aux rosiers, aux arbustes et aux vivaces. LâhĂ©lichrysum La plante curry Helichrysum italicum, en rĂ©fĂ©rence Ă lâodeur dĂ©gagĂ©e par son feuillage, offre aussi de jolis pompons jaunes en Ă©tĂ© et en automne. Elle trouve sa place dans un jardin de graviers, entre les dalles dâune terrasse, avec dâautres plantes aromatiques comme les lavandes, les santolines, les sauges ou les nĂ©pĂ©tas. Au top toute lâannĂ©e, le feuillage est persistant, mais il est moins beau en hiver. Sol TrĂšs bien drainĂ©, plutĂŽt pauvre et calcaire. Exposition et climat En plein soleil, dans un endroit chaud et sec. Elle craint lâhumiditĂ© de lâair et du sol en hiver, ainsi que les grands froids. La mise en place Planter cette vivace en octobre dans les rĂ©gions Ă climat doux, au printemps ailleurs. La plante sâĂ©largit, prĂ©voir un espacement de 60 Ă 80 cm entre les pieds. Drainer les trous de plantation avec des graviers et ajouter si besoin du sable Ă la terre. Le plus Ă©colo Cette espĂšce attire de nombreux insectes et en repousse certains autres, nuisibles, comme les aleurodes. A planter pour Le parfum. La santoline La santoline Ă feuille de romarin Santolina rosmarinifolia dĂ©limite deux cĂŽtĂ©s dâun massif en triangle. Les fleurs colorĂ©es tranchent avec les coussins au feuillage aromatique. En Ă©tĂ©, les fleurs jaunes en pompon des santolines renouvelleront le dĂ©cor. Au top toute lâannĂ©e, le feuillage est persistant. Sol LĂ©ger et bien drainĂ©, mĂȘme pauvre et sec. Exposition et climat En plein soleil, en toutes rĂ©gions Ă lâexception des zones les plus froides. Elle peut supporter jusquâĂ environ â 12 °C. La mise en place Planter la santoline en octobre, en sol bien drainĂ© et en climat doux, sinon, attendre mars ou avril. Ouvrir, au choix, des trous tous les 50 cm ou bien une tranchĂ©e. Placer une couche de graviers pour amĂ©liorer le drainage. DĂ©poter les plantes, installer, reboucher et arroser. Le plus Ă©colo Les feuilles de la santoline possĂšdent une action insecticide. A planter pour Le parfum. La lavande La lavande vraie une gris-vert subtil et un parfum renversant. La lavande, la meilleure amie des butineurs. Il suffit de se rapprocher un peu pour profiter des senteurs de cette double rangĂ©e de lavande. Choisir une mĂȘme variĂ©tĂ© pour obtenir une bordure plus uniforme. Au top toute lâannĂ©e, le feuillage vert-gris est persistant et forme naturellement de jolies boules. Sol Bien drainĂ©, mĂȘme sec, de prĂ©fĂ©rence calcaire. Exposition et climat En plein soleil, en toutes rĂ©gions pour la lavande vraie. La mise en place Planter la lavande en octobre en rĂ©gions douces, en mars ou avril ailleurs. Les lavandes sâĂ©taleront sur environ 1 m. Ouvrir des trous tous les 0,80 Ă 1 m. Y installer les pieds aprĂšs avoir bien humidifiĂ© les mottes. Reboucher, tasser et arroser. Le plus Ă©colo Les Ă©pis de fleurs sont trĂšs apprĂ©ciĂ©s par les butineurs qui y trouvent un abondant nectar, entre juin et aoĂ»t selon les variĂ©tĂ©s. A planter pour Le parfum. Un gĂ©ranium rustique Le gĂ©ranium Ă grosse racine Geranium macrorrhizum couvre rapidement le sol grĂące Ă ses rhizomes, sans ĂȘtre envahissant. L'utiliser pour ourler une allĂ©e ou le laisser sâĂ©taler au pied des rosiers comme sur cette scĂšne. Son feuillage est aromatique quand on le froisse. Au top en juin, lors de la floraison, en Ă©tĂ© si le sol reste assez frais ; et en automne, le feuillage prend de belles teintes. Sol PlutĂŽt riche et frais, bien drainĂ©. Exposition et climat Au soleil non brĂ»lant ou Ă la mi-ombre, en toutes rĂ©gions, ce gĂ©ranium est parfaitement rustique. La mise en place Planter le gĂ©ranium vivace en octobre ou en mars-avril, prĂ©parer lâemplacement et apporter un peu de compost bien dĂ©composĂ© en sol ordinaire. Installer un pied tous les 30 cm environ en tous sens. Le plus Ă©colo Les fleurs trĂšs nombreuses des gĂ©raniums vivaces attirent les abeilles. A planter pour Le nectar. La germandrĂ©e Une plante vivace mellifĂšre fleurie de juin Ă septembre au feuillage persistant, idĂ©al dans un jardin mĂ©diterranĂ©en. La germandrĂ©e petit-chĂȘne Teucrium chamĂŠdrys prĂ©sente un port Ă©talĂ© car sa souche drageonne. Elle rĂ©siste parfaitement Ă la sĂ©cheresse, moins au froid. Les briques de ces allĂ©es surchauffĂ©es en Ă©tĂ© ne lui font pas peur et apportent quelques degrĂ©s supplĂ©mentaires bienvenus en hiver. Au top de juin Ă septembre, lors de la floraison en Ă©pis rose vif. Le feuillage, vert foncĂ©, est persistant. Sol LĂ©ger, bien drainĂ©, plutĂŽt pauvre et calcaire. Exposition et climat En plein soleil ou Ă lâombre lĂ©gĂšre, dans un endroit abritĂ© et en rĂ©gions pas trop froides. La mise en place Attendre plutĂŽt le printemps pour ameublir l'emplacement et allĂ©ger avec des graviers. Planter cette vivace en avril, Ă raison dâun pied tous les 30 cm, sur deux ou trois rangs, en quinconce, pour obtenir une large bordure. Le plus Ă©colo Les fleurs violines sont trĂšs recherchĂ©es par les abeilles. A planter pour Le nectar. Le buis Un feuillage persistant pour une silhouette parfaite et des fleurs discrĂštes apprĂ©ciĂ©es des abeilles. Le buis Ă bordure Buxus sempervirens Suffruticosaâ est parfait pour dĂ©limiter une plate-bande Ă©troite le long dâune façade. Votre entrĂ©e aura un air toujours soignĂ© et il sâassocie Ă de nombreuses plantes. Au top toute lâannĂ©e, le feuillage du buis est persistant. Sol PlutĂŽt riche et lourd, mais bien drainĂ©, pas trop sec en Ă©tĂ©. Exposition et climat Au soleil non brĂ»lant ou Ă la mi-ombre, le buis est parfaitement rustique et il convient Ă toutes nos rĂ©gions. La mise en place Planter une bordure de buis de novembre Ă mars, hors pĂ©riode de gel pour le buis vendu Ă racines nues. Ouvrir une tranchĂ©e et placer les jeunes buis Ă 5-10 cm en enterrant la base des tiges. Boucher, tasser et arroser. Le plus Ă©colo VerdĂątres et discrĂštes, les fleurs du buis sont pourtant trĂšs apprĂ©ciĂ©es des abeilles au printemps, Ă condition de ne pas tailler la bordure trop tĂŽt. A planter pour Le nectar. Lâhysope Au potager comme au jardin d'ornement, l'hysope, bien joli et bienfaisant, Ă planter en octobre ou au printemps est le roi des bordures toute l'annĂ©e. Lâhysope a sa place au potager, mais aussi au jardin dâornement car ses fleurs sont dĂ©coratives. Vous pouvez mĂȘme alterner les couleurs, violet, rose et blanc pour rompre la monotonie de la bordure. Son parfum repousse la piĂ©ride du chou. Les feuilles facilitent la digestion et les fleurs agrĂ©mentent les salades. Au top toute lâannĂ©e, puisque le feuillage est persistant. Sol LĂ©ger, bien drainĂ©, mĂȘme sec, plutĂŽt calcaire et assez riche. Exposition et climat Lui choisir un emplacement en plein soleil ; il peut ĂȘtre cultivĂ© en toutes rĂ©gions. La mise en place Planter l'hysope en octobre ou au printemps. Ăcarter les pieds de 50 cm sur le rang. Apporter des graviers en sol lourd et mĂ©langer un peu de compost bien dĂ©composĂ© Ă la terre dâorigine. Le plus Ă©colo Les fleurs attirent les abeilles en Ă©tĂ© et en automne. A planter pour Le goĂ»t. Le thym Une vivace fleurie de mai Ă juillet et un arĂŽme franc au jardin. Le thym est parfait en bordure dans un jardin du Midi ou du Sud-Ouest Ă©crasĂ© de soleil et de chaleur, mais trouve Ă©galement sa place ailleurs. Il forme de belles touffes dressĂ©es, animĂ©es par les fleurettes tendres et son feuillage est trĂšs aromatique. Au top toute lâannĂ©e car le feuillage est persistant. Sol PlutĂŽt lĂ©ger, bien drainĂ©, mĂȘme sec et calcaire. Exposition et climat En plein soleil, il est parfaitement rustique et prĂ©fĂšre une atmosphĂšre sĂšche plutĂŽt quâhumide. La mise en place Planter le thym en octobre, en mars ou en avril. Ameublir une bande de terre de 50 cm de largeur des deux cĂŽtĂ©s de lâallĂ©e. Ouvrir des trous tous les 30 cm, apporter des graviers en sol lourd. Installer les pieds sans trop les enterrer et arroser. Le plus Ă©colo Les fleurs sâĂ©panouissent entre les mois de mai et de juillet ; elles attirent de nombreux insectes butineurs. A planter pour Le goĂ»t. Le romarin Une aromatique au feuillage persistant; des massifs parfumĂ©s toutes l'annĂ©e. TaillĂ©s au carrĂ©, ces romarins encadrent des plantes hautes au potager, haricots grimpants, tomates ou carottes car ils en repoussent la mouche. Au jardin, ils sâentendent fort bien avec les rosiers. Au top toute lâannĂ©e puisque le feuillage est persistant. Sol LĂ©ger, bien drainĂ©, mĂȘme calcaire, pas trop riche. Exposition et climat Au soleil, Ă lâabri des vents et en dehors des rĂ©gions montagneuses, il nâest pas parfaitement rustique. La mise en place Planter le romarin en octobre ou en mars-avril. Tendre un cordeau et ouvrir une tranchĂ©e. Installer un pied tous les 40 Ă 50 cm, boucher, tasser et arroser. Tailler deux fois par an en augmentant peu Ă peu la hauteur jusquâĂ environ 80 cm. Le plus Ă©colo Les fleurs printaniĂšres bleues sont mellifĂšres, mais moins nombreuses quand le romarin est taillĂ©. A planter pour Le goĂ»t. Le lonicĂ©ra nitida Bien taillĂ©, le chĂšvrefeuille arbustif structure parfaitement massifs et bordures. Le lonicĂ©ra nitida c'est aussi un abri pour les auxiliaires du jardin . Les petites feuilles du lonicĂ©ra nitida Baggesenâs Goldâ apportent une touche tonique Ă une bordure simple ou double, le long dâune allĂ©e. Cet arbuste est Ă©galement parfait pour dĂ©limiter diverses parties du jardin, sans le cloisonner, sâil est maintenu assez bas. Il doit ĂȘtre taillĂ© deux ou trois fois par an pour conserver une forme rectiligne. Au top toute lâannĂ©e, puisque le feuillage est persistant, mais les jeunes pousses sont plus dorĂ©es. Sol Tous, mĂȘme ordinaire et calcaire, frais Ă sec. Exposition et climat Au soleil ou Ă lâombre lĂ©gĂšre, en toutes rĂ©gions pas trop froides. La mise en place Planter chĂšvrefeuille nitida en octobre-novembre ou en mars-avril, ouvrir une tranchĂ©e Ă lâemplacement choisi. Placer les lonicĂ©ras tous les 60 Ă 80 cm de distance selon leur dĂ©veloppement. Refermer la tranchĂ©e en tassant la terre et arroser copieusement. Le plus Ă©colo En hiver, une haie dâarbustes Ă feuillage persistant offre un gĂźte aux oiseaux du jardin. A planter pour Pour le feuillage. La fougĂšre On craque pour les frisettes de cette rustique au feuillage semi-persistant. La fougĂšre, c'est aussi un bien joli insecticide bio. Les fougĂšres sont rarement utilisĂ©es en bordure, et câest bien dommage ! Cette scĂšne se reproduit facilement avec des dryoptĂ©ris affinis Cristataâ ou Cristata The Kingâ plantĂ©s devant une haie de fusains Ă feuillage persistant panachĂ© de crĂšme. LâoriginalitĂ© de cette fougĂšre rustique est la forme frisĂ©e de lâextrĂ©mitĂ© des feuilles. Au top du printemps jusquâĂ lâautomne. Son feuillage est semi-persistant. Sol Frais toute lâannĂ©e, plutĂŽt riche et acide. Exposition et climat Ă lâombre ou Ă la mi-ombre, dans les rĂ©gions Ă lâatmosphĂšre humide. La mise en place Planter la fougĂšre en octobre ou en avril-mai. Installer les fougĂšres plutĂŽt devant une jeune haie. Ouvrir des trous tous les 50 cm, plus grands que les contenants pour ajouter du compost. Humidifier les mottes, dĂ©poter les fougĂšres et placer les mottes de sorte que le haut affleure. Boucher, tasser et arroser copieusement. Le plus Ă©colo Les dryoptĂ©ris sont utilisĂ©s en jardinage biologique pour fabriquer un purin efficace contre des attaques de pucerons, mouches mineuses et acariens. A planter pour Pour le feuillage. AubriĂšte L'aubriĂšte Aubrieta spp. offre toute lâannĂ©e des tapis denses et sans entretien, hauts de 10 cm, au feuillage vert ou gris, couverts de fleurs lumineuses dans des tons bleus ou roses durant tout le printemps. Besoins Plante de rocaille, elle apprĂ©cie le soleil et les sols bien drainĂ©s, mĂȘme peu profonds et sableux, et plutĂŽt calcaires. Arroser en cas de sĂ©cheresse. Les tiges ayant tendance Ă sâallonger dĂ©mesurĂ©ment, rabattre la touffe aprĂšs la floraison afin de conserver un port compact. Planter l'aubriĂšte en automne ou au printemps. BergĂ©nia Increvable et indĂ©modable, le bergĂ©nia Bergenia cordifolia embellit le jardin presque toute lâannĂ©e avec ses grandes feuilles vert brillant, rondes et coriaces, qui se teintent de rouge Ă lâautomne. Il pousse partout, sâĂ©talant rapidement au fil des annĂ©es. En hiver, des hampes florales Ă©mergent de la touffe, portant des fleurs en clochette parfumĂ©es, blanches, roses ou rouges. Besoins Le bergĂ©nia pousse au soleil ou Ă lâombre lĂ©gĂšre Ă©viter lâombre dense, oĂč il fleurit moins, tant en sol calcaire et sec quâen sol humide. Planter le bergĂ©nia au printemps ou en automne. Une fois installĂ©, il ne demande plus aucun soin. Vergerette La vergerette Erigeron karvinskianus forme une touffe dense, haute de 20 cm, aux longs rameaux qui sâĂ©talent rapidement, couverte du printemps aux gelĂ©es de petites fleurs semblables Ă des pĂąquerettes blanches, qui rosissent en vieillissant. Elle se ressĂšme abondamment. Besoins Peu exigeante, la vergerette ne pousse quâen sol bien drainĂ©, pauvre, plutĂŽt sec et caillouteux. Elle ne supporte pas lâhumiditĂ© hivernale. Elle fleurira sans discontinuer si elle est installĂ©e au soleil. Rabattre la touffe Ă 10 cm du sol au printemps et aprĂšs la floraison.
Lecanal de Suez est une voie navigable artificielle d'environ 190 km de long traversant l'isthme de Suez, au nord-est de l'Ăgypte. Il relie la MĂ©diterranĂ©e au golfe de Suez ouvert sur la mer Rouge, sans aucune Ă©cluse, ce qui en fait le plus long canal du monde de ce type.Il Ă©tait encore, dans les annĂ©es 1970 au gabarit de 60 000 Tpl ((Tpl : le port en lourd
1 Le feu est-il une malĂ©diction funeste pour la forĂȘt mĂ©diterranĂ©enne, une sorte dâĂ©pĂ©e de DamoclĂšs qui provoquera tĂŽt ou tard sa disparition, comme semble lâaffirmer le rapport dâEUROFOR de 1994 ? Doit-on lâassimiler Ă une maladie incurable, rongeant petit Ă petit les ressorts de la vie ? Le mal progresserait en plusieurs phases identifiĂ©es par Braun- Blanquet en 1934. DâaprĂšs le schĂ©ma bien connu de ce botaniste, repris dans la plupart des manuels traitant de la forĂȘt mĂ©diterranĂ©enne, les incendies transforment dâabord les belles futaies dâyeuses en forĂȘts claires et chĂ©tives. Puis, sous les assauts redoublĂ©s des flammes, les forĂȘts clairsemĂ©es se rĂ©duisent Ă des Ăźlots boisĂ©s envahis par un maquis hirsute. La garrigue est la phase terminale de cette alopĂ©cie galopante du sol mĂ©diterranĂ©en. Lorsquâelle disparaĂźt Ă son tour, la garrigue cĂšde la place Ă des versants rocailleux, dĂ©nudĂ©s et sans schĂ©ma trĂšs simplificateur de la dĂ©gradation de la forĂȘt mĂ©diterranĂ©enne a profondĂ©ment marquĂ© plusieurs gĂ©nĂ©rations de chercheurs pour qui le feu a Ă©tĂ© et demeure un redoutable ennemi. Cette approche catastrophiste de la problĂ©matique des incendies sâest traduite par une focalisation sur les excĂšs du climat mĂ©diterranĂ©en et sur la fragilitĂ© de la forĂȘt comme Ă©lĂ©ments dâexplication. Il en dĂ©coule implicitement un vĂ©ritable procĂšs contre la nature mĂ©diterranĂ©enne, dont les caractĂšres si particuliers seraient responsables des feux. En substance, la nature mĂ©diterranĂ©enne porterait en elle les germes de sa propre destruction la sĂ©cheresse estivale rĂ©currente et lâinflammabilitĂ© de la vĂ©gĂ©tation entraĂźneraient le retour inĂ©luctable du feu. Les grands incendies de lâĂ©tĂ© 2003 qui ont affectĂ© le Sud-Ouest de lâEurope plus de 400 000 ha uniquement au Portugal, conjuguĂ©s aux effets dâune canicule des plus sĂ©vĂšres, semblent abonder dans ce sens. Doit-on pour autant cĂ©der Ă la facilitĂ©, en contribuant Ă instruire un dossier Ă charge Ă lâencontre dâune forĂȘt dont le gros dĂ©faut, en dĂ©finitive, est de brĂ»ler trop aisĂ©ment ?3 Lâobjectif de cet article est de remettre largement en cause ce modĂšle dâexplication. La forĂȘt mĂ©diterranĂ©enne brĂ»le depuis des temps trĂšs reculĂ©s. Elle est pourtant toujours prĂ©sente dans le paysage. Le retour pĂ©riodique des feux est-il rĂ©ellement la consĂ©quence logique dâune nature ingrate, esclave dâune climatologie des extrĂȘmes ? Ne peut-on pas avancer dâautres Ă©lĂ©ments dâexplication ? Notamment, quelle responsabilitĂ© attribuer aux sociĂ©tĂ©s humaines ? La politique de prĂ©vention, conduite depuis le xixe siĂšcle, est-elle adaptĂ©e et Ă lâabri de toute critique ? LâactualitĂ© rĂ©cente fournit lâoccasion dâune mise en perspective de cette rĂ©alitĂ© mĂ©diterranĂ©enne ancienne qui, pour Ă©viter le piĂšge du catastrophisme, doit ĂȘtre resituĂ©e dans sa dimension Ă©tĂ©s de braises et de cendres4 LâannĂ©e 2003, en France, restera dans les mĂ©moires comme lâune des plus dramatiques sur le plan des incendies de forĂȘt ». Câest par cette phrase que commence le bilan des feux de forĂȘt dans le Sud-Ouest de lâEurope en 2003, publiĂ© dans la revue Rendez-vous technique de lâONF Gilbert, 2004, p. 18. Tout en comprenant lâĂ©moi suscitĂ© par les images de dĂ©solation quâinspirent les forĂȘts en flammes ou les bois carbonisĂ©s photo 1, on ne peut ĂȘtre que surpris par la dramatisation faite de ce bilan, rĂ©digĂ© par un responsable de la sous-direction des forĂȘts au ministĂšre de lâAgriculture. Dans une rĂ©gion mĂ©diterranĂ©enne pĂ©riodiquement affectĂ©e par les incendies, les feux de 2003 ont-ils Ă©tĂ© Ă ce point exceptionnels ?Photo. 1ForĂȘt de chĂȘnes-liĂšges incendiĂ©e dans le massif des Maures en aoĂ»t 2003. Col du Bougnon, clichĂ© pris le 27 dĂ©cembre 2003 V. ClĂ©mentForĂȘt de chĂȘnes-liĂšges incendiĂ©e dans le massif des Maures en aoĂ»t 2003. Col du Bougnon, clichĂ© pris le 27 dĂ©cembre 2003 V. ClĂ©mentUne nouvelle offensive du feu5Les bilans avancĂ©s par les services forestiers des pays du Sud-Ouest de lâEurope font apparaĂźtre de fortes disparitĂ©s. Le Portugal est de loin le pays le plus dĂ©vastĂ© par les feux de lâĂ©tĂ© 2003, avec un total de 417 000 ha brĂ»lĂ©s tabl. 1. Il est suivi par lâEspagne 130 190 ha, la France 61 545 ha et lâItalie 58 902 ha. Ces chiffres ne concernent pas uniquement des superficies forestiĂšres puisquâils incluent aussi les surfaces couvertes de maquis ou de garrigues. En Italie par exemple, sur les 58 902 ha brĂ»lĂ©s, moins de la moitiĂ© 24 328 ha ont affectĂ© des forĂȘts. Lâimportance relative des feux en 2003 semble incontestable. Mais, en dehors du cas portugais, le bilan nâatteint pas des niveaux jusquâĂ prĂ©sent 1Le bilan des incendies dans le Sud-Ouest de lâEurope en hectares, pĂ©riode 1993-2003AnnĂ©esEspagneFranceItaliePortugal199389 33111 901203 74949 963 1994437 63522 605136 33477 3231995143 4689 98848 884169 612199659 8143 11957 98888 867199798 50312 250111 23030 5351998133 64311 243155 553158 369199982 21712 78271 11770 6132000188 58618 860114 648159 604200166 07517 96576 42796 6672002107 4726 29940 768123 9102003103 19061 54558 902417 000Moyenne annuelle153 693 ha18 855 ha107 560 ha144 246 haLe bilan des incendies dans le Sud-Ouest de lâEurope en hectares, pĂ©riode 1993-20036 En France par exemple, 2003 est sans aucun doute une trĂšs mauvaise annĂ©e sur le front des incendies. Elle fait partie des huit annĂ©es les plus fortement touchĂ©es par le feu depuis 1977. Ce nâest pas pour autant une annĂ©e exceptionnelle. En 1989 et en 1990, le feu avait parcouru respectivement 56 871 ha et 53 897 ha, soit un ordre de grandeur comparable Ă celui de 2003. La perception dâun bilan catastrophique en France est liĂ©e Ă deux causes principales. La pĂ©riode antĂ©rieure est caractĂ©risĂ©e par une trĂšs nette accalmie. Au cours de la dĂ©cennie Ă©coulĂ©e, aucune annĂ©e nâa enregistrĂ© un total de superficies brĂ»lĂ©es supĂ©rieur Ă 23 000 ha. LâannĂ©e 2002 a Ă©tĂ© particuliĂšrement clĂ©mente seulement 1 677 dĂ©parts de feu ont Ă©tĂ© recensĂ©s. Ils ont parcouru 6 299 ha, soit une superficie trĂšs infĂ©rieure Ă la moyenne dĂ©cennale 18 855 ha/an. Autre donnĂ©e dâimportance, les feux de 2003 sont concentrĂ©s en majoritĂ© dans le Var 18 820 ha et en Haute-Corse 20 908 ha, qui totalisent 64,5 % des superficies incendiĂ©es en 2003. Or, les chiffres de 2002 sont incomparablement plus bas 173 ha dans le Var et 993 ha en Haute-Corse. Cette grande diffĂ©rence avec les annĂ©es antĂ©rieures et la rĂ©pĂ©tition des feux dans ces deux dĂ©partements se sont donc traduites par la perception dâun phĂ©nomĂšne exceptionnel, alors que lâannĂ©e 2003 a Ă©tĂ© moins dĂ©sastreuse que 1990 dans le Var 26 960 ha brĂ»lĂ©s.7En Espagne et en Italie, lâannĂ©e 2003 nâa rien non plus dâexceptionnel. On est encore loin des bilans catastrophiques de 1993 et de 1994, annĂ©es durant lesquelles plus de 200 000 ha en Italie et plus de 430 000 ha en Espagne ont Ă©tĂ© parcourus par les flammes. En dĂ©finitive, seul le bilan du Portugal est rĂ©ellement hors norme. Les 417 000 ha incendiĂ©s ont affectĂ© 4 % du territoire national, soit deux fois plus quâen 1991, annĂ©e qui jusquâĂ prĂ©sent dĂ©tenait le triste record des superficies brĂ»lĂ©es 182 486 ha chez nos voisins mythe du pyromahne fou8 Comment expliquer la recrudescence des feux de forĂȘt en 2003 ? Faut-il encore une fois invoquer avec fatalisme lâaction prĂ©datrice des pyromanes, dont la fascination maladive pour le feu serait responsable du bilan de cet Ă©tĂ© ? Ou bien existe-t-il un lien mĂ©canique entre la canicule et les incendies ? On ne dira jamais assez quâen forĂȘt mĂ©diterranĂ©enne les dĂ©parts de feu sont dans leur grande majoritĂ© dâorigine humaine. La vĂ©gĂ©tation mĂ©diterranĂ©enne, bien que brĂ»lant facilement, ne sâenflamme pas toute seule. Contrairement Ă dâautres forĂȘts dans le monde en particulier la taĂŻga, la foudre ne provoque quâune faible proportion des Ă©closions dâincendies, le plus souvent moins de 5 %. Les Ă©ruptions volcaniques, autre cause naturelle possible des incendies de forĂȘt, sont rares autour de la MĂ©diterranĂ©e. Lâhomme est en rĂ©alitĂ© responsable de la plus grande partie des feux, dans des proportions qui varient entre 92 % et 98 % selon les pays concernĂ©s Velez, 2000 ; Colin et al., 2001 ; Porrero Rodriguez, 2001.9Tous les incendiaires ne sont pas des pyromanes pris subitement dâun coup de folie. Le plus souvent, les feux sont liĂ©s Ă des nĂ©gligences ou des malveillances Alexandrian, Gouiran, 1992. MalgrĂ© les campagnes dâinformation, il est assez dĂ©solant de constater que les gestes dâincivilitĂ© jets de mĂ©gots, grillades en forĂȘt et autres bris de verre dĂ©clenchent encore et toujours des dĂ©parts de feux, notamment le long des autoroutes du Sud-Est de la France Esnault, 1995. Ces feux prennent rarement un caractĂšre catastrophique. Ils ont en revanche un effet indirect trĂšs nĂ©gatif en obligeant les services de lutte Ă disperser leurs moyens sur le terrain. Les feux intentionnels sont beaucoup plus dĂ©vastateurs. Ils sont pensĂ©s, prĂ©parĂ©s, prĂ©mĂ©ditĂ©s pour crĂ©er le plus de dommage possible, notamment en allumant plusieurs dĂ©parts de feu simultanĂ©s un jour de grand vent. Les motifs de ces incendies volontaires ne manquent pas protestation contre la crĂ©ation dâun parc naturel, revendication politique contre le pouvoir central, opposition contre le reboisement dâanciens pĂąturages, conflit entre les chasseurs et dâautres utilisateurs de la forĂȘt, spĂ©culation sur la requalification dâespaces forestiers en terrains urbanisables, recherche dâemploi dans la lutte contre lâincendie ou dans les travaux de restauration, et la liste est encore longue Velez, 2000. Loin du mythe un peu naĂŻf du pyromane fou, les feux de forĂȘt sont donc largement rĂ©vĂ©lateurs des enjeux Ă©conomiques et des conflits pour la maĂźtrise de lâ chaleurs et vents violents 10Les alĂ©as mĂ©tĂ©orologiques jouent aussi leur rĂŽle en crĂ©ant des conditions plus ou moins favorables Ă la propagation des feux, en particulier les coups de chaleur et les vents violents, comme nous lâa rappelĂ© la canicule de lâĂ©tĂ© 2003 dans le Sud-Ouest de lâEurope. Au Portugal, pays le plus affectĂ© par les incendies de forĂȘt, lâannĂ©e 2003 aura Ă©tĂ© lâune des plus chaudes du siĂšcle Ă©coulĂ©. Entre janvier et septembre 2003, la plupart des stations ont enregistrĂ© des tempĂ©ratures maximales supĂ©rieures Ă la normale, exceptĂ© pour le mois de fĂ©vrier. La canicule a Ă©tĂ© Ă la fois intense et exceptionnellement longue, puisquâelle a sĂ©vi du 11 juillet jusquâĂ la mi-aoĂ»t. Au mois dâaoĂ»t, les records de chaleur ont Ă©tĂ© battus dans huit stations portugaises, avec des valeurs atteignant ou dĂ©passant 39,5 °C. En France aussi les tempĂ©ratures maximales ont atteint des valeurs trĂšs Ă©levĂ©es dont les effets ont Ă©tĂ© amplifiĂ©s par le fort dĂ©ficit hydrique. Entre le 1er fĂ©vrier et le 18 aoĂ»t 2003, le Sud-Est de la France et la Corse nâont reçu que 200 mm de prĂ©cipitations, soit un dĂ©ficit pluviomĂ©trique de 50 % par rapport Ă la Toutefois, il nây a pas toujours de corrĂ©lation stricte entre les conditions mĂ©tĂ©orologiques et les feux de forĂȘt. Dans le cas du Portugal, la figure 1 met en Ă©vidence les anomalies de tempĂ©ratures maximales enregistrĂ©es en aoĂ»t 2003. Le diffĂ©rentiel entre les moyennes des tempĂ©ratures maximales atteintes en aoĂ»t 2003 et celles calculĂ©es sur la pĂ©riode 1961-1990 est plus accentuĂ© dans les rĂ©gions de Lisbonne et du Tras os Montes. Dans ces deux rĂ©gions, les moyennes des tempĂ©ratures maximales normales, plus basses que dans les parties continentales et mĂ©ridionales du Portugal notamment dans lâAlentejo, ont Ă©tĂ© plus fortement dĂ©passĂ©es. Ce nâest pas pour autant lĂ quâil a fait le plus chaud cet Ă©tĂ©. Les records absolus de chaleur ont Ă©tĂ© sensiblement plus Ă©levĂ©s Ă Evora 43 °C et Ă Beja 45,4 °C quâĂ Bragança 39,5 °C et Ă Lisbonne 41,6 °C. Les secteurs les plus fortement incendiĂ©s ne recoupent que trĂšs partiellement les aires les plus affectĂ©es par lâeffet canicule. Le large couloir central des grands incendies sâexplique aussi par la conjonction de trois autres facteurs la circulation des vents dominants dâouest en est, lâexistence dâun axe autoroutier majeur entre Lisbonne, lâEspagne et le reste de lâEurope, et lâimportance relative dans cette partie du Portugal des plantations dâeucalyptus trĂšs inflammables Arnould et al., 1997, p. 324.Fig. 1Feux de forĂȘt et canicule en aoĂ»t 2003 au Portugal une corrĂ©lation imparfaiteFeux de forĂȘt et canicule en aoĂ»t 2003 au Portugal une corrĂ©lation imparfaite12 Il nây a donc pas de liens mĂ©caniques entre la canicule et les feux de forĂȘt. Quant Ă Ă©tablir un lien Ă©ventuel entre les feux de 2003 et le changement climatique global, phĂ©nomĂšne sur lequel nous avons encore beaucoup dâincertitudes Leroux, 2002 ; Godard, 2001, il est difficile de se prononcer et cela pour plusieurs raisons. Dâune part, la canicule de 2003 nâest pas un accident climatique isolĂ©. De tels coups de chaleur se reproduisent environ tous les 20 Ă 30 ans, les Ă©pisodes les plus marquants des 50 derniĂšres annĂ©es Ă©tant ceux de 1947, 1976 et 1983. Les climatologues de MĂ©tĂ©oFrance, qui ont analysĂ© la canicule de 2003, nâĂ©tablissent aucun lien avec le changement climatique global Bessemoulin et al., 2004. Dâautre part, le climat mĂ©diterranĂ©en est caractĂ©risĂ© par une forte variabilitĂ© inter-annuelle des tempĂ©ratures, y compris en Ă©tĂ© Douguedroit, 1997. Il serait donc pour le moins hasardeux de conclure que la canicule et les feux de lâĂ©tĂ© 2003 sont la consĂ©quence du changement climatique global, plutĂŽt quâun alĂ©a mĂ©tĂ©orologique finalement assez banal autour de la lâessentiel nâest sans doute pas lĂ . La recherche scientifique sur les incendies de forĂȘt en MĂ©diterranĂ©e sâest trop appuyĂ©e sur le facteur climatique comme Ă©lĂ©ment explicatif, contribuant ainsi Ă instruire un faux procĂšs contre la nature mĂ©diterranĂ©enne. La chaleur et le vent certes stimulent la propagation des feux, mais il faut rĂ©affirmer avec force quâils nâen sont pas la cause directe. Comme cela a Ă©tĂ© rappelĂ©, la trĂšs large majoritĂ© des Ă©closions dâincendies est dâorigine humaine, et leur rĂ©pĂ©tition sâinscrit dans lâĂ©paisseur du temps. Il semble par consĂ©quent nĂ©cessaire dâaccorder une attention particuliĂšre Ă la dimension historique du phĂ©nomĂšne retour dâun vieux dĂ©mon14Dans cette forĂȘt habitĂ©e depuis des millĂ©naires par les sociĂ©tĂ©s mĂ©diterranĂ©ennes, le feu est une rĂ©alitĂ© inscrite sur la longue durĂ©e. La mise en perspective historique de la problĂ©matique du feu est une clĂ© essentielle de comprĂ©hension du phĂ©nomĂšne. Si lâhumanisation ancienne de la forĂȘt mĂ©diterranĂ©enne nâest plus Ă dĂ©montrer, on ne peut que constater avec Ă©tonnement la raretĂ© des recherches historiques sur les incendies. Sans prĂ©tendre Ă lâexhaustivitĂ©, essayons de retracer briĂšvement les principaux jalons de la relation ancienne entre la forĂȘt, le feu et les vĂ©gĂ©tation fille du feu 15La forĂȘt mĂ©diterranĂ©enne nâest certainement pas fragile, comme on peut le lire encore trop souvent. Elle possĂšde au contraire une surprenante vigueur si lâon songe aux nombreuses contraintes auxquelles elle doit faire face la sĂ©cheresse estivale, les coups de froid ou de chaleur, et bien entendu le feu. Les vĂ©gĂ©taux mĂ©diterranĂ©ens sont bien adaptĂ©s au retour pĂ©riodique des incendies. Leur aptitude innĂ©e Ă la reconquĂȘte permet aux plantes de la MĂ©diterranĂ©e de resurgir des sols calcinĂ©s dĂšs la premiĂšre ou la seconde annĂ©e aprĂšs le passage dâun chĂȘne-liĂšge voir photo 1 en est lâun des meilleurs exemples grĂące Ă son Ă©paisse Ă©corce subĂ©reuse, il renaĂźt trĂšs souvent de ses cendres. Dâautres espĂšces, comme le pin dâAlep ou le pin brutia, ne sont pas seulement rĂ©sistantes au feu. Ce sont des pyrophiles actives qui favorisent les incendies car elles ont besoin de leur passage rĂ©gulier pour se reproduire. Les fortes tempĂ©ratures atteintes lors dâun incendie font Ă©clater les cĂŽnes, permettant ainsi lâessaimage des pignons. La teneur en rĂ©sine trĂšs inflammable des pins augmente fortement le risque dâincendie. De plus, ces conifĂšres propagent rapidement le feu par la projection de flammĂšches et de brandons. Les sautes de matiĂšres enflammĂ©es peuvent atteindre plus de 2 km dans le cas des pinĂšdes de pin dâAlep, entraĂźnant ainsi lâallumage de foyers secondaires dans au moins 40 % des cas Alexandrian, 2002. La vĂ©gĂ©tation des sous-bois favorise aussi les incendies. Les olĂ©astres, les pistachiers-tĂ©rĂ©binthes ou les lentisques contiennent des rĂ©sines ou des huiles trĂšs inflammables. Tous ces vĂ©gĂ©taux possĂšdent de surcroĂźt une partie ligneuse trĂšs dĂ©veloppĂ©e qui fournit au feu une grande quantitĂ© de matiĂšres Le caractĂšre pyrophile de la vĂ©gĂ©tation mĂ©diterranĂ©enne est le rĂ©sultat dâune longue Ă©volution qui remonte au moins au NĂ©olithique. Lâintensification des incendies, liĂ©e au dĂ©veloppement des cultures et Ă la nĂ©cessitĂ© dâouvrir des espaces de pĂąturage pour les troupeaux domestiques, a largement contribuĂ© Ă diffuser les chĂȘnes sempervirents et les pins mĂ©diterranĂ©ens, au dĂ©triment parfois de forĂȘts caducifoliĂ©es prĂ©existantes comme lâa dĂ©montrĂ© A. Durand 1998 pour le Languedoc. En Espagne, parmi les nombreux gisements anthracologiques analysĂ©s par Vernet 1997, p. 129, celui de la Cova de Cendres province dâAlicante est lâun des plus reprĂ©sentatifs de la transformation ancienne des paysages forestiers mĂ©diterranĂ©ens par le feu. Vers 7 500 BP, la vĂ©gĂ©tation de cette rĂ©gion ibĂ©rique se composait dâune chĂȘnaie verte, accompagnĂ©e par un chĂȘne caducifoliĂ© probablement le chĂȘne faginĂ©. Lâexploitation de la chĂȘnaie, ainsi que la pratique de lâĂ©levage et de lâagriculture, se sont traduites par une premiĂšre phase dâouverture des peuplements vers 6 000 BP. Lâutilisation du feu est signĂ©e par lâapparition de bio-indicateurs pyrophiles comme le pin dâAlep. La substitution de la chĂȘnaie par une pinĂšde Ă pin dâAlep nâapparaĂźt quâau dĂ©but du NĂ©olithique, entre 6 000 et 4 500 BP. Elle est liĂ©e en grande partie Ă la multiplication des incendies dâorigine humaine. La rĂ©pĂ©tition des feux durant le Chalcolithique et lâĂąge du Bronze, entre 4 000 et 3 000 BP, a provoquĂ© lâexpansion dâun matorral composĂ© de pyrophytes ciste, romarin, lavande, bruyĂšre multiflore au dĂ©triment de la La vĂ©gĂ©tation mĂ©diterranĂ©enne actuelle est ainsi largement la fille du feu. DĂšs la PrĂ©histoire, le feu a constituĂ© un moyen efficace dâamĂ©nagement des forĂȘts par les paysans du NĂ©olithique Arnould, 2002. La cohabition du feu, des hommes et de la forĂȘt sâest prolongĂ©e tout au long de lâhistoire. Le feu nâĂ©tait pas uniquement liĂ© aux activitĂ©s agricoles ou pastorales, comme en tĂ©moignent les auteurs de lâ feux antiques19Zeus, Jupiter ou Vulcain, ces dieux majeurs des thĂ©ogonies antiques nous rappellent que, dans la mythologie grecque ou latine, le feu est indissociable de la reprĂ©sentation de lâUnivers. Avec lâair, lâeau, la terre, il en constitue un des Ă©lĂ©ments essentiels. Les auteurs antiques sont des tĂ©moins privilĂ©giĂ©s de leur temps. Beaucoup ont Ă©tĂ© Ă la source des sciences modernes. Il est par consĂ©quent logique dâinterroger leurs Ă©crits pour connaĂźtre lâimportance et la diversitĂ© des feux aux origines de lâhistoire autour de la MĂ©diterranĂ©e. Comment lâincendie Ă©tait-il apprĂ©hendĂ© ? Ătait-il considĂ©rĂ© comme un bienfait servant Ă lutter contre une forĂȘt trop envahissante ? Ou Ă lâinverse, Ă©tait-il perçu comme une calamitĂ© rĂ©currente quâil fallait combattre ?20 DâaprĂšs les auteurs de lâAntiquitĂ©, le feu pouvait avoir trois origines diffĂ©rentes. Le plus souvent, ils associaient les feux spontanĂ©s Ă des forces divines ou surnaturelles. Cependant, dans son traitĂ© De la nature, LucrĂšce 98-55 av. se dĂ©marque de cette vision des choses. Pour lui, le feu peut ĂȘtre provoquĂ© par le frottement des branches ou par la foudre Si pourtant un arbre branchu vacille sous les vents et ployant sâĂ©chauffe contre les branches dâun autre arbre, une Ă©tincelle jaillit par le frottement violent et parfois Ă©clate la ferveur ardente des flammes tandis que les branches et les troncs sâentrechoquent » De la nature, V. 1096-1100. Cette thĂ©orie du frottement des branches est une croyance ancienne, dĂ©jĂ Ă©voquĂ©e par Thucydide 460-395 av. quatre siĂšcles auparavant La Guerre du PĂ©loponnĂšse, II. 77. Concernant la foudre, LucrĂšce explique longuement quâelle nâest pas dâorigine divine De la nature, VI. 379-422. Elle se produit par le choc des nuages ou par lâĂ©chauffement du vent, et sâĂ©coule Ă grande vitesse comme un fluide en brĂ»lant tout sur son passage. Les feux dâorigine naturelle sont perçus comme un mauvais prĂ©sage ou comme une fatalitĂ©. Virgile 70-19 av. Ă©crit dans sa premiĂšre bucolique Ce malheur bien souvent, mais jâĂ©tais aveugle, nous a Ă©tĂ© prĂ©dit, je me rappelle maintenant, par les chĂȘnes atteints du feu cĂ©leste ». Mais plus loin, dans la septiĂšme bucolique, il avance une interprĂ©tation plus rationnelle, en associant de maniĂšre prĂ©cise le feu au solstice dâĂ©tĂ© et aux chaleurs ardentes de la saison estivale Les Bucoliques, p. 25 et p. 59.21 Le feu Ă©tait aussi une technique de guerre pour rĂ©duire un ennemi, au mĂȘme titre que le siĂšge ou lâassaut dâune citĂ©. Au cours des nombreuses batailles qui opposĂšrent les Perses et les Grecs, le feu sâest rĂ©vĂ©lĂ© ĂȘtre une arme redoutable. HĂ©rodote 484-420 av. raconte dans son enquĂȘte quâen 498 av. lors de lâexpĂ©dition des AthĂ©niens contre la citĂ© de Sardes Asie Mineure, la ville fut totalement ravagĂ©e par un incendie provoquĂ© par des jets de flĂšches enflammĂ©es EnquĂȘte, V. 99-102. Les Lydiens durent abandonner la ville et se rĂ©fugier dans les forĂȘts du mont Tmolos. La mĂȘme technique militaire Ă©tait utilisĂ©e dans les combats fratricides entre les citĂ©s grecques. Thucydide rapporte comment en 429 av. les PĂ©loponnĂ©siens ont incendiĂ© la ville de PlatĂ©e, dans lâAttique. Ils entassĂšrent des fagots de bois autour de la ville, puis y mirent le feu avec du soufre et de la poix enflammĂ©e Guerre du PĂ©loponnĂšse, II. 77. Ils ont ainsi provoquĂ© un incendie dâune extraordinaire violence. De tels brasiers, que seules les pluies pouvaient arrĂȘter, se propageaient souvent aux forĂȘts tous les feux dâorigine humaine nâĂ©taient pas inhĂ©rents Ă lâart de la guerre. La troisiĂšme manifestation du feu chez les auteurs antiques est liĂ©e aux pratiques agro-pastorales. Lucain 39-65 ap. nous livre un tĂ©moignage sans ambiguĂŻtĂ© sur lâimportance des feux pastoraux en Thessalie au Ier siĂšcle de notre Ăšre Ainsi, quand lâApulien, sâapprĂȘtant Ă faire pousser le gazon dans les plaines oĂč tout a Ă©tĂ© broutĂ© et Ă renouveler les herbes dâhiver, Ă©chauffe la terre avec la flamme, on voit briller Ă la fois Garganus et les champs de Vultur et les pacages brĂ»lants de Matinus » La Guerre civile, la Phrasale, IX. 180-186. Ces feux couvraient de vastes superficies qui ne se limitaient pas Ă la plaine, puisque Lucain nous informe indirectement que les montagnes boisĂ©es dâApulie Garganus, Vultur et Matinus Ă©taient aussi parcourues par les flammes. MalgrĂ© les dommages causĂ©s aux forĂȘts, cette pratique de rĂ©gĂ©nĂ©ration des pĂąturages par des brĂ»lis plus ou moins maĂźtrisĂ©s nâest pas dĂ©noncĂ©e par les agronomes latins. Dans les traitĂ©s dâagriculture de Columelle ier siĂšcle ap. ou de Palladius dates inconnues, ive siĂšcle ap. elle apparaĂźt comme une technique tout Ă fait banale Columelle, II. 2 ; Palladius, IX. 4.23 Si le feu promĂ©thĂ©en a permis dâarracher lâhumanitĂ© Ă la vie sauvage, son utilisation nâa pas toujours Ă©tĂ© bĂ©nĂ©fique. Les feux guerriers ou pastoraux provoquĂšrent, dĂšs lâAntiquitĂ©, la ruine de certaines forĂȘts. Platon 427-347 av. dans le Critias, dresse un bref Ă©tat des lieux de lâAttique, en dĂ©plorant le dĂ©boisement des montagnes Critias, p. 532. Ă la place des vastes forĂȘts prĂ©existantes, Platon dĂ©crit un paysage de rochers dĂ©nudĂ©s, de champs pierreux dĂ©pourvus de terre vĂ©gĂ©tale et de sources taries. SinguliĂšrement, il en attribue la cause Ă un mystĂ©rieux cataclysme, alors que lâusage du feu est plus certainement responsable de la dĂ©forestation et du ravinement de ces chasse aux incendiaires24 Ă partir du Moyen Ăge, le fait le plus notable par rapport Ă lâAntiquitĂ© est la prise de conscience du risque que reprĂ©sentent les incendies. Cela se traduit par lâadoption de lois visant Ă dissuader les incendiaires. Le droit wisigoth en Espagne fut sans doute lâun des premiers Ă assimiler lâincendie de forĂȘt Ă un dĂ©lit. Dans le Fuero Juzgo de lâan 654, tout homme surpris Ă brĂ»ler la forĂȘt Ă©tait condamnĂ© Ă une amende et Ă recevoir cent gifles livre VIII, titre III, alinĂ©a 2. Les mesures de protection des forĂȘts ont Ă©tĂ© reprises dans les textes de lois espagnols postĂ©rieurs Siete Partidas de 1263, Ordenamiento de AlcalĂĄ de 1325. Mais ces dispositions juridiques se rĂ©vĂ©lĂšrent peu efficaces. Lors des Cortes de Valladolid de 1351, Pedro Ier 1334-1369 dĂ©nonça les dĂ©gĂąts commis contre les forĂȘts ceux qui vivent dans les contrĂ©es des pinĂšdes et des yeuseraies les coupent et les brĂ»lent pour faire de nouvelles terres, et ainsi ils dĂ©truisent tout » Real Academia de Historia, Cortes de Valladolid, tome II, titre 61, p. 36. Pour Ă©viter de tels agissements, Pedro Ier durcit la lĂ©gislation. Les individus coupables dâavoir incendiĂ© la forĂȘt devaient ĂȘtre condamnĂ©s Ă mesures avaient pour but de prĂ©venir les dommages causĂ©s par les incendies. En Sardaigne, la Charte de Logus, Ă©dictĂ©e en 1386 par Eleonora dâArborea 1347-1404, contient plusieurs dispositions de prĂ©vention regroupĂ©es dans les Ordinamentos de foghu Scanu, 1991. DâaprĂšs lâarticle 49, les citoyens devaient participer Ă la crĂ©ation et Ă lâentretien dâun coupe-feu appelĂ© doha autour des villes et des villages, en Ă©liminant les herbes et les arbustes. Ce travail sâeffectuait chaque annĂ©e, au dĂ©but du mois de juillet. Ceux qui ne participaient pas Ă cette tĂąche collective Ă©taient tenus responsables en cas dâincendie. La peine encourue Ă©tait le paiement dâune amende et la perte de la main droite, voire la condamnation Ă mort pour les incendies les plus Toutes ces mesures de lutte contre les incendies ont Ă©tĂ© reformulĂ©es Ă maintes reprises Ă lâĂ©poque moderne Amouric, 1992, p. 129-131. En France par exemple, la Chambre des eaux et forĂȘts du parlement dâAix-en-Provence promulgua en 1602 un arrĂȘtĂ© faisant inhibitions ausdits propriĂ©taires et vsagers, de ne couper aucun bois pour le brusler sur les lieux, faire eyssarts pour conuertir la terre en labeur ». Cette prohibition est rĂ©itĂ©rĂ©e dans des termes presque identiques par deux autres arrĂȘtĂ©s du parlement dâAix datant de 1633 et de 1659 archives dĂ©partementales de Digne, circulaires, arrĂȘtĂ©s et ordonnances dâAncien RĂ©gime, liasse A2. Lâordonnance de Colbert de 1669 Ă©tend cette interdiction Ă toutes les forĂȘts du royaume. En effet, lâarticle 32 du titre XXVII dĂ©fendait Ă quiconque dâeffectuer des brĂ»lages en forĂȘt ou dans les landes sous peine de chĂątiments corporels et du paiement dâune amende DevĂšze, 1962. Ces dispositions sont rappelĂ©es par le parlement dâAix-en-Provence en 1706, 1763 et 1773 Amouric, 1992, p. 130. La rĂ©itĂ©ration de ces interdits dĂ©montre Ă lâĂ©vidence leur inefficacitĂ©. Ă cela plusieurs explications la taille des superficies Ă surveiller, la difficultĂ© de contrĂŽler lâactivitĂ© des nombreux coureurs de bois qui exerçaient leur activitĂ© en forĂȘt bergers, charbonniers, gemmeurs, cueilleurs de plantes mĂ©dicinales⊠ou encore le poids des usages et des xix e siĂšcle, lâentrĂ©e en scĂšne des nouveaux acteurs que sont les ingĂ©nieurs forestiers a permis sans doute une meilleure prise en compte du risque que reprĂ©sentait le feu dans les forĂȘts. Mais ce ne fut pas la fin des incendies, bien au contraire. Lâappropriation souvent autoritaire de la gestion des forĂȘts par les diffĂ©rentes administrations forestiĂšres, au dĂ©triment des communautĂ©s rurales Kalaora, Savoye, 1986 ; Corvol, 1987 ; Bouisset, 1998 ; ClĂ©ment, 2002, sâest accompagnĂ©e dâune recrudescence des incendies. Le feu est devenu lâune des formes de protestation des ruraux contre la remise en cause de leurs droits sĂ©culaires Amouric, 1992, p. 117. Les reboisements effectuĂ©s par les services forestiers restauration des terrains de montagne en France, reboisement des baldios au Portugal, reboisements du patrimonio forestal en Espagne, suivis dâune interdiction stricte de tous les droits dâusage, attisĂšrent encore plus la colĂšre paysanne. Ainsi, dans la province de Soria en 1868, de grands incendies furent provoquĂ©s par les communautĂ©s rurales pour dĂ©noncer les nouvelles plantations de pins rĂ©alisĂ©es sur dâanciens terrains de parcours. Les services forestiers qualifiĂšrent ces actes dâattentats vandaliques » et de stupides vengeances », ne laissant par lĂ mĂȘme aucun doute sur la nature protestataire de ces feux Breñosa, 1869. Les mĂȘmes causes produisirent les mĂȘmes effets dans les CĂ©vennes, Ă partir des annĂ©es 1870 Cornu, 2003.28Au total, retenons deux idĂ©es simples de cette brĂšve mise en perspective historique. Tout dâabord, les feux sont loin dâĂȘtre un phĂ©nomĂšne rĂ©cent. Toute lâhistoire de la forĂȘt mĂ©diterranĂ©enne est traversĂ©e par le retour pĂ©riodique des incendies. Ensuite, les feux de forĂȘt ne sont pas le rĂ©sultat des caractĂ©ristiques particuliĂšres du milieu, postulat qui est pourtant au cĆur du procĂšs contre la nature mĂ©diterranĂ©enne instruit par tout un courant de recherche sur les incendies. La rĂ©pĂ©tition des feux est avant tout un fait culturel, inscrit dans un systĂšme de relations ambivalent entre la forĂȘt et les sociĂ©tĂ©s puisque le feu Ă©tait perçu soit comme un mode de gestion efficace par les communautĂ©s paysannes Grove, Rackham, 2001 ; Landsberg, 1997, soit comme un danger par les Ă©lites politiques. La prĂ©vention des incendies engagĂ©e depuis le xixe siĂšcle a-t-elle permis de rĂ©duire ce risque ?Les errances de la politique de prĂ©vention29DĂšs le xix e siĂšcle, en liaison avec lâapparition des diffĂ©rentes administrations forestiĂšres dans le Sud-Ouest de lâEurope, la lutte contre les incendies a Ă©tĂ© fondĂ©e sur un renforcement de la criminalisation des feux et sur le postulat dâune forĂȘt fragile et menacĂ©e. Cette approche de la problĂ©matique des feux, qui a perdurĂ© durant la plus grande partie du xxe siĂšcle, a non seulement orientĂ© la prĂ©vention des incendies vers une protection lourde contre les feux dĂ©clarĂ©s, mais elle a aussi constituĂ© lâessentiel de la politique forestiĂšre, au dĂ©triment dâune vĂ©ritable valorisation Ă©conomique de la forĂȘt mĂ©diterranĂ©enne. Ătait-ce la meilleure façon de prĂ©server cette forĂȘt anciennement habitĂ©e par les hommes ?Les effets pervers de la criminalisation des feux30La prĂ©vention moderne des incendies en forĂȘt mĂ©diterranĂ©enne remonte Ă la seconde moitiĂ© du xixe siĂšcle. DĂšs 1865, Ch. de Ribbe posait les fondements de la lutte contre le feu dans son ouvrage intitulĂ© Des incendies de forĂȘts dans la rĂ©gion des Maures et de lâEsterel. Leurs causes. Leur histoire. Moyens dây remĂ©dier. Ce livre prĂ©curseur, amplement diffusĂ© Ă lâĂ©poque Chalvet, 2000, p. 235, fut le point de dĂ©part de la loi du 6 juillet 1870 sur la protection des forĂȘts des Maures et de lâEsterel que lâon appelait alors, de maniĂšre tout Ă fait symptomatique, la rĂ©gion du feu ». La loi de 1870 Ă©nonça les principes essentiels de la lutte contre les incendies. Les solutions avancĂ©es Ă©taient assez comparables aux dogmes actuels lĂ©gifĂ©rer pour interdire tout brĂ»lage en forĂȘt, dĂ©broussailler les sous-bois, Ă©tablir un coupe-feu, promouvoir la crĂ©ation dâun service de lutte avec des agents spĂ©cialisĂ©s, Ă©lĂ©gamment baptisĂ©s les sapeurs des forĂȘts » Ribbe, 1865, p. 75-76 et p. 95.31 Tous les ingrĂ©dients de lâĂ©chec relatif de la lutte contre lâincendie Ă©taient dĂ©jĂ rĂ©unis. Comme le soulignent Grove et O. Rackham, la criminalisation du feu au cours de lâhistoire nâa jamais Ă©tĂ© dâaucune efficacitĂ© pour protĂ©ger les forĂȘts mĂ©diterranĂ©ennes Groves, Rackham, 2001, p. 229. Elle est de plus assez contradictoire avec la nĂ©cessitĂ© de dĂ©broussailler les sous-bois, ce qui traditionnellement a Ă©tĂ© effectuĂ© par les feux paysans occupational burning. Au xixe et durant la premiĂšre moitiĂ© du xxe siĂšcle, la limitation drastique des droits dâusage par les diffĂ©rentes administrations forestiĂšres a largement contribuĂ© Ă ruiner lâĂ©conomie agro-sylvo-pastorale des arriĂšres-pays mĂ©diterranĂ©ens et Ă accĂ©lĂ©rer leur baisse Lâexemple des Maures et de lâEsterel est particuliĂšrement rĂ©vĂ©lateur de lâimpasse dans laquelle sâest durablement Ă©garĂ©e la politique de prĂ©vention. Ă la suite des grands incendies de forĂȘt de 1877 dans ces massifs, lâingĂ©nieur forestier A. de Guiny, en poste dans le Var, exprimait dĂ©jĂ et sans rĂ©serves les limites de la loi de 1870 On doit, en effet, se demander si la loi nouvelle nâest pas inefficace, si les travaux entrepris dans les forĂȘts de lâĂtat nâont pas Ă©tĂ© inutiles, en un mot, si lâimpossibilitĂ© de lutter contre les incendies des forĂȘts du Var nâest pas dĂ©finitivement dĂ©montrĂ©e » Guiny, 1877, p. 513. Le principal obstacle soulignĂ© par A. de Guiny est lâinapplicabilitĂ© du dĂ©broussaillement, en raison de son coĂ»t trĂšs Ă©levĂ© dans un espace ayant subi un fort exode rural. En 1886, le docteur F. Depelchin a consacrĂ© tout un chapitre sur les feux des Maures et de lâEsterel dans son ouvrage sur les ForĂȘts de la France. Le livre a Ă©tĂ© favorablement commentĂ© par lâingĂ©nieur forestier Le Grix dans la Revue des Eaux et ForĂȘts Le Grix, 1886. F. Depelchin critiquait lui aussi la lĂ©gislation contre les incendiaires de 1870 et pointait du doigt lâĂ©cueil majeur que reprĂ©sente lâabsence de toute valorisation Ă©conomique de la forĂȘt La mĂ©thode vĂ©ritablement curative consisterait Ă dĂ©velopper rationnellement, Ă amĂ©liorer, Ă encourager la culture et les industries forestiĂšres dans la rĂ©gion des Maures et de lâEsterel [âŠ]. Câest Ă ce prix et par ce moyen que les incendies ne seront plus Ă redouter » Depelchin, 1886, p. 363. En 1933, dans son livre sur lâHomme et la forĂȘt, P. Deffontaines dressa un bilan alarmiste de la progression des incendies dans les Maures et lâEsterel entre 1880 et 1929. Les feux ont en effet parcouru 35 000 ha entre 1880 et 1900, 55 000 ha entre 1900 et 1915, 143 000 ha entre 1915 et 1929. P. Deffontaines Ă©tablissait alors un lien direct entre lâaugmentation des feux et lâabandon des terres Cette progression funeste sâexplique par la disparition de cultures qui coupaient autrefois les massifs, opposant des obstacles Ă la marche des flammes. Le pays se dĂ©peuple, les cultures reculent ; ici, bien loin que ce soit les boisements qui en profitent, câest le feu qui trouve un milieu plus favorable » Deffontaines, 1933, p. 158.33 Au lieu de dĂ©velopper lâĂ©conomie forestiĂšre, la multiplication des interdits a non seulement ruinĂ© le systĂšme agro-sylvo-pastoral traditionnel, mais elle a de surcroĂźt conduit Ă une dangereuse perte de lien social entre la forĂȘt et les populations autochtones. La remise en cause de la gestion paysanne de la forĂȘt et lâexode vers les villes ont eu des effets contre-productifs. Au fil du temps, la densification du couvert vĂ©gĂ©tal, le vieillissement des taillis, la reconquĂȘte arbustive des sous-bois et lâaccumulation de bois morts liĂ©e Ă la rĂ©duction des prĂ©lĂšvements, ont augmentĂ© la prĂ©sence de matiĂšre combustible dans les forĂȘts mĂ©diterranĂ©ennes du Sud-Ouest de lâEurope. Les choix en matiĂšre de politique de lutte contre les incendies au xixe siĂšcle, en grande partie responsables de lâĂ©tat actuel des forĂȘts, ont fortement augmentĂ© la vulnĂ©rabilitĂ© de la forĂȘt mĂ©diterranĂ©enne en rompant lâĂ©quilibre instable qui sâĂ©tait instaurĂ© entre les communautĂ©s paysannes et le milieu forestier. Le problĂšme du dĂ©brousaillement des forĂȘts est toujours dâactualitĂ©, et il est loin dâĂȘtre prĂ©supposĂ© de la forĂȘt en danger34Lâautre idĂ©e hĂ©ritĂ©e du xixe siĂšcle servant encore Ă lĂ©gitimer la lutte contre le feu est celle dâune forĂȘt en danger. Les assauts rĂ©pĂ©tĂ©s des flammes entraĂźneraient inĂ©luctablement la disparition de la forĂȘt mĂ©diterranĂ©enne EUROFOR, 1994. Ce postulat erronĂ© va souvent de pair avec une vision misĂ©rabiliste de la forĂȘt mĂ©diterranĂ©enne, inlassablement qualifiĂ©e de dĂ©gradĂ©e, fragile ou chĂ©tive. Si tel Ă©tait le cas, pourquoi engager autant de moyens pour protĂ©ger une forĂȘt ayant perdu toute valeur Ă©cologique ou paysagĂšre ?35 Au-delĂ de cette vision catastrophiste, assimilant le feu Ă une menace permanente pour la forĂȘt, on peut opposer un point de vue diffĂ©rent. Le feu nâa pas que des effets nĂ©gatifs. Les traits si originaux de la forĂȘt mĂ©diterranĂ©enne, notamment sa composition floristique et ses mosaĂŻques paysagĂšres, sont largement tributaires dâune histoire rythmĂ©e par le retour pĂ©riodique du feu. Le passage des incendies permet de conserver des milieux ouverts, maquis ou garrigues, qui constituent un vĂ©ritable conservatoire de la biodiversitĂ© mĂ©diterranĂ©enne MĂ©dail, Quezel, 1997. Du point de vue de la dynamique forestiĂšre, M. Barbero, P. Quezel et R. Loisel ont dĂ©montrĂ© que lâincendie Ă©tait une perturbation indispensable Ă la rĂ©gĂ©nĂ©ration de la forĂȘt mĂ©diterranĂ©enne Barbero et al., 1990 ; ClĂ©ment, 1999. Ă long terme, lâabsence totale de feu rĂ©duirait considĂ©rablement la prĂ©sence des espĂšces pionniĂšres et pyrophiles, ce qui aurait pour effet de limiter les capacitĂ©s de rĂ©silience de la forĂȘt dâĂȘtre menacĂ©e par le retour pĂ©riodique des incendies, la forĂȘt mĂ©diterranĂ©enne est en pleine expansion depuis le xix e siĂšcle. Elle recolonise les espaces progressivement abandonnĂ©s par lâagriculture ou par lâĂ©levage dans les arriĂšre-pays mĂ©diterranĂ©ens du Sud-Ouest de lâEurope. Ainsi, dans les PrĂ©alpes du Sud, les surfaces forestiĂšres ont Ă©tĂ© multipliĂ©es en moyenne par trois depuis un siĂšcle Vallauri, 1997, p. 336. Les reboisements en pin noir dâAutriche effectuĂ©s par les services de Restauration des terrains de montagne RTM ne reprĂ©sentent quâune faible part de cette reconquĂȘte forestiĂšre moins de 5 %. Pour D. Vallauri, celle-ci est surtout le fait dâune dynamique spontanĂ©e, engendrĂ©e par la dĂ©prise rurale. Le retour de la forĂȘt se poursuit de nos jours au cours des dix derniĂšres annĂ©es, la forĂȘt mĂ©diterranĂ©enne française a progressĂ© de 11 % ClĂ©ment, 1999 ; ClĂ©ment, Jappiot, 2005. Il ne sâagit pas uniquement de formations pionniĂšres. On assiste aussi par endroits Ă un retour de chĂȘnes caducifoliĂ©s, notamment le chĂȘne pubescent sur le versant mĂ©ridional de la montagne de Lure. Ce nâest pas un cas spĂ©cifique Ă la France. Le chĂȘne faginĂ© en Espagne, le chĂȘne pyrĂ©nĂ©en au Portugal et le chĂȘne chevelu en Italie reconquiĂšrent aussi des territoires perdus au dĂ©triment des chĂȘnes sempervirents Simon, 1997, p. 179.37 La diabolisation du feu est par consĂ©quent un non-sens, tant du point de vue de la biodiversitĂ© que de la dynamique forestiĂšre. La crainte quâil suscite tient surtout Ă la modification de la perception du phĂ©nomĂšne. Autrefois, le feu entrait dans le registre des pratiques habituelles et assumĂ©es par les populations locales, mĂȘme si par ailleurs il Ă©tait dĂ©noncĂ© par les Ă©lites politiques et par les forestiers. Aujourdâhui, dans nos sociĂ©tĂ©s ultra-sĂ©curitaires et urbaines, le feu est toujours vĂ©cu comme un Ă©chec, une crise, une menace. Plus que par rapport Ă la forĂȘt, la lutte contre les incendies trouve sa lĂ©gitimitĂ© dans la protection des biens et des personnes qui ont rĂ©cemment investi le milieu forestier. Il sâagit bien souvent de nĂ©o-ruraux, installĂ©s temporairement ou durablement rĂ©sidences secondaires, retraitĂ©s, rurbains, sans avoir de liens rĂ©els avec le milieu forestier. Ces nouveaux habitants de la forĂȘt nâont pas de mĂ©moire du risque. La forĂȘt est pour eux un simple dĂ©cor. Elle symbolise une libertĂ© retrouvĂ©e face Ă lâespace de contrainte que constitue la ville, au mĂȘme titre que les riviĂšres dont la proximitĂ© est recherchĂ©e malgrĂ© le risque dâinondation Vanssay, 2003, p. 54. La progression de lâurbanisation autour des grandes villes mĂ©diterranĂ©ennes et le mitage de la forĂȘt par les villas dans les espaces touristiques littoraux nâont pas créé la problĂ©matique du feu. En revanche, ils ont assurĂ©ment ouvert un nouveau front dâincendies en multipliant les interfaces forĂȘt-urbanisation. Cela ne signifie pas que le risque dâincendies ait disparu des espaces ruraux. En 2003, le dĂ©partement de Haute-Corse, en grande partie rural, a Ă©tĂ© le plus touchĂ© des dĂ©partements français prĂšs de 21 000 ha brĂ»lĂ©s, contre seulement 2 308 ha dans les Bouches-du-RhĂŽne.Les nouvelles orientations de la lutte contre lâincendie38Depuis deux dĂ©cennies, on assiste Ă une formidable mobilisation scientifique, juridique et technique pour lutter contre le feu. Le premier forum international sur les stratĂ©gies de prĂ©vention des incendies dans les forĂȘts du Sud de lâEurope, qui sâest tenu Ă Bordeaux du 31 janvier au 2 fĂ©vrier 2002, tĂ©moigne de la mobilisation sans prĂ©cĂ©dent de la recherche dans ce domaine Union des sylviculteurs du Sud de lâEurope et al., 2002. Au-delĂ de la mise en Ćuvre dâapproches sophistiquĂ©es SIG, tĂ©lĂ©dĂ©tection, modĂ©lisation mathĂ©matique pour identifier les zones Ă risque, modĂ©liser la dynamique des feux, Ă©tudier lâinflammabilitĂ© des vĂ©gĂ©taux ou Ă©tablir des prĂ©visions mĂ©tĂ©orologiques plus fines, ce qui retient le plus lâattention est la redĂ©couverte de mĂ©thodes de gestion traditionnelles. Les brĂ»lages dirigĂ©s, lâintroduction de troupeaux dĂ©broussailleurs ou encore la reconstitution de mosaĂŻques paysagĂšres rappellent Ă©trangement les formes de gestion paysanne de la forĂȘt tant dĂ©criĂ©es auparavant. Les plans de prĂ©vention intĂšgrent de plus en plus ces diffĂ©rents aspects, dans une vision plus large dâamĂ©nagement du territoire Delannoy, Viret, 2003, p. 67.39 Lâexemple de la politique de lutte contre les incendies menĂ©e dans les PyrĂ©nĂ©es-Orientales illustre parfaitement cette Ă©volution. Avant 1990, la stratĂ©gie adoptĂ©e fonctionnait en vase clos elle Ă©tait conçue par des forestiers, sur un domaine forestier, avec des moyens forestiers » Bourgoin, 2002. Cet esprit de corps, faisant de la forĂȘt le domaine rĂ©servĂ© des forestiers, sâest traduit par une orientation lourde de lutte contre les incendies dĂ©clarĂ©s. Les amĂ©nagements DFCI DĂ©fense des forĂȘts contre lâincendie tĂ©moignent de cette orientation. Ils se limitent Ă trois types dâĂ©quipements les pistes dâaccĂšs, les pare-feu 25 m de part et dâautre dâune piste et les points dâeau. Ces amĂ©nagements sont principalement destinĂ©s aux interventions dâurgence, sans pour autant apporter de rĂ©ponse durable Ă la problĂ©matique du feu. De plus, les pĂ©rimĂštres DFCI, conçus dâabord pour lutter contre les incendies dans les Landes, ont Ă©tĂ© Ă©tendus aux rĂ©gions mĂ©diterranĂ©ennes oĂč ils se sont rĂ©vĂ©lĂ©s peu efficaces en raison principalement des difficultĂ©s dâaccessibilitĂ© relief plus accidentĂ© et du morcellement de la propriĂ©tĂ© forestiĂšre. Ă partir de 1990, les responsables de la Direction dĂ©partementale de lâagriculture et de la forĂȘt DDAF des PyrĂ©nĂ©es-Orientales ont essayĂ© dâapprĂ©hender la prĂ©vention contre les incendies dans une approche plus globale dâamĂ©nagement de lâespace rural. Ă la place des pare-feu de dimension rĂ©duite et dont lâentretien engloutissait des moyens financiers colossaux passage des dĂ©broussailleuses tous les 3 ou 4 ans, de grandes coupures pastorales ont Ă©tĂ© créées au dĂ©but des annĂ©es 1990 dans les subĂ©raies du piĂ©mont des AlbĂšres. Cela a permis de protĂ©ger plus efficacement la forĂȘt, tout en assurant le redĂ©marrage de lâexploitation du liĂšge et en offrant aux Ă©leveurs de nouvelles aires de Les Plans de prĂ©vention des forĂȘts contre lâincendie PPFCI, instaurĂ©s en France par la loi du 9 juillet 2001, traduisent la mĂȘme volontĂ© de dĂ©passer le strict amĂ©nagement des forĂȘts pour lutter contre lâincendie. Lâune des innovations des PPFCI est de ne plus se limiter au cadre communal. En effet, les PPFCI doivent ĂȘtre Ă©laborĂ©s pour chaque massif forestier, indĂ©pendamment des divisions administratives Delannoy, Viret, 2003. Lâautre nouveautĂ© de la loi de 2001 est dâimpliquer plus largement les Ă©lus locaux dans un systĂšme dâacteurs trĂšs pyramidal, avec un rĂŽle prĂ©pondĂ©rant de lâĂtat. Cette Ă©volution est cependant limitĂ©e. Les Ă©lus locaux ont un poids dĂ©cisionnel encore trĂšs discret dans la politique de lutte contre les incendies. En revanche, ils ont des obligations nouvelles. Les maires sont tenus de faire respecter le dĂ©broussaillement de la loi de 2001. Ils sont en particulier chargĂ©s dâĂ©tablir un Plan intercommunal de dĂ©broussaillement et dâamĂ©nagement des forĂȘts PIDAF. Les actions entreprises dans le cadre des PIDAF sont financĂ©es entre 80 % et 100 % par lâĂtat. Si la loi de 2001 va dans le bon sens, les mesures envisagĂ©es sont encore bien timides. Pour lutter plus efficacement contre les incendies, la plupart des spĂ©cialistes sâaccordent aujourdâhui sur la nĂ©cessitĂ© de revitaliser lâĂ©conomie forestiĂšre, de redonner aux forĂȘts mĂ©diterranĂ©ennes leur vocation multifonctionnelle, et de dĂ©velopper la gestion participative de ces milieux anciennement humanisĂ©s AIFM, 2002.Conclusion41 Ainsi, plutĂŽt que de dresser un procĂšs contre la nature mĂ©diterranĂ©enne, en invoquant avec un certain fatalisme les excĂšs du climat ou la prĂ©tendue fragilitĂ© de la forĂȘt mĂ©diterranĂ©enne, il serait sans doute plus rationnel dâadmettre que le feu est une rĂ©alitĂ© ancienne avec laquelle on doit cohabiter HĂ©tier, 1993. Cela ne signifie pas quâil ne faut rien faire. Le modĂšle de gestion des incendies en AmĂ©rique du Nord, consistant Ă laisser courir le feu stratĂ©gie du Let burn » tout en protĂ©geant plus ou moins efficacement les biens et les populations, comme on a pu le voir rĂ©cemment en Californie feux de novembre 2003, nâest pas applicable en Europe. Personne ne conteste la nĂ©cessitĂ© dâun cadre juridique ou lâutilitĂ© de mobiliser des moyens de lutte. Mais Ă lâĂ©vidence, cette approche est insuffisante pour Ă©viter le retour pĂ©riodique des grands apparaĂźt donc indispensable de bousculer un certain nombre dâidĂ©es reçues, et en particulier de lever le tabou dâune forĂȘt non productive. Cette vision rĂ©ductrice dĂ©coule de critĂšres inadaptĂ©s pour Ă©valuer la rentabilitĂ© de la forĂȘt mĂ©diterranĂ©enne, trop souvent inspirĂ©s de lâĂ©conomie sylvicole de lâEurope du Nord. De plus en plus de spĂ©cialistes considĂšrent que la meilleure protection contre les incendies serait dâengager une vĂ©ritable politique de valorisation des productions directes bois, liĂšge, gemme, plantes mĂ©dicinales⊠ou indirectes Ă©levage, trufficulture, tourisme⊠de la forĂȘt mĂ©diterranĂ©enne AIFM, 2002. Mais cela suppose une vĂ©ritable rĂ©volution culturelle vis-Ă -vis dâune forĂȘt trop souvent victime dâimages nĂ©gatives. [*] Notes [*] Je tiens Ă remercier vivement Paul Arnould, professeur Ă lâENS-LSH, qui a bien voulu relire le manuscrit et me faire part de ses remarques.
LafrĂ©quence de lâarrosage varie en fonction du temps dehors. GĂ©nĂ©ralement, lâentretien romarin rampant exige de lâeau une ou deux fois par semaine en Ă©tĂ© et tous les 10 jours pour le reste de lâannĂ©e. Quand il sâagit dâune plante dans le jardin oĂč il a des prĂ©cipitations de plus de 350mm par an, Ă partir de la seconde
Abstracts Les historiens du sucre des CaraĂŻbes et des AmĂ©riques nâont pas cessĂ© de dĂ©fendre la thĂšse dâune structure esclavagiste que le Nouveau Monde a empruntĂ©e Ă la MĂ©diterranĂ©e. Ils soutiennent que lâemploi des esclaves sâest amorcĂ© dans les plantations et les sucreries mĂ©diterranĂ©ennes avant de gagner lâAtlantique. Pourtant lâexamen rigoureux des sources montre que les sucreries mĂ©diterranĂ©ennes font appel Ă des paysans, Ă des entrepreneurs agricoles ou Ă des ouvriers rĂ©munĂ©rĂ©s, pour accomplir les diffĂ©rentes tĂąches de la production. Cette activitĂ© ne peut pas ĂȘtre envisagĂ©e en tant que forme dâĂ©conomie esclavagiste, et donc ne peut pas servir de modĂšle au Nouveau Monde. Ce sont surtout les progrĂšs techniques accomplis qui sont mis Ă profit Ă grande Ă©chelle pour dĂ©velopper lâindustrie sucriĂšre dans les CaraĂŻbes et en AmĂ©rique. Historians of Caribbean and American sugar have constantly defended and contended the proposition of an existing slavery structure that was borrowed from the Mediterranean by the New World. They postulate that employing slaves was initiated in the Mediterranean plantations and sugar manufactures prior to conquering the Atlantic. Controversially, the rigorous scrutiny of sources indicates that Mediterranean sugar manufactures attracted farmers or agricultural entrepreneurs, along with employers, toward accomplishing the different tasks of the refineries. Sugar production in Medieval Mediterranean can not be conceptualised as a slavery-based economic system, nor could it be such a model for Atlantic plantations. However, technical progress being intensively invested in Mediterranean sugar manufactures permitted to attain the level of developing sugar industry in the Caribbean and of page Full text 1 Charles Verlinden, Lâesclavage dans lâEurope mĂ©diĂ©vale, I PĂ©ninsule IbĂ©rique-France, Bruges, 1955 ... 2 On peut citer trois publications rĂ©centes Roger Botte et Alessandro Stella, dir., Couleur de lâes ... 3 La route du sucre du viiie au xviiie siĂšcle, colloque international organisĂ© par lâAssociation popu ... 1Les recherches publiĂ©es sur le thĂšme de lâesclavage depuis le siĂšcle dernier sont nombreuses. Mais elles ont Ă©tĂ© menĂ©es essentiellement sous lâangle quantitatif1, et certaines questions nâont Ă©tĂ© que trĂšs peu abordĂ©es, en particulier celle de la complexitĂ© de ce phĂ©nomĂšne et de son rapport avec le marchĂ© du travail2. Dâautres problĂ©matiques suscitent encore le dĂ©bat comme celle du lien entre production du sucre et esclavage, ou du statut de la main dâĆuvre employĂ©e dans les plantations et les sucreries mĂ©diterranĂ©ennes au Moyen Ăge3. 4 Dans les actes du colloque organisĂ© Ă Schoelcher, Maurice Burac et Christian Montbrun persistent Ă ... 2De ce point de vue, les travaux menĂ©s jusquâĂ la fin du xxe siĂšcle sont majoritairement lâĆuvre dâhistoriens du sucre des CaraĂŻbes et de lâAmĂ©rique. Or ceux-ci vĂ©hiculent la thĂšse de lâexportation du modĂšle mĂ©diterranĂ©en aux Ăźles Atlantiques, dans un premier temps, en AmĂ©rique dans un second temps. Ils considĂšrent que le Nouveau Monde a empruntĂ© Ă la MĂ©diterranĂ©e mĂ©diĂ©vale une structure esclavagiste et que lâemploi dâesclaves a dĂ©butĂ© dans les plantations mĂ©diterranĂ©ennes avant de gagner lâAtlantique4. Câest le sens des travaux de Charles Verlinden, qui affirme que 5 Charles Verlinden, Les Origines de la civilisation atlantique. De la Renaissance Ă lâĂąge des LumiĂšr ... Lâesclavage colonial mĂ©diĂ©val servit de modĂšle Ă lâesclavage colonial atlantique. La main dâĆuvre non libre avait Ă©tĂ© employĂ©e dans les colonies italiennes de la MĂ©diterranĂ©e pour tous les genres de travaux dont elle allait ĂȘtre chargĂ©e dans les colonies atlantiques5. 6 Sidney Mintz, Sucre blanc, misĂšre noire, le goĂ»t et le pouvoir, traduit de lâanglais par R. Ghani, ... 7 Jock H. Galloway, The sugar cane industry, an historical geography from its origin to 1914, Cambrid ... 8 Blaise Essomba, Sucre mĂ©diterranĂ©en, sucre atlantique et le commerce du Nord europĂ©en aux xve et xv ... 9 Ibid., p. 10-14, 37-38, 48, 52-53 et 63. 10 Ibid., p. 12. 11 Patrick Manning, Slavery and african life. Occidental, oriental and african slave trades, Cambridge ... 3De mĂȘme, les recherches de Sidney W. Mintz6 ou de Jock H. Galloway7 considĂšrent lâactivitĂ© de production du sucre dans la MĂ©diterranĂ©e mĂ©diĂ©vale comme une forme dâĂ©conomie esclavagiste. Blaise Essomba suit le mĂȘme raisonnement ; sa thĂšse repose sur un lien Ă©troit entre la canne Ă sucre et lâesclavage8. Sans apporter de preuves concrĂštes sur le bien fondĂ© de cette relation, cet auteur parle dâun systĂšme de production esclavagiste gĂ©nĂ©ralisĂ© dans toute la MĂ©diterranĂ©e9, et il conclut que lâesclavage apparaĂźt comme un des plus grands faits Ă©conomiques du monde musulman10 ». Plus rĂ©cemment, Patrick Manning, sâappuyant lui aussi sur les travaux de Charles Verlinden, insiste Ă plusieurs reprises et dans les mĂȘmes termes sur cette association entre esclavage et sucre, en faisant remonter son origine et sa constitution Ă la MĂ©diterranĂ©e mĂ©diĂ©vale11. 12 Mohamed Ouerfelli, Le sucre production, commercialisation et usages dans la MĂ©diterranĂ©e mĂ©diĂ©val ... 4Partant de ce constat, je souhaite reprendre cette question de la main dâĆuvre employĂ©e dans les plantations et les sucreries mĂ©diterranĂ©ennes et lâexaminer de nouveau Ă lâaune des sources disponibles, en mâappuyant sur des exemples prĂ©cis, aussi bien de la MĂ©diterranĂ©e orientale que du bassin occidental12. Ils sont tirĂ©s de sources diverses telles que les chroniques, les descriptions gĂ©ographiques, les rĂ©cits de voyages, mais aussi des traitĂ©s fiscaux, de hisba et des manuels de chancellerie. Ces sources ne sont pas forcĂ©ment riches, mais elles apportent des Ă©clairages ponctuels sur le phĂ©nomĂšne de lâesclavage, dans le monde musulman notamment. On les complĂšte par des documents Ă©manant des pouvoirs publics, en particulier des archives vĂ©nitiennes, et des actes notariĂ©s, abondants en ce qui concerne les domaines de la Couronne dâAragon. 5Mon point de dĂ©part est celui des projets envisagĂ©s par les milieux du pouvoir abbasside et la bourgeoisie bagdadienne pour mettre en valeur les basses vallĂ©es du Tigre et de lâEuphrate pendant la seconde moitiĂ© du ixe siĂšcle. Il sera ensuite question de lâĂgypte, du royaume de Chypre et accessoirement de la CrĂšte, qui avaient un besoin important de main dâĆuvre pour dĂ©velopper une production destinĂ©e non seulement Ă la consommation intĂ©rieure, mais aussi Ă lâexportation. Mon enquĂȘte, qui suit la diffusion de lâindustrie du sucre, sâachĂšve en MĂ©diterranĂ©e occidentale avec les exemples de la Sicile, du royaume de Valence et enfin du Maroc, oĂč lâindustrie du sucre a basculĂ© dâest en ouest pour se rapprocher des centres de consommation. Les projets de la bourgeoisie bagdadienne et la rĂ©volte des ZenÄ 13 Salah Trabelsi, Lâesclavage domanial dans le paysage agraire musulman au Moyen Ăge », Esclavage ... 6Un examen rigoureux des sources sur la question de lâemploi des esclaves dans les plantations et les sucreries mĂ©diterranĂ©ennes permet de nuancer, voire dâinfirmer un certain nombre dâidĂ©es et de rĂ©flexions qui paraissent totalement infondĂ©es et ne reposent sur aucune certitude. LâidĂ©e de lâemploi massif dâune main dâĆuvre servile dans les plantations mĂ©diterranĂ©ennes est fondĂ©e en particulier sur des projets de grande envergure envisagĂ©s par le pouvoir abbasside et la bourgeoisie bagdadienne, enrichie par une activitĂ© commerciale prospĂšre, afin de crĂ©er de grandes exploitations destinĂ©es Ă la production de nouvelles cultures importĂ©es dâExtrĂȘme-Orient. Pour rĂ©aliser ces gigantesques projets, la main dâĆuvre disponible en Iraq, voire dans les environs, ne peut en aucun cas suffire, dâoĂč lâidĂ©e dâimporter des esclaves noirs en provenance des cĂŽtes de lâAfrique orientale. Mais la rĂ©volte de ces esclaves a Ă©branlĂ© le califat de Bagdad et a prĂ©cipitĂ© lâĂ©chec et lâabandon total de la mise en culture des marĂ©cages du delta du Tigre et de lâEuphrate13. 14 Faysal al-SĂąmir, Thawrat al-ZenÄ la rĂ©volte des ZenÄ, en arabe, Bagdad, Maktabat al-ManĂąr, 1971, ... 15 Alexandre Popovic, La RĂ©volte des esclaves en Iraq au iiie/ixe siĂšcle, Paris, Paul Geuthner, 1976, ... 16 François Renault, La Traite des noirs au Proche-Orient mĂ©diĂ©val, viie-xive siĂšcles, Paris, Paul Geu ... 17 Faysal al-SÄmir, Thawrat al-ZenÄ, op. cit., p. 34-35. 18 Ibid., p. 30. 7En effet, lâexpansion Ă©conomique du califat abbasside, dĂšs le dĂ©but du ixe siĂšcle, draine vers les grandes villes, Bagdad en particulier, des populations de toutes conditions, ce qui augmente de plus en plus la consommation de denrĂ©es de premiĂšre nĂ©cessitĂ©, ainsi que des produits de luxe rĂ©clamĂ©s par les cours princiĂšres. Ces facteurs ont encouragĂ© le dĂ©veloppement des activitĂ©s commerciales, auquel participe une puissante bourgeoisie marchande. Celle-ci a accumulĂ© des richesses importantes quâelle a investies dans lâacquisition de grands domaines14. LâintĂ©rĂȘt de cette bourgeoisie se tourne alors vers les vastes marĂ©cages recouvrant la rĂ©gion des cours infĂ©rieurs du Tigre et de lâEuphrate,entre Bassora et la province du KhĂ»zistĂąn le sud-ouest actuel de lâIran15. En plus de son potentiel agricole et de la fertilitĂ© de ses terres, cette rĂ©gion est situĂ©e sur lâaxe dâun commerce particuliĂšrement actif dans le golfe Persique. Pour mettre en valeur ces terres et les rendre cultivables, il est nĂ©cessaire de construire des digues pour les assĂ©cher, de dĂ©ployer tout un systĂšme dâirrigation de grande ampleur, mais surtout, et câest la tĂąche la plus difficile, dâenlever les couches de natron. Ces nouveaux projets dâune ampleur sans prĂ©cĂ©dent exigent des investissements Ă©levĂ©s et une main dâĆuvre abondante, dâoĂč lâemploi dâune masse considĂ©rable dâesclaves importĂ©s des cĂŽtes orientales de lâAfrique. Par ces travaux ambitieux, les milieux du pouvoir, les grands propriĂ©taires terriens et la bourgeoisie marchande cherchent Ă dĂ©velopper de nouvelles cultures pour lesquelles le climat convient parfaitement riz, sorgho, canne Ă sucre, coton, bananes, agrumes16, etc. Il nâest pas Ă©tonnant de trouver parmi les grandes familles impliquĂ©es dans ces entreprises agricoles, celle des BarmĂ©kides, en particulier le puissant vizir du calife HĂąrĂ»n al-RashĂźd 786-809, Yahya Ibn KhĂąlid al-BarmakĂź17. De grands propriĂ©taires terriens apparaissent Ă©galement au moment de la rĂ©volte, comme al-ZiyĂądiyĂźn et al-HĂąshimiyĂźn, qui assurent la gestion de leurs domaines par lâintermĂ©diaire dâintendants18. 19 Al-TabarĂź, TĂąrĂźkh al-rusul wa-l-mulĂ»k, Beyrouth, KhayĂąt, s. d., t. III, 12, p. 1742 et 1750. Ibn al ... 20 Faysal al-SĂąmir, Thawrat al-ZenÄ, op. cit., p. 51 ; Salah Trabelsi, Lâesclavage domanial », op. ... 21 Ahmad Ulabi, Thawrat al-ZenÄ wa qĂąâiduhĂą Muhammad Ibn AlĂź, Beyrouth, DĂąr al-FĂąrĂąbĂź, 1961, p. 102. 22 Ibid., p. 102-106. 8Lâappel Ă la main dâĆuvre servile pour travailler dans la grande exploitation rurale prend une ampleur jamais Ă©galĂ©e et le nombre dâesclaves employĂ©s dans les chantiers comme terrassiers ou cultivateurs se monte de 500 Ă 5000 esclaves et atteint parfois le chiffre de 1500019. Les conditions terribles dans lesquelles ces esclaves travaillent, en raison du climat humide, des Ă©pidĂ©mies chroniques et de la mortalitĂ© Ă©levĂ©e, aboutissent Ă une longue rĂ©volte, qui Ă©clate en 869 et nâest Ă©crasĂ©e par lâarmĂ©e abbasside quâen 88320. La rĂ©volte, commandĂ©e par AlĂź Ibn Muhammad, qui a rĂ©ussi Ă rassembler autour de lui tous les mĂ©contents, a Ă©branlĂ© le califat abbasside, en mettant Ă plusieurs reprises en Ă©chec ses armĂ©es. Le projet de mise en culture des terres de la Basse MĂ©sopotamie est dĂ©finitivement compromis et abandonnĂ©21. Les consĂ©quences Ă©conomiques sur cette rĂ©gion sont dĂ©sastreuses les voies de communication et le trafic commercial sont coupĂ©s durant et aprĂšs la rĂ©volte, tout le sud de lâIraq est ravagĂ©, notamment les terres agricoles de Bassora et du KhĂ»zistĂąn, par les incursions des rebelles et les opĂ©rations militaires22. 9De cet Ă©pisode calamiteux, des enseignements sont tirĂ©s lâimportation dâesclaves des cĂŽtes africaines, par ailleurs coĂ»teuse, pour les employer dans les domaines agricoles a abouti Ă un Ă©chec total, dâoĂč lâabandon de cette pratique. LâarrĂȘt des conquĂȘtes, qui mettaient un grand nombre dâesclaves sur les marchĂ©s, et la militarisation du pouvoir rĂ©oriente le marchĂ© des esclaves vers leur recrutement en masse pour constituer les armĂ©es dans lâOrient musulman. Pendant les siĂšcles suivants, les sources ne parlent que de paysans cultivant la terre sous forme de mĂ©tayage, mĂȘme si leur situation est bien plus proche des serfs, sinon des esclaves. NĂ©anmoins, cet Ă©pisode dĂ©sastreux du sud de la MĂ©sopotamie nâa pas compromis lâexpansion de la culture de la canne Ă sucre vers lâouest de la MĂ©diterranĂ©e, notamment en Syrie et en Ăgypte, oĂč cette activitĂ© de production est devenue dĂ©sormais une rĂ©alitĂ© dans le paysage agraire. LâĂ©gypte des paysans pour la plantation et des salariĂ©s dans la sucrerie 23 NoĂ«l Deerr, The history of sugar, Londres, Chapman and Hall, 1950, II, p. 259. 24 Ibn Hawqal, La configuration de la terre KitĂąb sĂ»rat al-ard, trad. J. H. Kramers et G. Wiet, Pari ... 25 Les esclaves noirs servaient dans lâarmĂ©e fatimide depuis le rĂšgne du calife al-MahdĂź 910-934 ; i ... 26 François Renault, La traite des noirs au Proche-Orient mĂ©diĂ©val, op. cit., p. 44. 10Afin de poursuivre notre enquĂȘte, il convient dâemprunter le parcours de la canne Ă sucre dâest en ouest, pour pouvoir analyser de prĂšs la question de lâemploi de la main dâĆuvre dans cette nouvelle activitĂ©, qui a connu son apogĂ©e Ă partir du xie siĂšcle, notamment en Ăgypte. Ce pays est en effet considĂ©rĂ© comme Ă©tant relativement bien peuplĂ©, en particulier le long du Nil. Le travail de la terre constitue la principale activitĂ© Ă©conomique et la source la plus importante de recettes fiscales. Ce sont bien des paysans qui accomplissent tous les travaux agricoles et non pas des esclaves, comme a pu le croire NoĂ«l Deerr, qui nâexclut pas lâemploi de la main dâĆuvre servile aussi bien dans les plantations que dans les raffineries23. Dans cette mĂȘme perspective, François Renault sâappuie sur un texte du xe siĂšcle, concernant la ville de ShĂąbĂ»r, situĂ©e dans le delta du Nil, et souligne la prĂ©sence de lâesclavage agricole on y trouve de nombreux esclaves noirs ainsi que des combattants, et la ville est trĂšs riche en cĂ©rĂ©ales24 ». Il se demande si Ibn Hawqal mort aprĂšs 977 fait un lien direct entre les esclaves et la richesse agricole de cette ville ; sinon, il ne voit pas Ă quelle autre tĂąche ils auraient pu ĂȘtre affectĂ©s. Cependant, le texte est trop flou pour pouvoir dĂ©terminer lâoccupation de ces esclaves, qui auraient pu aussi ĂȘtre des soldats dans lâarmĂ©e fatimide25. Rien ne permet dâaffirmer quâils sont employĂ©s dans les travaux agricoles. François Renault nuance dâailleurs ses interprĂ©tations en concluant que lâimpression dâensemble reste cependant dâun effectif assez rĂ©duit dâune telle main dâĆuvre en Ăgypte26 ». 27 Jean Sauvaget, Sur un papyrus arabe de la BibliothĂšque Ă©gyptienne », Annales de lâInstitut dâĂ©t ... 28 Mohamed Ouerfelli, Le sucre, op. cit., p. 69-70. 29 Al-MakhzĂ»mĂź, KitĂąb al-minhĂąÄ fĂź ilm kharĂąÄ Misr », Ă©d. Claude Cahen et Youssef Raghib, SupplĂ©m ... 30 Mohamed Ouerfelli, Le sucre, op. cit., p. 295. 11Un autre argument, plus rĂ©pandu, de lâemploi dâesclaves dans le travail du sucre en Ăgypte repose sur un papyrus du xe siĂšcle, rĂ©digĂ© en arabe et publiĂ© par Jean Sauvaget en 194827. Ce document est un memorandum pour installer une sucrerie et une estimation du personnel nĂ©cessaire au fonctionnement de cet Ă©tablissement industriel28. Jean Sauvaget a donnĂ© la traduction des treize rubriques du texte, mais son interprĂ©tation de certains passages nâest pas tout Ă fait exacte. Dans les rubriques 10 et 13, il a traduit le terme ghilmĂąn sing. ghulĂąm par esclaves. En rĂ©alitĂ©, le terme ghulĂąm ne signifie pas forcĂ©ment esclave ; il sâagit plutĂŽt dâimberbes ou de garçons accomplissant des tĂąches secondaires dans la plantation ou dans la sucrerie, pour aider les membres de leurs familles. Al-MakhzĂ»mĂź mort en 1189, haut fonctionnaire de lâadministration fatimide et ayyoubide et fin connaisseur des questions Ă©conomiques, notamment de la fiscalitĂ©, confirme notre interprĂ©tation. Dans sa description des Ă©tapes de la production du sucre, il cite cette catĂ©gorie de jeunes ; il emploie le terme sibyĂąn garçons au lieu de ghilmĂąn, pour dĂ©signer les employĂ©s chargĂ©s dâentreposer les produits raffinĂ©s ou affectĂ©s Ă dâautres tĂąches29. Cet exemple Ă©gyptien nâest pas isolĂ© on trouve son Ă©quivalent exact en Sicile pendant tout le xve siĂšcle, oĂč des enfants ouvriers sont qualifiĂ©s de famuli ou dâinfanti. Ces derniers participent Ă la production du sucre, en assumant des tĂąches peu qualifiĂ©es, et touchent une rĂ©tribution30. 31 Nassiri Khosrau, Sefer Nameh, Ă©d. et trad. Charles Schefer, Paris, Ernest Leroux, 1881, p. 118-119. 12Le voyageur persan NĂąssirĂź Khosrau m. 1088, qui a visitĂ© lâĂgypte au milieu du xie siĂšcle, a vraisemblablement assistĂ© Ă la crue du Nil et aux dĂ©buts des travaux agricoles effectuĂ©s par les paysans. Il affirme que lorsque les eaux commencent Ă se retirer, les paysans sâavancent sur le terrain dĂ©couvert, et Ă mesure quâil devient sec, ils y sĂšment ce quâils veulent31 ». 32 Nicolas Michel, Devoirs fiscaux et droits fonciers la condition des fellahs Ă©gyptiens xiiie-x ... 33 Sur les modes dâexploitation en Syrie et surtout en Ăgypte, cf. Mounira Chapoutot-Remadi, Lâagri ... 34 Claude Cahen, LâIslam des origines au dĂ©but de lâempire ottoman, Paris, Hachette, 1995, p. 177-178 ... 35 Al-NuwayrĂź, NihĂąyat al-âarab fĂź funĂ»n al-âadab, Le Caire, DĂąr al-Kutub, 2007, t. viii, p. 265-268. 36 Al-NuwayrĂź, NihĂąyat al-âarab fĂź funĂ»n al-âadab, Le Caire, DĂąr al-Kutub, 2002, t. xxxii, p. 262 ; Al ... 13Dans un travail remarquablement menĂ© sur les conditions des fellahs Ă©gyptiens, Nicolas Michel, sâappuyant sur la littĂ©rature administrative des xiiie-xve siĂšcles, le rĂšglement ottoman de 1525 et une copie partielle du cadastre de 1527-1528, nâa pas laissĂ© le moindre doute quant Ă lâidentitĂ© de ceux qui travaillent la terre et leurs conditions, qui nâont pas beaucoup variĂ© depuis lâinstauration du systĂšme de lâiqtĂą Ă lâĂ©poque ayyoubide32. Ces entrepreneurs de culture avancent non seulement lâachat de semences, les salaires pour les labours, les semailles et la moisson, ils sont Ă©galement chargĂ©s dâentretenir les digues et les canaux dâirrigation. Partout en Ăgypte, les sources ne parlent que dâune main dâĆuvre paysanne liĂ©e par des contrats de mĂ©tayage33. Dans le cas des plantations de cannes, le concessionnaire ou le propriĂ©taire apporte la terre, les semences, les bĂȘtes et les outils nĂ©cessaires et le mĂ©tayer participe avec son travail et reçoit le cinquiĂšme de la rĂ©colte. Dans bien dâautres cas, il perçoit le quart en apportant une partie du matĂ©riel câest ce quâon appelle le mĂ©tayer au quart murĂąbi34. Al-NuwayrĂź m. 1332, originaire de la Haute Ăgypte, se montre trĂšs prĂ©cis lorsquâil dĂ©crit les diffĂ©rentes Ă©tapes de la production du sucre ; il ne mentionne que des hommes libres, des paysans travaillant dans les plantations et des ouvriers opĂ©rant dans les moulins Ă sucre et les raffineries de la Haute Ăgypte35. On peut bien sĂ»r souligner les contraintes exercĂ©es par les concessionnaires Ă lâencontre des paysans pour les obliger Ă travailler davantage ou Ă faire des corvĂ©es supplĂ©mentaires, voire Ă payer une taxe pour ĂȘtre exonĂ©rĂ©s de corvĂ©e. De telles pratiques sont rĂ©guliĂšrement attestĂ©es, entre autres Ă Tripoli ; elles ont Ă©tĂ© abolies, en 1317, par le sultan mamelouk al-NĂąsir Muhammad Ibn QalĂąwĂ»n 1309-1341 3e rĂšgne36. 37 Mohamed Ouerfelli, Organisation spatiale et rĂ©percussions de lâindustrie du sucre sur le paysage ... 38 Ibn al-HĂąÄ, Al-Madkhal âilĂą tanmiyat al-âamĂąl bitahsĂźn al-niyĂąt, Le Caire, 1929, t. IV, p. 150-151 ... 14Dans les raffineries de FustĂąt, Ă©parpillĂ©es un peu partout dans lâespace urbain, ce qui pose quelques problĂšmes dâhygiĂšne et dâencombrement, nous ne trouvons aucune trace dâesclaves37. Au xive siĂšcle, Ibn al-HĂąÄ, juriste maghrĂ©bin installĂ© au Caire et fin connaisseur de la vie quotidienne dans cette mĂ©tropole, dĂ©nonce les conditions de travail dans les raffineries, notamment au niveau de lâhygiĂšne, qui en manque cruellement, mais il ne mentionne que des ouvriers salariĂ©s et point dâesclaves38. Dâautres sources Ă©voquent des salaires en argent ou en nature, signe de lâabsence dâun phĂ©nomĂšne qui a marquĂ© lâindustrie du sucre outre-atlantique. En ce sens, LĂ©on lâAfricain nous apporte une preuve supplĂ©mentaire concernant la grande raffinerie de DeirĂ»t 39 LĂ©on lâAfricain, Description de lâAfrique, trad. de lâitalien par A. Epaulard, Paris, Maisonneuve, ... Ses habitants sont trĂšs riches parce quâils ont beaucoup de plantations de cannes Ă sucre [âŠ]. Il existe Ă Derotte une trĂšs grande fabrique qui ressemble Ă un chĂąteau et câest lĂ que se trouvent les pressoirs et chaudiĂšres pour extraire et cuire le sucre. Je nâai jamais vu ailleurs autant dâouvriers employĂ©s Ă cette fabrication. Jâai entendu dire par un fonctionnaire de la commune quâon dĂ©pense par jour environ deux cents dinars achrafĂź pour ces ouvriers39. Le royaume de Chypre et la conjoncture dĂ©primĂ©e du xive siĂšcle 40 Mohamed Ouerfelli, Le sucre, op. cit., p. 126-127. 41 Claude Delaval Cobham, Excerpta Cypria materiels for a history of Cyprus, Cambridge, Cambridge Un ... 42 Dominique ValĂ©rian, Les captifs et la piraterie une rĂ©ponse Ă une conjoncture dĂ©primĂ©e ? Le ca ... 15Ă Chypre, la main dâĆuvre dans les plantations et les raffineries est composĂ©e essentiellement de paysans serfs parĂšques ou libres les francomates, dont la majoritĂ© sont des Grecs, et de Syriens arrivĂ©s dans le royaume aprĂšs lâappel de Guy de Lusignan en Terre sainte au dĂ©but du xiiie siĂšcle pour attirer des paysans et des artisans40. DĂšs le dĂ©but du xive siĂšcle, lâessor des activitĂ©s de piraterie et de course met sur le marchĂ© un nombre important de captifs, dont les Hospitaliers tirent profit, en les employant gratuitement dans leurs exploitations agricoles. Plus de cent captifs musulmans travaillent dans les champs de vignes des plaines de Paphos41. De mĂȘme que Dominique ValĂ©rian lâa montrĂ© au sujet du Maghreb, la raretĂ© de la main dâĆuvre dĂšs le milieu du xive siĂšcle, notamment aprĂšs la pandĂ©mie de la peste Noire et les pertes dĂ©mographiques importantes, a accentuĂ© le recours des entrepreneurs impliquĂ©s dans la production du sucre dans lâĂźle aux captifs musulmans enlevĂ©s par les pirates et les corsaires42. 43 LĂ©once Macheras, Chronique de Chypre, trad. Emmanuel Miller et C. Sathas, Paris, Ernest Leroux, 188 ... 44 LĂ©once Macheras, Chronique de Chypre, op. cit., p. 109 ; Mohamed Ouerfelli, Les migrations liĂ©es ... 16Cette pratique rĂ©pond Ă©galement aux enlĂšvements frĂ©quents de paysans de lâĂźle par les pirates turcs, particuliĂšrement actifs dans cette rĂ©gion de la MĂ©diterranĂ©e orientale. En 1364, les Chypriotes hĂ©sitent Ă attaquer trois galĂ©es appartenant aux pirates, car les vaisseaux ennemis Ă©taient remplis de paysans ; ceux-ci pourraient se noyer43 ». En 1366, le nombre de Syriens et dâĂgyptiens capturĂ©s, dont le roi Pierre Ier a ordonnĂ© la libĂ©ration dans le cadre dâun accord de paix avec le sultan mamelouk, est relativement important ; ils sont transportĂ©s par une galĂ©e appartenant au roi dâAragon, une saĂšte et deux naves44. 45 Mohamed Ouerfelli, Les relations entre le royaume de Chypre et le sultanat mamlĂ»k au xve siĂšcle ... 46 Emmanuel Piloti, TraitĂ© dâEmmanuel Piloti sur le passage en Terre sainte 1420, Ă©d. Pierre-Herman ... 17Les captifs reprĂ©sentent pendant certaines pĂ©riodes de pĂ©nurie un besoin vital pour lâĂ©conomie chypriote, au point que les nĂ©gociations de paix entre le roi de Chypre et les Mamelouks achoppent sur cette question, ce qui implique la reprise des hostilitĂ©s entre les deux parties45. Câest le cas en 1415 ; le royaume est confrontĂ© Ă une grave crise Ă©conomique, liĂ©e principalement au manque de main dâĆuvre. Janus 1398-1432 ordonne aux Ă©quipages de la galĂ©e royale et dâune galiote de se diriger vers les cĂŽtes Ă©gyptiennes pour enlever des captifs. Au terme de cette opĂ©ration, 1500 personnes, des sujets du sultan mamelouk, ont Ă©tĂ© capturĂ©es et emmenĂ©es, pour ĂȘtre employĂ©es dans les domaines royaux, dont les revenus principaux proviennent de la production et de lâexportation du sucre. Selon Janus, qui rĂ©pond Ă Sanç Antoni Ametller, envoyĂ© dâurgence par le sultan mamelouk al-Muâayad 1412-1421 pour exiger la libĂ©ration immĂ©diate des prisonniers, ces 1500 personnes reprĂ©sentent un apport indispensable pour lâĂźle, qui Ă©prouve un besoin pressant de laboureurs et de planteurs de cannes Ă sucre46. 47 Benjamin Arbel, Venitian Cyprus and the muslim Levant », Cyprus and the crusades. Papers given ... 48 LĂ©once Macheras, Chronique de Chypre, op. cit., p. 374-375. 49 Ibid., p. 360. 18Les territoires mamelouks constituent ainsi pour les Chypriotes un arriĂšre-pays oĂč ils peuvent se procurer une main dâĆuvre employable gratuitement dans leurs casaux47. Ainsi, les conseillers du roi Janus mettent tout leurs poids pour le convaincre de refuser toute nĂ©gociation de paix avec le sultan mamelouk et de poursuivre la course contre ses possessions nous te promettons quâen allant lâattaquer, nous rapporterons assez dâesclaves pour remplir lâĂźle48 ». Ces propos suscitent lâindignation du chroniqueur chypriote LĂ©once Macheras, qui affirme câest ainsi que raisonnent des conseillers sans expĂ©rience et nâayant pas la moindre idĂ©e du monde ». Dâautre part, ces discussions jettent une pleine lumiĂšre sur la place de la course comme source de revenu pour les seigneurs et les chevaliers de lâĂźle, comme le souligne clairement Macheras les seigneurs sâĂ©taient enrichis en pillant les Sarrasins49 ». 50 Mohamed Ouerfelli, Les relations », op. cit., p. 335-336. 51 LĂ©once Macheras, Chronique de Chypre, op. cit., p. 380 le chroniqueur qualifie le comportement de ... 52 Ibidem. 53 Outre le maĂźtre sucrier, Macheras cite dâautres personnes comme ThĂ©otokis, le maçon du roi ou un Sy ... 19Les descentes rĂ©pĂ©tĂ©es des corsaires chypriotes et catalans sur les cĂŽtes syro-Ă©gyptiennes ont conduit le sultan mamelouk Barsbay 1422-1438 Ă organiser une expĂ©dition militaire contre lâĂźle, qui aboutit Ă sa prise en 1426 et Ă la libĂ©ration de tous les captifs employĂ©s dans les casaux du roi, comme dans ceux des seigneurs de lâĂźle50. Pendant cette conquĂȘte, le chroniqueur chypriote Macheras souligne la prĂ©sence de sarrasins baptisĂ©s, vivant dans lâĂźle, quâil qualifie dâesclaves et qui ont Ă©tĂ© persĂ©cutĂ©s par les chevaliers, afin de les empĂȘcher dâaller retrouver leurs coreligionnaires51. Parmi eux, figure un certain Georges de Tamathiani qui faisait cuire la poudre pour fabriquer la colle servant Ă Ă©purer le sucre52 ». Il ne sâagit sans doute pas dâun esclave, mais plutĂŽt dâun affranchi travaillant dans la raffinerie du roi53. 54 Louis de Mas Latrie, Histoire de lâĂźle de Chypre, op. cit., t. II, p. 458-459 ; Marie-Louise von Wa ... 55 Al-SayrafĂź, Nuzhat al-nufĂ»s wa-l-âabdĂąn fÄ« tawĂąrĂźkh al-zamĂąn, Ă©d. Hassan Habchi, Le Caire, DĂąr al-K ... 56 Ibidem. 20Les opĂ©rations militaires mameloukes dans lâĂźle ont par ailleurs rĂ©vĂ©lĂ© que les Corner, grande famille vĂ©nitienne, qui exploitait le village de Piskopi oĂč ils produisaient essentiellement du sucre, employaient des captifs musulmans dans leurs plantations54. Le rĂ©cit de rescapĂ©s, ayant rĂ©ussi Ă sâenfuir vers le camp de lâarmĂ©e mamelouke en 1426, met en lumiĂšre lâemploi de captifs par les VĂ©nitiens de Piskopi55. Douze personnes sont signalĂ©es sept sont rattrapĂ©es et reconduites au village et les cinq autres ont rĂ©ussi Ă sâĂ©chapper, dâoĂč leur tĂ©moignage qui met en cause non seulement les Corner, mais aussi la neutralitĂ© de la rĂ©publique de Venise dans le conflit entre le royaume de Chypre et le sultanat mamelouk. Selon ces tĂ©moins, une galĂ©e vĂ©nitienne accostant Ă Piskopi transportait Ă son bord des marchands qui venaient charger du sucre et surtout une importante cargaison dâarmes destinĂ©e au roi de Chypre56. 57 Margaret Newett, Ă©d., Canon Pietro Casolaâs pilgrimage to Jerusalem in the year 1494, Manchester, U ... 21AprĂšs lâĂ©tablissement de la paix avec lâĂgypte, les traces de captifs employĂ©s dans les plantations et les sucreries sâeffacent. Ă la fin du xve siĂšcle, le voyageur italien Pietro Casola, en visite sur lâĂźle, ne parle ni de captifs, ni dâesclaves. Il note la prĂ©sence dâune main dâĆuvre libre travaillant dans la raffinerie des Corner Ă Piskopi plus de quatre cents ouvriers y opĂšrent et sont payĂ©s Ă la fin de chaque semaine57. Ainsi, ces exemples de captifs dans lâĂźle nâĂ©taient quâune pratique temporaire, rendue nĂ©cessaire par un manque cruel de main dâĆuvre et favorisĂ©e par une situation politique et militaire tendue. 58 David Jacoby, La production du sucre en CrĂšte vĂ©nitienne lâĂ©chec dâune entreprise Ă©conomique ... 59 Hyppolite Noiret, Documents inĂ©dits pour servir Ă lâhistoire de la domination vĂ©nitienne en CrĂšte d ... 60 Mohamed Ouerfelli, Le sucre, op. cit., p. 136. 61 Hyppolite Noiret, Documents inĂ©dits, op. cit., p. 324-325 ; Mohamed Ouerfelli, Le sucre, op. cit., ... 22Le centre crĂ©tois est moins important que Chypre du point de vue de la production et du nombre dâentrepreneurs engagĂ©s. AprĂšs de nombreuses tentatives pour introduire lâindustrie du sucre dans cette Ăźle, une seule entreprise est créée et autorisĂ©e par la rĂ©publique de Venise Ă partir de 142858. Selon une rĂ©solution du SĂ©nat, Marco de Zanono, citoyen vĂ©nitien, obtient lâexclusivitĂ© de la production dans lâĂźle pendant une pĂ©riode de dix ans59. Les quelques informations qui nous sont parvenues sur cette entreprise, Ă©manant notamment des dĂ©libĂ©rations du SĂ©nat de Venise, indiquent clairement la prĂ©sence dâouvriers60. La main dâĆuvre engagĂ©e dans les plantations et les installations industrielles est soumise au mĂȘme traitement que les Ă©quipages des galĂ©es marchandes ; tout ouvrier fuyard sera traitĂ© et puni de la mĂȘme façon et dans des conditions identiques que les dĂ©serteurs des galĂ©es. Marco de Zanono doit informer ses salariĂ©s de ces conditions avant de les engager dans son entreprise ; le SĂ©nat accordera sa confiance aux livres de comptes quâil tiendra pour le paiement de ses employĂ©s61. Des traces fugitives dâesclaves en MĂ©diterranĂ©e occidentale 62 Carmelo Trasselli, Storia dello zucchero siciliano, Caltanissetta-Rome, Salvatore Sciascia, 1982 ; ... 23Dans le bassin occidental de la MĂ©diterranĂ©e, les entreprises sucriĂšres font appel Ă une main dâĆuvre libre, payĂ©e selon le degrĂ© de sa qualification. La Sicile, centre de production de premier plan au xve siĂšcle, reprĂ©sente par ailleurs un observatoire de prĂ©dilection pour apprĂ©hender lâorganisation du travail dans les entreprises sucriĂšres et la nature de la main dâĆuvre employĂ©e. En effet, les dĂ©pouillements de quelque deux mille piĂšces documentaires dans les archives palermitaines mettent en lumiĂšre des contrats Ă©tablis entre des patrons de trappeti et des entrepreneurs agricoles ou des artisans pour accomplir les diffĂ©rents services de la plantation Ă la raffinerie62. Ces recherches mettent en Ă©vidence une organisation rigoureuse du travail et une spĂ©cialisation dans lâaccomplissement des tĂąches ; chaque poste de travail est clairement dĂ©fini par les contrats. On retrouve Ă©galement ces jeunes garçons, qui travaillaient dans les centres Ă©gyptiens aux cĂŽtĂ©s de leurs parents, pour les aider Ă accomplir certaines tĂąches. QualifiĂ©s de famuli ou dâinfanti, ces ouvriers sont dĂ©pourvus dâexpĂ©rience et sont appelĂ©s Ă aider le personnel qualifiĂ© de la sucrerie. 63 Les deux graphiques sont rĂ©alisĂ©s Ă partir dâune cinquantaine de contrats de recrutement, instrumen ... 24Comme lâindiquent les deux graphiques des salaires des infanti de chanca, qui travaillent Ă lâĂ©tabli, et des infanti de caldaria, qui sâoccupent des chaudiĂšres, ces ouvriers, tout comme les famuli de fucaloru, qui alimentent et entretiennent les fourneaux, touchent une rĂ©tribution, variable pour les infanti di chanca et stable en revanche pour les infanti di caldaria63. Tableau no 1 Salaires des Infanti di caldaria en Sicile 1410-1490 en tari par mois Graphique composĂ© par lâauteur. Tableau no 2 Salaires des Infanti di chanca en Sicile 1415-1490 en tari par mois Graphique composĂ© par lâauteur. 64 Archivio di Stato di Palermo, Notai Defunti dĂ©sormais ASP. ND., NiccolĂČ Aprea 828, 65 Charles Verlinden, Lâesclavage, t. II, op. cit., p. 231. 66 Antonino Giuffrida, La produzione dello zucchero in un opificio della piana di Carini nella seco ... 67 ASP, ND, Giovanni Randisio, 68 Voir les graphiques sur lâĂ©volution des salaires des ouvriers pendant le xve siĂšcle ; Mohamed Ouerf ... 25Les recherches ont rĂ©vĂ©lĂ© quelques traces fugitives de la prĂ©sence dâesclaves employĂ©s par leurs maĂźtres dans les plantations ou dans les sucreries. Ce sont au total quatre exemples ; câest dire combien câest peu le premier est trĂšs particulier, puisquâil sâagit dâun maĂźtre sucrier, un technicien et dĂ©tenteur de savoir-faire. En 1459, Pietro de Carastono vend Ă NiccolĂČ de la Chabica dix esclaves, dont Jacobus Niger zuccararius, pour la somme de douze onces64. Le deuxiĂšme est celui de lâesclave turc Mustafa louĂ© en 1462, par son maĂźtre Giovanni Planchininu Ă NiccolĂČ, fils de feu Giuliano de Bologne, Ă 20 tari par mois65. Le troisiĂšme exemple est reprĂ©sentĂ© par les six esclaves appartenant Ă Giovanni Bayamonte, et qui travaillent dans son trappeto pendant la campagne de 1472-1473, Ă cĂŽtĂ© de 65 ouvriers recrutĂ©s66. Ce mĂȘme entrepreneur, qui a visiblement du mal Ă recruter de la main dâĆuvre, comme lâindique le quatriĂšme exemple, loue le 7 fĂ©vrier 1477, Ă Pietro de Spagna lâesclave noir Giovanni Ragazu, pour la saison de la cuisson du sucre, Ă raison de 12 tari par mois67. Ces exemples reprĂ©sentent des cas exceptionnels ; leurs maĂźtres perçoivent une rĂ©munĂ©ration pour les services quâils accomplissent, notamment pour le deuxiĂšme et le quatriĂšme exemples. En revanche, la main dâĆuvre salariĂ©e paraĂźt ĂȘtre la rĂšgle comme le montrent les milliers de contrats dâembauche et les salaires offerts Ă chaque tĂąche aussi bien dans la plantation que dans le trappeto68. 69 Ibid., p. 294. 26Il se dĂ©gage donc de notre Ă©tude que les rĂ©tributions des ouvriers dans les plantations et surtout les raffineries sont plus Ă©levĂ©es que dans les autres activitĂ©s de lâĂ©conomie de lâĂźle69. Elles ont connu une certaine augmentation Ă la fin du xive siĂšcle, un peu moins au dĂ©but du siĂšcle suivant, pour se stabiliser durablement jusquâĂ la derniĂšre dĂ©cennie, oĂč lâon constate une hausse des salaires, due Ă la rarĂ©faction de la main dâĆuvre. En parallĂšle Ă cette stagnation, le rythme du travail sâaccĂ©lĂšre de façon significative ; la croissance des entreprises sucriĂšres, le souci de rendement et surtout la volontĂ© de rĂ©duire les coĂ»ts de main dâĆuvre, expliquent lâamplification des tĂąches du personnel et lâaggravation des conditions de travail dans les sucreries. La rĂ©partition des salaires entre les diffĂ©rents postes de travail dans une raffinerie montre que le salariat suffit pour assurer toutes les Ă©tapes de la production et quâune structure esclavagiste des plantations nâexiste nulle part en MĂ©diterranĂ©e au Moyen Ăge. 70 Jacqueline Guiral-Hadziiossif, La diffusion et la production de la canne Ă sucre xiiie-xvie siĂš ... 71 Arxiu del Regne de ValĂšncia ARV, Reial Cancelleria RC, no 641 ProcĂšs sobre fabricaciĂł de sucr ... 72 ARV, RC, 641, f. 68r-69v. 73 Maite Framis Montoliu, La baronia de BeniarjĂł, dels March als Montcada catĂ leg documental, Simat ... 74 AmĂ©dĂ©e PagĂšs, Ausias March et ses prĂ©dĂ©cesseurs essai sur la poĂ©sie amoureuse et philosophique en ... 27Dans le royaume de Valence, des paysans musulmans et chrĂ©tiens cultivent la canne Ă sucre ; ils assurent Ă©galement toutes les tĂąches dans les trapig, oĂč ils vont chercher un complĂ©ment de salaire70. GrĂące au ProcĂšs sobre fabricaciĂł de sucre 1433-1437, intentĂ© par lâĂglise contre les seigneurs du royaume de Valence pour les obliger Ă payer les dĂźmes sur la production du sucre, nous connaissons prĂ©cisĂ©ment les circonstances de lâextension fulgurante des plantations et de la construction de nombreuses sucreries71. Tous les tĂ©moins appelĂ©s Ă la barre sont unanimes sur le fait que les paysans, sans doute encouragĂ©s par les seigneurs, ont remplacĂ© les cultures du blĂ© et de lâorge par celle de la canne Ă sucre72. Le poĂšte et chevalier Ausias March, qui a hĂ©ritĂ© de son pĂšre Pere March les fiefs de Pardines, de Verniça et surtout de la huerta de Beniarjo, sur les bords de la riviĂšre dâAlcoy, oĂč la canne Ă sucre est bien Ă©tablie dĂšs le dĂ©but du xve siĂšcle73, nâaurait pu dĂ©velopper ses plantations et installer sa sucrerie sans lâapport des paysans musulmans qui peuplaient ses fiefs74. 75 Ferran Garcia-Oliver, Les companyies del trapig », Afers, 32, 1999, p. 189-190. 76 Piotr Radzikowsky, Ă©d., Reisebeschreibung Niclas von Popplau Ritters,bĂŒrtig von Breslau, Cracovie, ... 77 Ferran Garcia-Oliver, Les companyies », op. cit., p. 190. 28La main dâĆuvre employĂ©e dans les trapig est aussi composĂ©e de musulmans et de chrĂ©tiens, qui viennent des villages environnants chercher un complĂ©ment de salaire ; parmi eux, on ne relĂšve aucune trace dâesclaves. Des 78 ouvriers, prĂ©sentĂ©s en 1436 devant le notaire Pere Pugeriol pour sâengager dans la sucrerie de Gandia, 65 sont musulmans et 13 chrĂ©tiens75. En 1486, Nicolas Popplau, en voyage entre Almenara et Villareal, signale des plantations de cannes Ă sucre cultivĂ©es par des musulmans76. De mĂȘme, les 62 personnes recrutĂ©es en 1554 pour travailler dans le trapig de RĂ fol de Valldigna sont toutes musulmanes77. 78 Mohamed Ouerfelli, Le sucre, op. cit., p. 142-148. 79 Abd al-IlĂąh BenmlĂźh, Al-riqq fĂź bilĂąd al-Maghrib wa-l-Andalus Lâesclavage au Maghreb et en al-Anda ... 29Quant au Maghrib al-AqsĂą, ultime centre de production en MĂ©diterranĂ©e occidentale, la canne Ă sucre y est introduite depuis au moins le xe siĂšcle, mais la production demeure trĂšs limitĂ©e jusquâĂ la fin du Moyen Ăge, Ă la fois au niveau des surfaces cultivĂ©es, mais aussi en matiĂšre dâimplication du pouvoir et de ses investissements pour dĂ©velopper cette nouvelle industrie78. Dans sa thĂšse sur Lâesclavage au Maghreb et en al-Andalus pendant les xe-xiie siĂšcles, Abd al-IlĂąh BenmlĂźh sâest longuement interrogĂ© sur le silence des sources et sur lâemploi dâesclaves dans lâagriculture. Les quelques tĂ©moignages Ă©pars sont ambigus et ne permettent pas de rĂ©pondre Ă ces questionnements ; aussi conclut-il prudemment que lâemploi de la main dâĆuvre servile ne pouvait ĂȘtre que ponctuel et quâil Ă©tait rare de recourir aux esclaves pour effectuer certaines tĂąches dans les champs79. 30Il faut attendre le xive siĂšcle pour voir des installations sucriĂšres relativement nombreuses Ă Marrakech environ une quarantaine de pressoirs transforment les rĂ©coltes rassemblĂ©es des plantations autour de la ville. Plusieurs sortes de sucre sont produites, dont la meilleure qualitĂ© est 80 Al-UmarĂź, MasĂąlik al-âabsĂąr fĂź mamĂąlik al-âamsĂąr, I lâAfrique moins lâĂgypte, trad. Godefroy Dem ... ĂpurĂ©e et raffinĂ©e, [âŠ] est parfaitement blanche, compacte, et dâun goĂ»t dĂ©licieux. Il [le sucre] approche du sucre raffinĂ© dâĂgypte, sâil ne lui est mĂȘme Ă©gal. Mais le sucre que lâon fait au Maroc nâest pas abondant, et sâils plantaient plus de cannes, il y aurait davantage de sucre80. 31LâenquĂȘte minutieusement menĂ©e par al-UmarĂź m. 1349 auprĂšs de MaghrĂ©bins rĂ©sidant au Caire, sur la consommation du sucre par les Marocains au xive siĂšcle, montre quâil est sans doute question de petites unitĂ©s de production qui fonctionnent pour approvisionner un marchĂ© rĂ©gional, celui de lâIfrĂźqiya et du Sahara, sans pouvoir atteindre les villes marchandes europĂ©ennes. 81 Jean-LĂ©on lâAfricain, Description de lâAfrique, op. cit., I, p. 178. 82 Bernard Rosenberger, La production de sucre au Maroc au xvie siĂšcle. Aspects techniques et socia ... 32AprĂšs 1492 et la chute du royaume de Grenade, des Andalous se rĂ©fugient au Maghreb et sâinstallent dans plusieurs villes du Maroc, notamment Ă Camis Metgara, oĂč ils dĂ©veloppent les cultures du mĂ»rier et de la canne Ă sucre. Mais les opĂ©rations de raffinage ne rĂ©ussissent pas ; le sucre produit est de couleur noire et de mauvaise qualitĂ©81, dâoĂč les tentatives des souverains sadiens de faire venir secrĂštement des maĂźtres sucriers de MadĂšre, pour effectuer des sĂ©jours ponctuels et amĂ©liorer la qualitĂ© du sucre produit. En 1553, un marin portugais est accusĂ© de transporter illĂ©galement ces experts dans lâart de raffiner le sucre vers le sud-ouest du Maroc82. 33Dans un contexte de compĂ©tition avec les possessions portugaises et les CaraĂŻbes, des Juifs, intĂ©ressĂ©s par lâexportation du sucre, sâimpliquent activement dans la gestion de grands complexes industriels. Ceux-ci ont nĂ©cessitĂ© une main dâĆuvre nombreuse pour travailler Ă la fois dans les plantations et dans les sucreries, dâoĂč lâidĂ©e dâemployer des prisonniers rĂ©cemment capturĂ©s. Ă en croire le tĂ©moignage de Marmol, le principal trafic dans le royaume du Maroc au xvie siĂšcle est celui du sucre 83 LâAfrique de Marmol, trad. Nicolas Perrot sieur dâAblancourt, Paris, 1667, III/ 2, p. 28-31 [âŠ] Le sucre est fort fin depuis quâun Juif qui sâĂ©tait fait Maure dressa les moulins avec lâaide des captifs que le chĂ©rif fit au cap dâAguer83. 84 Paul Berthier, Un Ă©pisode de lâhistoire de la canne Ă sucre, les anciennes sucreries du Maroc et le ... 85 Bernard Rosenberger, La production », op. cit., p. 170-171. 34Paul Berthier a fouillĂ© les grandes sucreries mises en place par les chĂ©rifs sadiens au xvie siĂšcle ; il a cru pouvoir apporter, Ă partir de la toponymie, des preuves formelles de la prĂ©sence dâesclaves dans les centres de production. Il a en effet remarquĂ© lâexistence de sites Ă proximitĂ© des sucreries de Saouira al-QadĂźma, de Chichaoua et de Tazemourt I, appelĂ©s DiyĂąr al-abĂźd les maisons des esclaves, SĂ»r al-abĂźd la muraille des esclaves et QusĂ»r al-abĂźd les chĂąteaux des esclaves84. Or, les constructions en question datent dâune Ă©poque postĂ©rieure Ă celle des sucreries85. Une lecture attentive des textes contemporains de lâexpansion de lâindustrie du sucre rĂ©fute littĂ©ralement ces arguments toponymiques. Des paysans libres et des tribus sont impliquĂ©s directement dans la culture de la canne Ă sucre. Luis del Marmol dĂ©crit ainsi la rĂ©gion de SĂ»s al-âAqsĂą 86 LâAfrique de Marmol, op. cit., t. II, p. 29. Tous les habitants sont berbĂšres de la tribu des Masmouda et plus illustres que ceux de Hea, parce quâils sont plus riches et se traitent mieux, particuliĂšrement ceux des villes qui sâemploient aux sucres et au labourage86. 87 Abd al-IlĂąh BenmlĂźh, Al-Riqq fĂź bilĂąd al-Maghrib wa-l Andalus Lâesclavage au Maghreb et en al-Anda ... 35Au Maghrib al-AqsĂą comme ailleurs dans tous les centres mĂ©diterranĂ©ens, les esclaves sont employĂ©s surtout comme domestiques et dans certaines rĂ©gions dans les travaux agricoles, lorsque la main dâĆuvre manque cruellement87. 36Ce bref dĂ©tour par les centres de production mĂ©diterranĂ©ens ne laisse aucun doute quant Ă lâabsence dâutilisation de main dâĆuvre servile dans les plantations et les sucreries mĂ©diterranĂ©ennes. Celles-ci font essentiellement appel Ă des paysans, Ă des entrepreneurs agricoles ou Ă des salariĂ©s payĂ©s Ă façon ou par mois, pour accomplir toutes les tĂąches nĂ©cessaires aussi bien dans la plantation que dans le complexe industriel. Les quelques exemples dâesclaves ou de captifs apparaissant dans la documentation ne sont que rarement employĂ©s et ne sont de fait que trĂšs peu reprĂ©sentĂ©s dans lâorganisation du travail des unitĂ©s de production mĂ©diterranĂ©ennes. Il faut sans hĂ©sitation rejeter cette image souvent vĂ©hiculĂ©e dâun esclavage colonial ». Ce phĂ©nomĂšne a plutĂŽt marquĂ© les CaraĂŻbes et les AmĂ©riques, oĂč lâemploi de la main dâĆuvre servile est devenu systĂ©matique et massif. Produire du sucre en MĂ©diterranĂ©e ne peut donc pas ĂȘtre considĂ©rĂ© comme une forme dâĂ©conomie esclavagiste telle quâon lâa vue dans le Nouveau Monde. Le modĂšle mĂ©diterranĂ©en ne transparaĂźt quâĂ travers les progrĂšs techniques largement mis Ă profit pour dĂ©velopper une Ă©conomie des plantations sur une grande Ă©chelle. Top of page Notes 1 Charles Verlinden, Lâesclavage dans lâEurope mĂ©diĂ©vale, I PĂ©ninsule IbĂ©rique-France, Bruges, 1955 ; Id., Lâesclavage dans lâEurope mĂ©diĂ©vale, II Italie, colonies italiennes du Levant, Levant latin, Empire byzantin, Bruges, 1977 ; Domenico GioffrĂš, Il mercato degli schiavi a Genova nel secolo xv, GĂȘnes, 1971 ; Michel Balard, La Romanie gĂ©noise xiie-dĂ©but du xve siĂšcle, Rome, Ăcole française de Rome, 1978, 2 vol. 2 On peut citer trois publications rĂ©centes Roger Botte et Alessandro Stella, dir., Couleur de lâesclavage sur les deux rives de la MĂ©diterranĂ©e Moyen Ăge-xxe siĂšcle, Paris, Karthala, 2012 ; Les esclaves en MĂ©diterranĂ©e. Espaces et dynamiques Ă©conomiques, Ătudes rĂ©unies par Fabienne Plazolles GuillĂ©n et Salah Trabelsi, Madrid, Casa de VelĂĄzquez, 2012, et Ivan Armenteros MartĂnez, Lâesclavitud a la Barcelona del Renaixement 1479-1516. Un port mediterrani sota la influĂšncia del primer trĂ fic negrer, Barcelone / Lleida, FundaciĂł Noguera / PagĂšs Editors, 2015. 3 La route du sucre du viiie au xviiie siĂšcle, colloque international organisĂ© par lâAssociation populaire pour lâĂducation scientifique, 2000, Ă©d. Ă. Eadie, Schoelcher, en 2002. 4 Dans les actes du colloque organisĂ© Ă Schoelcher, Maurice Burac et Christian Montbrun persistent Ă croire en la relation Ă©troite entre la diffusion de la canne Ă sucre et le commerce des esclaves dans la MĂ©diterranĂ©e mĂ©diĂ©vale Maurice Burac, La canne Ă sucre la route Asie-AmĂ©rique », La route, op. cit., p. 17-31 ; Christian Montbrun, La canne Ă sucre de lâAsie au Maroc au xvie siĂšcle », La route, op. cit., p. 49-61. Dans un essai de synthĂšse du mĂȘme colloque, Ămile Eadie, au lieu de vĂ©rifier les conclusions, par ailleurs justes, de Michel Balard Les conditions de la production sucriĂšre en MĂ©diterranĂ©e orientale Ă la fin du Moyen Ăge », La route du sucre du viiie au xviiie siĂšcle, op. cit., p. 41-48., sur la quasi inexistence dâesclaves dans les sucreries mĂ©diterranĂ©ennes, sâinterroge de maniĂšre dĂ©plorable sur ce quâil qualifie de procĂ©dĂ© pour dĂ©guiser la situation historique rĂ©elle ». 5 Charles Verlinden, Les Origines de la civilisation atlantique. De la Renaissance Ă lâĂąge des LumiĂšres, NeuchĂątel, La BaconiĂšre et Paris, Albin Michel, 1967, p. 178. On trouve les mĂȘmes idĂ©es dans dâautres travaux du mĂȘme auteur, notamment sur lâemploi des esclaves dans les plantations mĂ©diterranĂ©ennes Id., Aspects de lâesclavage dans les colonies mĂ©diĂ©vales italiennes », Ăventail de lâhistoire vivante. Hommage Ă Lucien Febvre, Paris, 1953, p. 102-103 ; Id., Dal Mediterraneo allâAtlantico », Contributi per la storia economica, Prato, Istituto internazionale di storia economica F. Datini, 1973, p. 38-42 ; Id., De la colonisation mĂ©diĂ©vale italienne au Levant Ă lâexpansion ibĂ©rique en Afrique continentale et insulaire. Analyse dâun transfert Ă©conomique, technologique et culturel », Bulletin de lâinstitut historique belge de Rome, 53-54, 1983-1984, p. 104-107. 6 Sidney Mintz, Sucre blanc, misĂšre noire, le goĂ»t et le pouvoir, traduit de lâanglais par R. Ghani, Paris, Nathan, 1991, p. 49. 7 Jock H. Galloway, The sugar cane industry, an historical geography from its origin to 1914, Cambridge, Cambridge University Press, 1989, p. 190. 8 Blaise Essomba, Sucre mĂ©diterranĂ©en, sucre atlantique et le commerce du Nord europĂ©en aux xve et xvie siĂšcles, thĂšse de doctorat inĂ©dite, UniversitĂ© de Paris 1, 1981. 9 Ibid., p. 10-14, 37-38, 48, 52-53 et 63. 10 Ibid., p. 12. 11 Patrick Manning, Slavery and african life. Occidental, oriental and african slave trades, Cambridge University Press, 1990, p. 29 ; Id., Why Africans ? The rise of the slave trade to 1700 », The slavery reader, Ă©d. Gad Heuman et James Walvin, Londres-New York, 2003, p. 32 ; voit Ă©galement Brian A. Catlos, Muslim of medieval latin christendom, c. 1050-1614, Cambridge University Press, 2014, p. 265. 12 Mohamed Ouerfelli, Le sucre production, commercialisation et usages dans la MĂ©diterranĂ©e mĂ©diĂ©vale, Leyde-Boston, Brill, 2008, p. 287-292. 13 Salah Trabelsi, Lâesclavage domanial dans le paysage agraire musulman au Moyen Ăge », Esclavage et dĂ©pendances serviles histoire comparĂ©e, Ă©d., Myriam Cottias, Alessandro Stella et Bernard Vincent, Paris, LâHarmattan, 2006, p. 306-307 ; Mohamed Ouerfelli, Le sucre, op. cit., p. 22-24. 14 Faysal al-SĂąmir, Thawrat al-ZenÄ la rĂ©volte des ZenÄ, en arabe, Bagdad, Maktabat al-ManĂąr, 1971, p. 26. 15 Alexandre Popovic, La RĂ©volte des esclaves en Iraq au iiie/ixe siĂšcle, Paris, Paul Geuthner, 1976, p. 64. 16 François Renault, La Traite des noirs au Proche-Orient mĂ©diĂ©val, viie-xive siĂšcles, Paris, Paul Geuthner, 1989, p. 44. Sur la question des nouvelles cultures introduites dans le monde musulman, cf. Andrew M. Watson, Agricultural innovation in the early islamic world. The diffusion of crops and farming techniques, 700-1100, Cambridge, Cambridge University Press, 1983. 17 Faysal al-SÄmir, Thawrat al-ZenÄ, op. cit., p. 34-35. 18 Ibid., p. 30. 19 Al-TabarĂź, TĂąrĂźkh al-rusul wa-l-mulĂ»k, Beyrouth, KhayĂąt, s. d., t. III, 12, p. 1742 et 1750. Ibn al-âAthĂźr, Al-KĂąmil fĂź al-tĂąrĂźkh, Beyrouth, DĂąr SĂądir, 1982, t. vii, p. 205. 20 Faysal al-SĂąmir, Thawrat al-ZenÄ, op. cit., p. 51 ; Salah Trabelsi, Lâesclavage domanial », op. cit., p. 307. 21 Ahmad Ulabi, Thawrat al-ZenÄ wa qĂąâiduhĂą Muhammad Ibn AlĂź, Beyrouth, DĂąr al-FĂąrĂąbĂź, 1961, p. 102. 22 Ibid., p. 102-106. 23 NoĂ«l Deerr, The history of sugar, Londres, Chapman and Hall, 1950, II, p. 259. 24 Ibn Hawqal, La configuration de la terre KitĂąb sĂ»rat al-ard, trad. J. H. Kramers et G. Wiet, Paris, Maisonneuve et Larose, 1964, rĂ©impr. 2001, I, p. 108. 25 Les esclaves noirs servaient dans lâarmĂ©e fatimide depuis le rĂšgne du calife al-MahdĂź 910-934 ; ils formaient un corps et Ă©taient dĂ©signĂ©s sous le terme de Zawilites ils venaient de ZawĂźla, chef-lieu du FezzĂąn, grand marchĂ© des esclaves ; Farhat Dachraoui, Le califat fatimide au Maghreb, 296-362/909-973. Histoire politique et institutions, Tunis, STD, 1981, p. 370-371. Lorsque les Fatimides sâinstallent en Ăgypte, le corps des Soudanais prend une importance accrue et rivalise avec celui des Turcs, jusquâĂ lâarrivĂ©e de Saladin en 1169, qui dĂ©cide de sâen dĂ©barrasser ; L. Jere Bacharach, African military slaves in the medieval Middle East the case of Iraq 869-955 and Egypt 868-1171 », International Journal of Middle East Studies, 13, 1981, p. 471-495 ; AbbĂšs Zouache, ArmĂ©es et combats en Syrie 491/1098-569/1174. Analyse comparĂ©e des chroniques mĂ©diĂ©vale latines et arabes, Damas, IFPO, 2008, p. 251-254. 26 François Renault, La traite des noirs au Proche-Orient mĂ©diĂ©val, op. cit., p. 44. 27 Jean Sauvaget, Sur un papyrus arabe de la BibliothĂšque Ă©gyptienne », Annales de lâInstitut dâĂ©tudes orientales, 8, 1948, p. 29-38. 28 Mohamed Ouerfelli, Le sucre, op. cit., p. 69-70. 29 Al-MakhzĂ»mĂź, KitĂąb al-minhĂąÄ fĂź ilm kharĂąÄ Misr », Ă©d. Claude Cahen et Youssef Raghib, SupplĂ©ment aux Annales islamologiques, cahier no 8, le Caire, 1986, p. 5. 30 Mohamed Ouerfelli, Le sucre, op. cit., p. 295. 31 Nassiri Khosrau, Sefer Nameh, Ă©d. et trad. Charles Schefer, Paris, Ernest Leroux, 1881, p. 118-119. 32 Nicolas Michel, Devoirs fiscaux et droits fonciers la condition des fellahs Ă©gyptiens xiiie-xvie siĂšcles », Journal of Economic and Social History of the Orient, 43/2, 2000, p. 521-578. 33 Sur les modes dâexploitation en Syrie et surtout en Ăgypte, cf. Mounira Chapoutot-Remadi, Lâagriculture dans lâempire mamlĂ»k dâaprĂšs al-NuwayrĂź », Cahiers de Tunisie, 85-86, 1974, p. 37-43 ; Tsugitaka Sato, State and rural society in medieval Islam. Sultans, muqtas and fallahun, Leyde-New York-Cologne, Brill, 1997, p. 188-220 ; Nicolas Michel, Devoirs fiscaux », op. cit., p. 521-578. 34 Claude Cahen, LâIslam des origines au dĂ©but de lâempire ottoman, Paris, Hachette, 1995, p. 177-178 ; Id., Le rĂ©gime des impĂŽts dans le Fayyum des Ayyubides », Arabica, 3, 1956, p. 23 ; rĂ©impr. dans MakhzĂ»miyyĂąt. Ătudes sur lâhistoire Ă©conomique et financiĂšre de lâĂgypte mĂ©diĂ©vale, Leyde, Brill, 1977. 35 Al-NuwayrĂź, NihĂąyat al-âarab fĂź funĂ»n al-âadab, Le Caire, DĂąr al-Kutub, 2007, t. viii, p. 265-268. 36 Al-NuwayrĂź, NihĂąyat al-âarab fĂź funĂ»n al-âadab, Le Caire, DĂąr al-Kutub, 2002, t. xxxii, p. 262 ; Al-QalqaĆĄandĂź, Subh al-âaĆĄĂą fĂź sinĂąat al-âinĆĄĂą, Le Caire, al-Matbaa al-âAmĂźriya, 1919, t. xiv, p. 34. 37 Mohamed Ouerfelli, Organisation spatiale et rĂ©percussions de lâindustrie du sucre sur le paysage urbain FustÄt et Palerme xive-xve siĂšcle », Villes mĂ©diterranĂ©ennes au Moyen Ăge, Ălisabeth Malamut et Mohamed Ouerfelli, dir., Aix-en-Provence, Presses Universitaires de Provence, 2014, p. 197-215. 38 Ibn al-HĂąÄ, Al-Madkhal âilĂą tanmiyat al-âamĂąl bitahsĂźn al-niyĂąt, Le Caire, 1929, t. IV, p. 150-151 et 153. 39 LĂ©on lâAfricain, Description de lâAfrique, trad. de lâitalien par A. Epaulard, Paris, Maisonneuve, 1956, t. II, p. 502. 40 Mohamed Ouerfelli, Le sucre, op. cit., p. 126-127. 41 Claude Delaval Cobham, Excerpta Cypria materiels for a history of Cyprus, Cambridge, Cambridge University Press, 1908, p. 19 ; Louis de Mas Latrie, Histoire de lâĂźle de Chypre sous le rĂšgne des princes de la maison de Lusignan, Paris, Imprimerie impĂ©riale, 1852-1861, t. II, p. 212 ; Benjamin Arbel, Slave trade and slave labor in Frankish Cyprus1191-1571 », Studies in medieval and renaissance history, 14, 1993, p. 160. 42 Dominique ValĂ©rian, Les captifs et la piraterie une rĂ©ponse Ă une conjoncture dĂ©primĂ©e ? Le cas du Maghreb au xive et xve siĂšcles », Les esclaves en MĂ©diterranĂ©e, op. cit., p. 119-129. Voir Ă©galement Antonio de Almeida Mendes, Le premier Atlantique portugais entre deux MĂ©diterranĂ©e comment les Africains ont dĂ©veloppĂ© le Vieux Monde xve-xvie siĂšcles », Les esclaves en MĂ©diterranĂ©e, op. cit., p. 156. Sur lâimportance du trafic des captifs, cf. Wolfgang Kaiser, Ă©d., Le commerce des captifs. Les intermĂ©diaires dans lâĂ©change et le rachat des prisonniers en MĂ©diterranĂ©e, xve-xviiie siĂšcle, Rome, Ăcole française de Rome, 2008. 43 LĂ©once Macheras, Chronique de Chypre, trad. Emmanuel Miller et C. Sathas, Paris, Ernest Leroux, 1882, p. 81-82. 44 LĂ©once Macheras, Chronique de Chypre, op. cit., p. 109 ; Mohamed Ouerfelli, Les migrations liĂ©es aux plantations et Ă la production du sucre dans la MĂ©diterranĂ©e Ă la fin du Moyen Ăge », Migrations et diasporas mĂ©diterranĂ©ennes xe-xvie siĂšcles. Actes du colloque international de Conques, octobre 1999, rĂ©unis par Michel Balard et Alain Ducellier, Paris, Publications de la Sorbonne, 2002, p. 491. 45 Mohamed Ouerfelli, Les relations entre le royaume de Chypre et le sultanat mamlĂ»k au xve siĂšcle », Le Moyen Ăge, 110/2, 2004, p. 327-344. 46 Emmanuel Piloti, TraitĂ© dâEmmanuel Piloti sur le passage en Terre sainte 1420, Ă©d. Pierre-Herman Dopp, Louvain-Paris, BĂ©atrice-Nauwelaerts, 1958, p. 174-175. 47 Benjamin Arbel, Venitian Cyprus and the muslim Levant », Cyprus and the crusades. Papers given at the International Conference Cyprus and the Crusadesâ, Nicosie, 6-9 septembre, 1994, Ă©d. Nicholas Coureas et Jonathan Riley-Smith, Nicosie, 1995, p. 159. 48 LĂ©once Macheras, Chronique de Chypre, op. cit., p. 374-375. 49 Ibid., p. 360. 50 Mohamed Ouerfelli, Les relations », op. cit., p. 335-336. 51 LĂ©once Macheras, Chronique de Chypre, op. cit., p. 380 le chroniqueur qualifie le comportement des chevaliers, peut-ĂȘtre par sentiment anti-latin, dâerreur, car ces pauvres baptisĂ©s se sont enfuis pour se cacher dans les montagnes, plutĂŽt que de se rendre aux Mamelouks. 52 Ibidem. 53 Outre le maĂźtre sucrier, Macheras cite dâautres personnes comme ThĂ©otokis, le maçon du roi ou un Syrien affranchi. Le terme affranchi » et les mĂ©tiers quâils occupent montrent que ces personnes ne sont plus esclaves. 54 Louis de Mas Latrie, Histoire de lâĂźle de Chypre, op. cit., t. II, p. 458-459 ; Marie-Louise von Wartburg, Production de sucre de canne Ă Chypre un chapitre de technologie mĂ©diĂ©vale », Coloniser au Moyen Ăge, Ă©d. Michel Balard et Alain Ducellier, Paris, Armand Colin, 1995, p. 131. 55 Al-SayrafĂź, Nuzhat al-nufĂ»s wa-l-âabdĂąn fÄ« tawĂąrĂźkh al-zamĂąn, Ă©d. Hassan Habchi, Le Caire, DĂąr al-Kutub, 1973, t. III, p. 82. 56 Ibidem. 57 Margaret Newett, Ă©d., Canon Pietro Casolaâs pilgrimage to Jerusalem in the year 1494, Manchester, University Press, 1907, p. 216. 58 David Jacoby, La production du sucre en CrĂšte vĂ©nitienne lâĂ©chec dâune entreprise Ă©conomique », Rhodonia. Homage to M. I. Manoussakas, Ă©d. C. Maltezou, T. Detorakes et C. Charalampakes, Rethymno, 1994, p. 167-180 ; rĂ©impr. dans Trade, commodities and shipping in the medieval Mediterranean, Londres, Variorum Reprints, 1997 ; Mohamed Ouerfelli, Sugar production and exportation in Crete at the end of the Middle Ages 15th Century », Journal of Oriental and African Studies, 24, 2015, p. 123-133. 59 Hyppolite Noiret, Documents inĂ©dits pour servir Ă lâhistoire de la domination vĂ©nitienne en CrĂšte de 1380 Ă 1485, Paris, Thorin, 1892, p. 324-325 ; Freddy Thiriet, Regestes des dĂ©libĂ©rations du SĂ©nat de Venise concernant la Romanie, Paris-La Haye, 1958-1961, t. II, p. 251, doc. no 2100. 60 Mohamed Ouerfelli, Le sucre, op. cit., p. 136. 61 Hyppolite Noiret, Documents inĂ©dits, op. cit., p. 324-325 ; Mohamed Ouerfelli, Le sucre, op. cit., p. 136. 62 Carmelo Trasselli, Storia dello zucchero siciliano, Caltanissetta-Rome, Salvatore Sciascia, 1982 ; Henri Bresc, Un monde mĂ©diterranĂ©en, Ă©conomie et sociĂ©tĂ© en Sicile 1350-1450, Palerme-Rome, Ăcole française de Rome, 1986, p. 227-252 ; Mohamed Ouerfelli, Le sucre, op. cit., p. 229-250. 63 Les deux graphiques sont rĂ©alisĂ©s Ă partir dâune cinquantaine de contrats de recrutement, instrumentĂ©s par les notaires palermitains, au profit de plusieurs patrons de trappeti. 64 Archivio di Stato di Palermo, Notai Defunti dĂ©sormais ASP. ND., NiccolĂČ Aprea 828, 65 Charles Verlinden, Lâesclavage, t. II, op. cit., p. 231. 66 Antonino Giuffrida, La produzione dello zucchero in un opificio della piana di Carini nella seconda metĂ del sec. xv », La cultura materiale in Sicilia. Atti del primo convegno internazionale di studi antropologici siciliani, Palerme, 1980, p. 154-155, table no 1 ; rééd. dans Imprese industriali in Sicilia secc. xv-xvi, a cura di Antonino Giuffrida, Caltanissetta-Roma, Salvatore Sciasca Editore, 1996, p. 37-40. 67 ASP, ND, Giovanni Randisio, 68 Voir les graphiques sur lâĂ©volution des salaires des ouvriers pendant le xve siĂšcle ; Mohamed Ouerfelli, Le sucre, op. cit., p. 292-300. 69 Ibid., p. 294. 70 Jacqueline Guiral-Hadziiossif, La diffusion et la production de la canne Ă sucre xiiie-xvie siĂšcles », Anuario de Estudios medievales, 24, 1994, p. 238-239 ; Mohamed Ouerfelli, Le sucre, op. cit., p. 222. 71 Arxiu del Regne de ValĂšncia ARV, Reial Cancelleria RC, no 641 ProcĂšs sobre fabricaciĂł de sucre, 1433, f. 63r-158r. 72 ARV, RC, 641, f. 68r-69v. 73 Maite Framis Montoliu, La baronia de BeniarjĂł, dels March als Montcada catĂ leg documental, Simat de la Valldigna, 2003, p. 23-24. 74 AmĂ©dĂ©e PagĂšs, Ausias March et ses prĂ©dĂ©cesseurs essai sur la poĂ©sie amoureuse et philosophique en Catalogne aux xive et xve siĂšcles, Paris, HonorĂ© Champion, 1912, p. 99 ; Francisco Almela y Vives, AusĂas March y la producciĂłn azucarera valenciana », Feriario. Revista de la Feria Muestrario internacional de Valencia, 1959, p. 10 ; Jaume Josep Chiner Gimeno, AusiĂ s March i la ValĂšncia del segle xv 1400-1459, Valence, Generalitat Valenciana - Consell ValenciĂ de Cultura, 1997, p. 407-409 ; Ferran Garcia-Oliver, Ausias Marc, Valence, Publicacions de la Universitat de ValĂšncia, p. 183-191. 75 Ferran Garcia-Oliver, Les companyies del trapig », Afers, 32, 1999, p. 189-190. 76 Piotr Radzikowsky, Ă©d., Reisebeschreibung Niclas von Popplau Ritters,bĂŒrtig von Breslau, Cracovie, Trans-Krak, 1998, p. 117 ; Viajes de extranjeros por España y Portugal. Desde los tiempos mĂĄs remotos hasta comienzos del siglo xx, vol. I, Ă©d. et trad. J. GarcĂa Mercadal, Junta de Castilla y LeĂłn, 1999, p. 302 ; JosĂ© PĂ©rez Vidal, La cultura de la caña de azĂșcar en el Levante español, Madrid, CSIC, 1979, p. 18 ; Antonio LĂłpez GĂłmez EvolutiĂłn agraria de la Plana de CastellĂłn », Estudios sobre regadios valencianos, Universitat de ValĂšncia, 1990, p. 160. 77 Ferran Garcia-Oliver, Les companyies », op. cit., p. 190. 78 Mohamed Ouerfelli, Le sucre, op. cit., p. 142-148. 79 Abd al-IlĂąh BenmlĂźh, Al-riqq fĂź bilĂąd al-Maghrib wa-l-Andalus Lâesclavage au Maghreb et en al-Andalus, Beyrouth, Muâassasat al-intishĂąr al-arabĂź, 2004, p. 344-350. 80 Al-UmarĂź, MasĂąlik al-âabsĂąr fĂź mamĂąlik al-âamsĂąr, I lâAfrique moins lâĂgypte, trad. Godefroy Demombynes, Paris, Paul Geuthner, 1927, p. 176. 81 Jean-LĂ©on lâAfricain, Description de lâAfrique, op. cit., I, p. 178. 82 Bernard Rosenberger, La production de sucre au Maroc au xvie siĂšcle. Aspects techniques et sociaux », Agua, trabajo y azĂșcar. Actas del sexto seminario internacional sobre la caña de azĂșcar, Motril, 19-23 septembre 1994, Ă©d. Antonio Malpica, Grenade, DeputaciĂłn provincial de Granada, 1996, p. 176-177. 83 LâAfrique de Marmol, trad. Nicolas Perrot sieur dâAblancourt, Paris, 1667, III/ 2, p. 28-31 84 Paul Berthier, Un Ă©pisode de lâhistoire de la canne Ă sucre, les anciennes sucreries du Maroc et leurs rĂ©seaux hydrauliques, Rabat, Centre universitaire marocain de la recherche scientifique, 1966, t. I, p. 239. Pour Ă©tayer sa dĂ©marche, il sâappuie sur le papyrus Ă©gyptien publiĂ© par Jean Sauvaget et sur lâĆuvre de P. Labat ; mais les informations des deux sources sont antĂ©rieures pour la premiĂšre et postĂ©rieures pour la seconde. Elles se rĂ©fĂšrent Ă des conditions totalement diffĂ©rentes de celles du Maroc du xvie siĂšcle. 85 Bernard Rosenberger, La production », op. cit., p. 170-171. 86 LâAfrique de Marmol, op. cit., t. II, p. 29. 87 Abd al-IlĂąh BenmlĂźh, Al-Riqq fĂź bilĂąd al-Maghrib wa-l Andalus Lâesclavage au Maghreb et en al-Andalus, Beyrouth, al-IntishĂąr al-ArabĂź, 2004, p. of page References Bibliographical reference Mohamed Ouerfelli, La production du sucre en MĂ©diterranĂ©e mĂ©diĂ©vale », Rives mĂ©diterranĂ©ennes, 53 2016, 41-59. Electronic reference Mohamed Ouerfelli, La production du sucre en MĂ©diterranĂ©e mĂ©diĂ©vale », Rives mĂ©diterranĂ©ennes [Online], 53 2016, Online since 15 December 2018, connection on 28 August 2022. URL ; DOI Top of page About the author Mohamed Ouerfelli Mohamed Ouerfelli, maĂźtre de confĂ©rences en histoire mĂ©diĂ©vale Ă lâUniversitĂ© dâAix-Marseille, est spĂ©cialiste de lâhistoire des relations diplomatiques et commerciales entre monde latin et monde musulman au Moyen Ăge. Il a notamment publiĂ© Le sucre production, commercialisation et usages dans la MĂ©diterranĂ©e mĂ©diĂ©vale, Leyde-Boston, Brill, 2008 Coll. The Medieval Mediterranean, 71 ; il a coĂ©ditĂ© avec Ălise Voguet Le monde rural dans lâOccident musulman mĂ©diĂ©val, Revue des mondes musulmans et de la MĂ©diterranĂ©e, 126, 2009 ; avec Ălisabeth Malamut, Les Ă©changes en MĂ©diterranĂ©e mĂ©diĂ©vale. Marqueurs, rĂ©seaux, circulations, contacts, Aix-en-Provence, Presses Universitaires de Provence, 2012 coll. Le temps de lâhistoire et Villes mĂ©diterranĂ©ennes au Moyen Ăge, Aix-en-Provence, Presses Universitaires de Provence coll. Le temps de lâhistoire, 2014. By this author Une introduction Published in Rives mĂ©diterranĂ©ennes, 53 2016 Top of page
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