Depuisle 1er janvier 2021, les donnĂ©es publiques de l’Institut national de l’information gĂ©ographique et forestiĂšre (IGN) sont accessibles librement et gratuitement, pour tous. Cela concerne toutes les donnĂ©es publiques relatives Ă  la topographie, au relief et Ă  la visualisation du territoire. CommuniquĂ© de l'IGN.
Mots Croisés > Questions > Définition Sur la Méditerranée Sur la Méditerranée Définition Entrez la longueur et les lettres Nouvelle proposition de solution pour "Sur la Méditerranée" Pas de bonne réponse ? Ici vous pouvez proposer une autre solution. 9 + 7 Veuillez vérifier à nouveau vos entrées
GĂ©oImagedu CNES : des images satellites pour prĂ©parer les concours. À l'occasion de la parution de la nouvelle question « L’Afrique : du Sahel et du Sahara Ă  la MĂ©diterranĂ©e » aux programmes des concours, GĂ©oconfluences propose un dossier de ressources pour l'Ă©tude de cette nouvelle question. Ce dossier vise plusieurs objectifs :
RĂ©sumĂ©s Au xixe siĂšcle, le Midi de la France a souvent Ă©tĂ© dĂ©crit comme une rĂ©gion figĂ©e et mĂȘme en retard, alors qu’il a jouĂ© un rĂŽle fondamental dans la colonisation algĂ©rienne, tout en Ă©tant le territoire le plus concernĂ© par les retombĂ©es de cette derniĂšre sur la mĂ©tropole. MĂȘme la position du sud de la France dans l’imaginaire national a Ă©tĂ© affectĂ©e par ces liens l’AlgĂ©rie Ă©tant considĂ©rĂ©e comme une extension de l’Hexagone au fur et Ă  mesure de son intĂ©gration Ă  la vie nationale, le Midi a, parallĂšlement, glissĂ© de la pĂ©riphĂ©rie vers le centre de la nation. C’est avec ce contexte en arriĂšre-plan que cet article analyse les reprĂ©sentations du Midi par rapport Ă  la colonisation de l’AlgĂ©rie, en commençant par la marginalisation de cette rĂ©gion au xixe siĂšcle, puis en montrant son passage de la pĂ©riphĂ©rie au centre grĂące Ă  la conquĂȘte du sud de la MĂ©diterranĂ©e, pour finir en Ă©voquant les effets de la dĂ©colonisation sur l’histoire et l’image du sud de la France. This article explores the representation of Southern France during the colonial age of Algeria. During the nineteenth century, the French Midi was depicted as an exotic, backward or static borderland of the Occident and explicitly compared to French overseas colonies in North Africa. Yet, at the same time, the Midi played a crucial role for the colonization of Algeria and became a dynamic hub of interactions with the Maghreb. When Algeria was integrated into the French territory in 1848, France’s national boundary was shifted towards the south, and the Midi held a central position within the Mediterranean empire of the nation. After decolonization, the Midi was disconnected from North Africa and marginalized again. Regionalists now described the region as an internal colony’ of the French nation-state and claimed for an internal decolonization’ of the hexagon. In this way, the history and the representation of both regions continued to influence each other even after de page EntrĂ©es d’index Haut de page Texte intĂ©gral 1 Ce texte est issu d’une communication prĂ©sentĂ©e au colloque international MĂ©ridionalitĂ© et insul ... 2 Maria Todorova, Imagining the Balkans, Oxford, Oxford University Press, 1997 ; Jane Schneider dir ... 3 Claudio SegrĂš, Fourth Shore. The Italian colonization of Libya, Chicago, University of Chicago Pre ... 1Depuis le xixe siĂšcle, le sud de l’Europe jouit d’une image paradoxale qui en fait aussi bien le berceau de la civilisation europĂ©enne qu’une zone d’extranĂ©itĂ© par rapport Ă  l’Occident. On a pu voir dans des pays comme l’Espagne, des rĂ©gions comme le Mezzogiorno ou les Balkans, des territoires pĂ©riphĂ©riques et retardĂ©s, des marches plus proches de l’Afrique ou de l’Orient que de l’Europe2. À l’inverse, les gĂ©ographies impĂ©riales bĂąties sur les notions de mare nostrum », MĂ©diterranĂ©e française », quarta sponda », Eurafrica » ou Atlantropa » ont inclus l’Afrique du Nord dans l’Occident3. 4 Edward W. Said, Orientalism. Western Conceptions of the Orient, New York, Penguin, 1992. 5 Manuel Borutta et Sakis Gekas dir., A Colonial Sea The Mediterranean, 1798-1956 », European ... 2Nous souhaitons montrer ici, Ă  travers l’exemple du Midi français entre le dĂ©but du xixe siĂšcle et les annĂ©es 1960, que ces oscillations de la frontiĂšre mĂ©ridionale ne tiennent pas seulement aux asymĂ©tries spatiales internes Ă  l’Europe, souvent nĂ©gligĂ©es lorsqu’on fait la critique de l’orientalisme occidental4, mais proviennent aussi des relations coloniales entre l’Europe du Sud et l’Afrique du Nord, elles aussi frĂ©quemment omises par la recherche qui tend Ă  sĂ©parer ces deux espaces pourtant trĂšs liĂ©s Ă  l’époque coloniale5. 3Cela vaut tout particuliĂšrement pour le Midi de la France et l’AlgĂ©rie. Au xixe siĂšcle, le Midi a souvent Ă©tĂ© dĂ©crit comme une rĂ©gion figĂ©e et mĂȘme en retard, alors qu’il a jouĂ© un rĂŽle fondamental dans la colonisation algĂ©rienne, tout en Ă©tant le territoire le plus concernĂ© par les retombĂ©es de cette derniĂšre sur la mĂ©tropole. MĂȘme la position du sud de la France dans l’imaginaire national a Ă©tĂ© affectĂ©e par ces liens l’AlgĂ©rie Ă©tant considĂ©rĂ©e comme une extension de l’Hexagone au fur et Ă  mesure de son intĂ©gration Ă  la vie nationale, le Midi a, parallĂšlement, glissĂ© de la pĂ©riphĂ©rie vers le centre de la nation. 4C’est dans ce contexte que nous analyserons les reprĂ©sentations du Midi par rapport Ă  la colonisation de l’AlgĂ©rie, en commençant par la marginalisation de cette rĂ©gion au xixe siĂšcle, puis en montrant son passage de la pĂ©riphĂ©rie au centre grĂące Ă  la conquĂȘte du sud de la MĂ©diterranĂ©e, pour finir en Ă©voquant les effets de la dĂ©colonisation sur l’histoire et l’image du sud de la France. Cet exemple nous permettra aussi d’analyser les jeux d’influences rĂ©ciproques entre l’histoire mĂ©ridionale et les reprĂ©sentations qu’on a pu en nourrir en quoi les espaces mĂ©diterranĂ©ens ont-ils Ă©tĂ© vus Ă  travers le prisme des rĂ©seaux politiques, sociaux et Ă©conomiques dans lesquels ils Ă©taient pris ? Les images qui leur Ă©taient attachĂ©es reflĂ©taient-elles simplement des relations de pouvoir impĂ©riales ou nationales ou bien Ă©taient-elles dotĂ©es de leur logique propre ? France obscure » la marginalisation du Midi au xixe siĂšcle 6 Voir par exemple Denise Pumain et al., France, Europe du Sud, Paris, Belin, 1990. 7 Charles-Victor de Bonstetten, L’homme du Midi et l’homme du Nord, GenĂšve, Paschoud, 1824, p. 54. V ... 8 Bernard Lepetit, Sur les dĂ©nivellations de l’espace Ă©conomique en France, dans les annĂ©es 1830 » ... 9 Alain Corbin, Paris-province », dans Pierre Nora dir., Les lieux de mĂ©moire
, op. cit., vol. 3 ... 10 Malte-Brun, Le Journal des dĂ©bats, 21 juillet 1823 ; Charles Dupin, Effets de l’enseignement popul ... 11 Charles Dupin, Forces productives et commerciales de la France, 2 vol., Paris, Bachelier, 1827, vo ... 12 Adolphe d’Angeville, Essai sur la statistique de la population française considĂ©rĂ©e sous quelques- ... 5MalgrĂ© la longueur de sa cĂŽte mĂ©ridionale, la France n’a jamais Ă©tĂ© considĂ©rĂ©e comme faisant partie du sud de l’Europe6. Karl Viktor von Bonstetten, dans son ouvrage classique de 1824, L’homme du Midi et l’homme du nord, lui attribue une place moyenne entre le nord et le sud de l’Europe La France, situĂ©e entre le ciel ardent du Midi et les rĂ©gions rĂȘveuses du Nord, semble un heureux composĂ© de la maniĂšre d’ĂȘtre de l’un et l’autre climat »7. Mais c’est pourtant Ă  cette Ă©poque prĂ©cise que naĂźt en France une frontiĂšre imaginaire entre le nord et le sud. Le Midi est de plus en plus dĂ©crit comme une rĂ©gion attardĂ©e, exotique, exclue de la culture moderne et de l’industrialisation du nord8. Cette image d’un territoire sous-dĂ©veloppĂ© recoupe les conceptions parisiennes sur la province en gĂ©nĂ©ral et sur les pĂ©riphĂ©ries agricoles en particulier9. Elle est produite par des publications scientifiques, littĂ©raires et politiques. Ainsi les statisticiens constatent-ils un fossĂ© dans l’instruction populaire entre la France Ă©clairĂ©e » au nord d’une ligne allant de Saint-Malo Ă  GenĂšve, et la France obscure » du sud10. Le dĂ©veloppement industriel du nord est expliquĂ© par la proximitĂ© avec les peuples avancĂ©s constituĂ©s par les Anglais, les Suisses et les Belges ; le retard du Midi, par son voisinage avec ceux de l’Afrique et aussi avec ceux de l’Europe du sud, de l’Espagne, du Portugal et de la Sardaigne, entitĂ©s que l’on estimait mal gouvernĂ©es et qui semblaient croupir dans leur retard11. Les explications dĂ©terministes, climatiques et gĂ©ographiques, sont souvent associĂ©es Ă  une vision essentialiste des MĂ©ridionaux, souvent peints, par exemple, comme plus ruraux, plus violents et plus indisciplinĂ©s que les autres Français12. 13 Des historiens comme Jean-Marc Olivier pour Toulouse et sa rĂ©gion ou Jean-Michel Minovez pour l ... 14 Eugen Weber, La fin des terroirs. La modernisation de la France rurale 1870-1914 », dans Eugen W ... 6Au moins sur le plan Ă©conomique, le Midi suivit effectivement ses propres voies de dĂ©veloppement13. Refusant d’adopter le modĂšle industriel septentrional, les MĂ©ridionaux misĂšrent, au xixe siĂšcle encore plus qu’auparavant, sur l’agriculture et particuliĂšrement la viticulture. Ces divergences dans les formes de la propriĂ©tĂ© et de l’économie renforcĂšrent la singularisation gĂ©ographique et ethnographique de la rĂ©gion, tandis que certaines diffĂ©rences internes entre villes et campagnes, monts et vallĂ©es, Ăźles et littoraux passaient au second plan, malgrĂ© leur importance relative. Le rĂ©seau national des routes et des chemins de fer permettant une croissance spectaculaire de la demande, la Provence et le Languedoc rĂ©ussirent Ă  Ă©tablir un quasi-monopole national de l’industrie mĂ©ridionale du vin. Certes, cette industrie Ă©tait particuliĂšrement sensible aux retournements conjoncturels ; mais devant ce changement Ă©conomique majeur, il est impossible de parler de stagnation mĂ©ridionale pour la seconde moitiĂ© du xixe siĂšcle. Au contraire, il s’agit d’une dynamique capitaliste ne reculant pas devant la prise de risque14. 15 Gascons et Auvergnats, Provençaux et Marseillais y furent reprĂ©sentĂ©s de façon diffĂ©rente mais Ă©ga ... 7Cependant, Ă  la mĂȘme Ă©poque, la littĂ©rature dĂ©peignait le Midi comme un conservatoire de coutumes Ă©tranges et d’hommes primitifs. Les rĂ©cits de voyage, les romans d’Hyppolite Taine, Victor Hugo, Joseph MĂ©ry, Alexandre Dumas, Alphonse Daudet ou encore les Ă©crits de Jules Michelet grouillaient de MĂ©ridionaux vantards et emportĂ©s, indolents et naĂŻfs, irrĂ©flĂ©chis et violents, paresseux et lĂąches15. 16 Mario Wilhelm von Wandruszka Wanstetten, Nord und SĂŒd
, op. cit., p. 186-187. 17 Philippe Martel, Les fĂ©libres et leur temps. Renaissance d’oc et opinion, 1850-1914, Pessac, Press ... 8Ces clichĂ©s contribuĂšrent Ă  alimenter les combats politiques de la IIIe RĂ©publique, lorsque des opposants Ă  la RĂ©publique stigmatisĂšrent la mĂ©ridionalisation des Ă©lites politiques, Paris conquis par le sud »16. À LĂ©on Gambetta, il fut reprochĂ© d’utiliser les institutions comme tremplin pour fuir la stagnation de sa rĂ©gion d’origine. La polĂ©mique prit mĂȘme un tour raciste chez certains reprĂ©sentants de l’extrĂȘme droite Gaston MĂ©ry, pour n’en citer qu’un, tenait les MĂ©ridionaux pour aussi dangereux que les juifs. La Libre Parole, journal antisĂ©mite de l’antidreyfusard Édouard Drumont, dĂ©putĂ© d’Alger en 1898, voyait la France celtique » encombrĂ©e de Levantins et de Latins, de Maures et d[e] Wisigoths »17. 18 Eugen Weber, La fin des territoires
 », art. cit., p. 578. 19 Ibid., p. 656 n. 9. 20 Ibid., p. 579. 9Le peu de considĂ©ration accordĂ© au sud de la France s’exprimait aussi dans les comparaisons avec les colonies d’outre-mer, notamment avec les territoires d’Afrique du Nord18. Des projets de dĂ©veloppement du Midi furent comparĂ©s Ă  la colonisation du Maghreb19. Implicitement, ce retard Ă©tait mesurĂ© par rapport Ă  l’avancĂ©e civilisationnelle attribuĂ©e Ă  Paris. Certains MĂ©ridionaux, mettant d’eux-mĂȘmes leur rĂ©gion en parallĂšle avec la colonie et les protectorats nord-africains, rĂ©clamĂšrent que le Midi fĂ»t mieux reliĂ© au centre pour profiter des bienfaits du progrĂšs20. Dans cette logique, les pĂ©riphĂ©ries nationales se trouvaient en concurrence avec les colonies d’outre-mer pour leurs relations au centre, Ă  qui elles procuraient des ressources naturelles et duquel elles recevaient infrastructures modernes et aides publiques au dĂ©veloppement. AlgĂ©rie française » l’extension mĂ©ridionale de l’Hexagone 21 Thierry Fabre, La France et la MĂ©diterranĂ©e. GĂ©nĂ©alogies et reprĂ©sentations », dans Jean-Claude ... 22 Marie-NoĂ«lle Bourguet et al. dir., L’invention scientifique de la MediterranĂ©e. Égypte, MorĂ©e, A ... 23 Patricia M. E. Lorcin, Rome and France in Africa. Recovering Colonial Algeria’s Latin Past », Fr ... 24 Émile-FĂ©lix Gautier, Les siĂšcles obscurs du Maghreb, Paris, Payot, 1927. 25 Patricia M. E. Lorcin, Imperial identities. Stereotyping, Prejudice and Race in colonial Algeria, ... 26 Jan C. Jansen, Die Erfindung des Mittelmeerraums im kolonialen Kontext. Die Inszenierungen des ... 10Cette idĂ©e s’impose lorsqu’on considĂšre le Maghreb au temps de la colonisation française. Depuis la fin du xviiie siĂšcle, des hommes politiques avaient dit vouloir transformer la MĂ©diterranĂ©e en lac français21. Des savants issus de diffĂ©rentes disciplines nourrirent cette idĂ©e en dĂ©finissant les bords de la mer intĂ©rieure comme une entitĂ© culturelle et naturelle appartenant Ă  l’Europe. Les botanistes et les gĂ©ologues des expĂ©ditions d’Égypte 1798-1801, du PĂ©loponnĂšse 1829-1831 et d’AlgĂ©rie 1839-1842, soulignĂšrent les ressemblances de la vĂ©gĂ©tation et des formations gĂ©ologiques entre les littoraux du sud et du nord de la MĂ©diterranĂ©e. Des gĂ©ographes les sĂ©parĂšrent de l’Asie et de l’Afrique22. En Afrique du Nord, en Asie mineure, des soldats et des archĂ©ologues mirent au jour des vestiges antiques grĂ©co-romains qui furent interprĂ©tĂ©s comme des traces indubitables de la civilisation europĂ©enne23, dont les historiens firent de la MĂ©diterranĂ©e le berceau, tout en transformant les quelque mille ans d’hĂ©gĂ©monie arabe musulmane en simple interlude24. MĂ©decins et anthropologues accentuĂšrent les diffĂ©rences entre les Arabes nomades et les BerbĂšres, prĂ©tendument plus faciles Ă  assimiler parce que sĂ©dentaires25. En 1930, lors du centenaire de la conquĂȘte de l’AlgĂ©rie, ce fut en grande partie sur la base de ces travaux que la France se prĂ©senta comme le successeur lĂ©gitime de l’Empire romain, ayant libĂ©rĂ© ce territoire d’usurpateurs Ă©trangers et rĂ©tabli l’unitĂ© mĂ©diterranĂ©enne de la civilisation europĂ©enne26. 27 Ceci va Ă  l’encontre de Peregrine Horden et Nicholas Purcell, The Mediterranean and “the new Tha ... 28 Michel Chevalier, SystĂšme de la MĂ©diterranĂ©e », Le Globe, 20 janvier, 31 janvier, 5 fĂ©vrier, 12 ... 11Cette idĂ©e d’unitĂ© se nourrit aussi des interconnexions grandissantes entretenues par l’espace mĂ©diterranĂ©en27. Dans les annĂ©es 1830, des saint-simoniens avaient imaginĂ© la mise en rĂ©seau administrative et infrastructurelle de ses rives, sous une hĂ©gĂ©monie française qui aurait rendu possible l’association utopique de l’Orient et de l’Occident. Pour eux, l’Afrique du Nord formait une prolongation mĂ©ridionale de l’Hexagone28. Lorsqu’en quelques dĂ©cennies, l’espace mĂ©diterranĂ©en fut effectivement striĂ© de cĂąbles tĂ©lĂ©graphiques, de voies de chemins de fer et de voies maritimes, cette vision sembla prendre forme. AprĂšs que la France, maĂźtresse de l’AlgĂ©rie, eut Ă©tendu sa protection sur la Tunisie 1881 et le Maroc 1912, donc Ă©rigĂ© un empire au Maghreb, la MĂ©diterranĂ©e put donner l’illusion d’ĂȘtre devenue une mer intĂ©rieure. 29 David Prochaska, Making Algeria French. Colonialism in BĂŽne, 1870-1920, Cambridge, Cambridge Unive ... 30 Yann Scioldo-ZĂŒrcher, Devenir mĂ©tropolitain. Politique d’intĂ©gration et parcours de rapatriĂ©s d’Al ... 12C’est en AlgĂ©rie que l’effacement des frontiĂšres continentales et la rĂ©duction des distances maritimes furent portĂ©s Ă  leur maximum. En 1848, le nord de la colonie rĂ©cemment conquise fut dĂ©clarĂ© partie intĂ©grante du territoire national. La IIIe RĂ©publique fit de l’AlgĂ©rie française » la premiĂšre colonie de peuplement national et le laboratoire de sa politique d’assimilation. Dans aucune autre colonie française, l’enracinement des colons n’était aussi profond, les relations Ă  la mĂ©tropole aussi Ă©troites29. L’AlgĂ©rie devait ĂȘtre comme la France. En mars 1961 encore, un an avant l’indĂ©pendance, des Français d’AlgĂ©rie exigeaient l’occidentalisation » de la vie algĂ©rienne30. 31 Voir HĂ©lĂšne Blais et Florence Deprest, The Mediterranean, a territory between France and Colonia ... 13Cette tentative visant Ă  assimiler l’AlgĂ©rie changea aussi la reprĂ©sentation que les contemporains se faisaient du territoire mĂ©tropolitain. AprĂšs la conquĂȘte, le littoral mĂ©diterranĂ©en français fut dessinĂ© au nord des cartes de l’AlgĂ©rie ; la MĂ©diterranĂ©e ne forma plus un gouffre entre l’Europe et l’Afrique, mais un trait d’union maritime entre des dĂ©partements français. Les livres de gĂ©ographie, les livres de bord des marins, les manuels Ă  destination des colons, les guides de voyage rĂ©duisirent la MĂ©diterranĂ©e, jadis redoutable, aux dimensions d’un lac. Chacun, grĂące Ă  la briĂšvetĂ© de la traversĂ©e en vapeur, Ă  la rapiditĂ© des communications par le tĂ©lĂ©graphe, put faire l’expĂ©rience de cette continuitĂ© imaginaire entre les continents31. Provence-Afrique le jeu littĂ©raire des Ă©chelles 32 Le hĂ©ros un Don Quichotte provençal, fabule tant autour de la chasse au gros gibier en Afrique d ... 14Le dĂ©placement de la frontiĂšre mĂ©ridionale se manifesta aussi dans des publications populaires comme Tartarin de Tarascon. Ce roman Ă  succĂšs d’Alphonse Daudet, paru en 1872, ne fit pas qu’immortaliser le stĂ©rĂ©otype du MĂ©ridional vantard, naĂŻf et plein d’imagination32 ; il formulait aussi une thĂ©orie du sud Ă©troitement liĂ©e aux efforts d’assimilation de l’AlgĂ©rie au corps national et aux conceptions contemporaines de l’espace français mĂ©ridional, du caractĂšre mĂ©ridional et de la MĂ©diterranĂ©e. Le sud y devint le symbole de la frontiĂšre, de la zone de transition et de l’Autre de la civilisation occidentale. 33 Ibid., p. 60-61. 15Tout d’abord, Daudet postule dans la lignĂ©e de Bonstetten un fossĂ© climatique et mental entre le sud et le nord de l’Europe. Les hommes du Midi » sont, dans son rĂ©cit, simplets et provinciaux, naĂŻfs et vantards, indolents et peu courageux, rĂȘveurs et enfantins. Leur pays est celui des chimĂšres qui naissent sous l’action du soleil. EnflammĂ©s par des romans d’aventure, ils sont victimes de leur fantaisie dĂ©bordante et de leur imagination trompeuse. Ils sont sans dĂ©fense aussi bien devant les conditions gĂ©ographiques et climatiques dans lesquelles ils vivent, que devant les fictions littĂ©raires et les fantasmes culturels qui les mĂšnent. Incapables de vĂ©ritable grandeur historique, ils sont dans l’obligation de se tromper eux-mĂȘmes sur leur importance. Les mensonges qui font leur rĂ©putation dĂ©coulent de cette entreprise d’auto-illusion il ne faut pas les prendre au sĂ©rieux33. 34 Ibid., p. 93-95, 97-98, 118. 35 Ibid., p. 102, 121. 36 Ibid., p. 97. 37 Ibid., p. 121. 38 Ibid., p. 90. 39 Ibid., p. 144. 40 Ibid., p. 161-162. 16La mĂ©ridionalitĂ© du roman de Daudet sert, en second lieu, d’aune Ă  la barbarie plus le hĂ©ros s’enfonce dans le sud de l’Afrique, plus l’environnement devient primitif. Les AlgĂ©riens autres que les colons europĂ©ens sont reprĂ©sentĂ©s comme des ĂȘtres racialement infĂ©rieurs Teurs » Osmans, Arabes », Maures », Tunisiens », M’zabites », NĂšgres »34, juifs »35. Quant aux EuropĂ©ens qui s’agitent au milieu des sauvages, il s’agit d’insulaires pauvres Minorquins et Maltais36 et de personnages douteux chevaliers d’industrie37, prostituĂ©es38 des aventuriers de tous les pays, des colons en guenilles », parlant un langage auquel Dieu le PĂšre ne comprendrait rien
 »39. Avec ce rassemblement de figures suspectes, le roman instille un doute radical sur le projet civilisateur français en AlgĂ©rie40. 41 Ibid., p. 35, 62, 107. 42 Ibid., p. 65, 80. 43 Ibid., p. 83, 85. 44 Ibid., p. 81, 102. 45 Ibid., p. 91. 46 Ibid., p. 141-143. 17NĂ©anmoins, conformĂ©ment Ă  la conception impĂ©riale de l’espace mĂ©diterranĂ©en, les diffĂ©rences entre l’Europe du Sud et l’Afrique du Nord sont minimisĂ©es. Le roman c’est notre troisiĂšme point attire sans cesse l’attention du lecteur sur les ressemblances supposĂ©es de la vĂ©gĂ©tation, des paysages et de l’architecture, au point d’en devenir fastidieux41. DĂ©jĂ  les emprunts du costume provençal Ă  l’Orient, par exemple, permettent de passer en douceur d’un espace Ă  l’autre42. Dans le port de Marseille, le hĂ©ros se sent comme Sinbad le Marin, dans une de ces villes fantastiques comme il y en a dans les Mille et une nuits ». La ville elle-mĂȘme lui paraĂźt ĂȘtre l’Orient et l’Occident pĂȘle-mĂȘle »43 et tandis que Marseille grouille d’autant de Teurs » qu’Alger44, cette derniĂšre est pleine d’EuropĂ©ens ; un vif commerce rĂšgne entre les deux villes45. Des voitures de poste hors d’ñge, mises au rancart en Provence, trouvent un nouvel usage dans les rues d’Alger46. Le retard de dĂ©veloppement de la colonie par rapport au Midi est graduel ; il repose simplement sur l’éloignement plus grand d’Alger par rapport Ă  Paris. 47 Daudet, nĂ© Ă  NĂźmes, prit ses distances avec ses racines mĂ©ridionales dans Tartarin de Tarascon. Le ... 48 Alphonse Daudet, Aventures
, op. cit., p. 157. Sur la lecture du roman par la colonie europĂ©enne e ... 18Daudet ne connaissait pas seulement le Midi et Paris47, mais aussi l’AlgĂ©rie. En dĂ©cembre 1861, avec un cousin fatiguĂ© de cultiver les tulipes Ă  NĂźmes, il se rendit via Marseille en Algerie, Ă  Blida et Ă  Miliana pour faire plusieurs excursions dans l’arriĂšre-pays. Comme Tartarin, il Ă©tait sous l’influence de rĂ©cits de voyages africains. À l’instar de ce que rapportent ces derniers, il fut surpris de la ressemblance entre l’AlgĂ©rie et la Provence. Alger lui fit l’impression d’une ville endormie de sa province. Comme Tartarin, il entra en contact avec des autochtones dans la vallĂ©e de ChĂ©liff ; d’ailleurs, son roman restitue aussi leur vision dĂ©sillusionnĂ©e de la colonisation48. 49 L’intĂ©rĂȘt des textes littĂ©raires comme sources historiques a Ă©tĂ© analysĂ© dans l’ouvrage fondamenta ... 50 Jacques Revel, Jeux d’échelles. La micro-analyse Ă  l’expĂ©rience, Paris, Gallimard, 1996. 51 Dans ce contexte, il est important d’évoquer les constructions opposĂ©es d’une MĂ©diterranĂ©e latine ... 52 La CĂŽte d’Azur mondaine, objet de campagnes de publicitĂ© touristique dĂšs le xixe siĂšcle, et Nice, ... 19Ces remarques n’épuisent pas les parallĂšles entre littĂ©rature et histoire49. Les jeux d’échelle »50 littĂ©raires de Daudet renvoient aux intrications multiples du Midi et de l’AlgĂ©rie Ă  l’époque coloniale, qui ont abouti Ă  un changement de l’image du Sud de la France51, comme nous allons le montrer avec deux exemples la ville portuaire de Marseille et le Midi viticole52. Marseille colonial » du lieu de passage mĂ©diterranĂ©en Ă  la mĂ©tropole impĂ©riale 20Au xixe siĂšcle, Marseille devint le premier port colonial français, reliant Paris Ă  la MĂ©diterranĂ©e et la mĂ©tropole aux colonies d’outre-mer. Cette prééminence Ă©tait due, en grande partie, Ă  la conquĂȘte et Ă  l’intĂ©gration de l’AlgĂ©rie qui firent de Marseille d’abord le point de jonction des relations entre la mĂ©tropole et la colonie, puis un nƓud important du rĂ©seau impĂ©rial français. 53 Archives municipales de Marseille, 13 F 1, Colonisation de l’AlgĂ©rie 1830-1839, Chambre des DĂ©putĂ© ... 54 Paul Masson, Marseille et la colonisation française. Essai d’histoire coloniale, Marseille, Barlat ... 21TrĂšs tĂŽt, entrepreneurs et hommes politiques marseillais insistĂšrent pour que Paris conquĂźt l’arriĂšre-pays d’Alger, le peuple et le rattachĂąt au territoire national ; des reprĂ©sentants de la ville exigĂšrent l’annexion de l’AlgĂ©rie dĂšs avant 183053. L’économie locale profita immĂ©diatement des circulations coloniales. En 1841, une ligne rĂ©guliĂšre de vapeurs fut ouverte entre Marseille et Alger ; en 1853, on inaugura La Joliette, le port le plus moderne d’Europe aprĂšs Liverpool ; le PLM, train rapide reliant Paris, Lyon et Marseille, fut mis en service en 1857. Les grandes compagnies maritimes de Marseille transportaient, en plus d’innombrables marchandises, des milliers d’hommes commerçants, colons, soldats, touristes, saisonniers et migrants qui allaient et venaient entre la mĂ©tropole et les possessions d’outre-mer, au premier chef celles d’Afrique du Nord. Sous le Second Empire, Marseille devint aussi un centre financier d’importance ; le Palais de la Bourse de la Chambre de commerce et d’industrie de Marseille CCIM coordonnait et pilotait des banques suprarĂ©gionales54. 55 Marcel CourduriĂ© et Jean-Louis MiĂšge dir., Marseille colonial face Ă  la crise de 1929, Marseille ... 56 Pascal Blanchard et Gilles BoĂ«tsch dir., Marseille, Porte Sud. Un siĂšcle d’histoire coloniale et ... 22En 1899, la Chambre de commerce forgea l’expression Marseille colonial »55. Effectivement, le colonialisme a laissĂ© de nombreuses traces dans la ville. La conquĂȘte n’était pas achevĂ©e que dĂ©jĂ  des rues marseillaises Ă©taient nommĂ©es d’aprĂšs des villes algĂ©riennes rue d’Alger en 1833, rue de Blida en 1843. Des institutions comme le MusĂ©e colonial, l’École de mĂ©decine du Pharo 1893 et l’Institut colonial 1906 furent fondĂ©es plus tĂŽt que leurs homologues parisiennes. La premiĂšre exposition coloniale française eut lieu en 1906 non pas Ă  Paris, mais Ă  Marseille qui s’y prĂ©senta comme capitale d’empire », comme le centre de l’empire colonial français56. 57 Archives de la Chambre de Commerce de Marseille, ML 4-2-7-4, Migrations internationales, projet d’ ... 58 Pascal Blanchard et Gilles BoĂ«tsch dir., Marseille
, op. cit., p. 15-16. Sur l’histoire migratoi ... 23Le dĂ©but du xxe siĂšcle vit de plus en plus d’hommes originaires d’outre-mer s’installer Ă  Marseille, ce qui donna Ă  la ville l’aspect d’une mĂ©tropole mondiale. Les premiers Kabyles arrivĂšrent en 1905 pour remplacer les ouvriers italiens du port, devenus trop exigeants et trop chers. En 1916, la Chambre de commerce forma le projet de construire un village kabyle » pour eux dans le Vieux port, avec mosquĂ©e, bazar, cafĂ©s, hammam. Elle commanda des Ă©tudes ethnographiques afin d’ĂȘtre aussi fidĂšle que possible Ă  l’habitat kabyle traditionnel57. Ces plans ne virent le jour ni pendant ni aprĂšs la premiĂšre guerre mondiale, mais l’immigration kabyle, elle, continua. Dans l’entre-deux-guerres, la ville comptait dĂ©jĂ  70 000 MaghrĂ©bins. L’atmosphĂšre, d’abord amicale, s’était tendue et l’on parlait d’une invasion de “sidis” ». Les migrants, soumis Ă  des rĂšgles strictes, restaient constamment sous la menace d’une expulsion. NĂ©anmoins, des milliers d’hommes continuaient d’arriver de l’empire Ă  Marseille. La ville devint le port du sud »58. 59 Pascal Blanchard et Gilles BoĂ«tsch dir., Marseille
, op. cit., p. 16. Sur la question des reprĂ©s ... 24Dans l’entre-deux-guerres, Marseille fut universellement considĂ©rĂ©e comme une mĂ©tropole mondiale, caractĂ©risĂ©e par la diversitĂ© ethnique, le mĂ©lange des peuples et, en mĂȘme temps, la sĂ©grĂ©gation. Des journalistes, des Ă©crivains et des photographes Albert Londres, Germaine Krull, AndrĂ© SuarĂšs, le JamaĂŻcain Claude MacKay la peignirent comme une ville coloniale en mĂ©tropole », un village nĂšgre ». Pendant la crise des annĂ©es 1930, lorsque la ville tomba sous la coupe de gangsters et acquit la rĂ©putation douteuse d’un Chicago français, cette image fascinante mais ambivalente, qui n’a pas entiĂšrement disparu, devint exclusivement nĂ©gative59. CoopĂ©ration et concurrence le Midi viticole et l’AlgĂ©rie française 60 Voir Ă  ce propos Julia Clancy-Smith, Mediterraneans. North Africa and Europe in an Age of Migratio ... 61 Émile Temime, La migration europĂ©enne en AlgĂ©rie au xixe siĂšcle. Migration organisĂ©e ou migratio ... 62 Julia Clancy-Smith, Exotism, Erasures, and Absence. The Peopling of Algiers, 1830-1900 », dans Z ... 63 LĂ©on Poinsard, L’echec de la colonisation en AlgĂ©rie », Science Sociale, no 6, 1891, p. 453-482. 25Tandis que Marseille faisait le lien entre les rĂ©gions septentrionales françaises et l’AlgĂ©rie, le Midi viticole jouait un rĂŽle central pour le peuplement français de la colonie et sa mise en valeur. Depuis Tocqueville, les mĂ©tropolitains reprochaient aux colons de n’ĂȘtre pas des Français mais des MĂ©diterranĂ©ens de hasard, bien trop Ă©loignĂ©s eux-mĂȘmes de la civilisation française pour la diffuser aux Arabes60. Ce leitmotiv, repris par Daudet, s’appuie sur le fait que depuis 1830, le nombre de Français installĂ©s outre-mer avait Ă©tĂ© bien moins important que prĂ©vu en comparaison de celui de subalterns venus d’Espagne, d’Italie et de Malte61. Les reprĂ©sentations visuelles des villes cĂŽtiĂšres au xixe siĂšcle dissimulent ces migrants indĂ©sirables aux yeux critiques de la mĂ©tropole62 mais au dĂ©but des annĂ©es 1890 encore, on parlait en France d’ Ă©chec » Ă  propos de la colonisation algĂ©rienne63. 64 Auparavant, l’attribution de la citoyennetĂ© française aux Ă©trangers Ă©tait dĂ©jĂ  facilitĂ©e par le sĂ© ... 65 MinistĂšre du Commerce, de l’Industrie, des Postes et des TĂ©lĂ©graphes, Direction du Travail, Statis ... 66 Ibid., p. 116-117. 67 Hildebert Isnard, La vigne en AlgĂ©rie, Gap, Ophrys, 1951, vol. 1, p. 480-500 ; GeneviĂšve Gavignaud ... 26Ce n’est qu’à la Belle Époque que l’AlgĂ©rie devint une colonie de peuplement vĂ©ritablement française pour ne pas se laisser supplanter par les autres EuropĂ©ens comme en Tunisie oĂč les Italiens formĂšrent la majoritĂ© des colons jusqu’à la fin du protectorat, la RĂ©publique publia en 1889 un dĂ©cret qui accordait la citoyennetĂ© française Ă  tout EuropĂ©en nĂ© en AlgĂ©rie64. En 1896, pour la premiĂšre fois, les colons français furent en nette majoritĂ© par rapport aux autres nouveaux venus, le recensement de cette annĂ©e-lĂ  comptant 318 137 Français pour 211 580 EuropĂ©ens d’autres nationalitĂ©s65. Le dĂ©compte montre aussi que la plupart des Français de souche » vivant en AlgĂ©rie venaient pour 135 474 du sud de la France d’abord de Corse 7 303 migrants, puis des dĂ©partements de la Seine 6 370, des Bouches-du-RhĂŽne 4 565, de l’HĂ©rault 4 101, des PyrĂ©nĂ©es-Orientales 4 016 et du Gard 3 947. Suivent une sĂ©rie de dĂ©partements ayant envoyĂ© de deux Ă  trois mille colons DrĂŽme, ArdĂšche, Aude, Aveyron, Haute-Garonne, Hautes-PyrĂ©nĂ©es, IsĂšre, Meurthe-et-Moselle, Tarn, Var et Vaucluse, le Territoire de Belfort66. La plupart des MĂ©ridionaux Ă©taient venus Ă  la suite de la crise du phylloxĂ©ra qui, dans les annĂ©es 1870, avait ravagĂ© une grande partie de la viticulture du Midi. Afin d’amĂ©liorer la situation sociale des dĂ©partements concernĂ©s, les prĂ©fets avaient pris langue avec leurs homologues d’AlgĂ©rie ainsi qu’avec le gouvernement gĂ©nĂ©ral pour organiser l’émigration massive de leurs administrĂ©s67. Ils avaient reçu un abondant matĂ©riel d’information des cartes et des descriptions des centres de colonisation, des affiches et des pancartes qu’ils avaient distribuĂ© aux maires des communes, chargĂ©s de faire la publicitĂ© de l’opĂ©ration ; ils avaient transmis les candidatures des intĂ©ressĂ©s aux autoritĂ©s algĂ©riennes ou s’étaient eux-mĂȘmes chargĂ©s de les susciter. Des terrains avaient Ă©tĂ© proposĂ©s aux plus riches, tandis que les moins fortunĂ©s se portaient candidats Ă  une traversĂ©e gratuite de la MĂ©diterranĂ©e et Ă  une concession agricole. L’octroi de cette derniĂšre Ă©tait liĂ© Ă  une condition de succĂšs si le colon Ă©chouait Ă  la rendre cultivable, il devait la rendre. C’est ainsi que les dĂ©partements mĂ©ridionaux de la RĂ©publique organisĂšrent un marchĂ© mĂ©diterranĂ©en du travail et de l’immobilier contrĂŽlĂ© par l’État. 68 Archives dĂ©partementales de l’HĂ©rault, 6 M 847-870, Population-Émigration. 69 Omar Bessaoud, Viticulture », dans Jeannine VerdĂšs-Leroux dir., L’AlgĂ©rie et la France, op. ci ... 27Les Ă©migrants s’embarquaient Ă  Marseille et Ă  Port-Vendres, le port le plus mĂ©ridional du territoire français, situĂ© prĂšs de Perpignan68. Les trois dĂ©cennies de 1880 Ă  1910 constituĂšrent la phase dĂ©cisive de la colonisation algĂ©rienne en posant les bases du dĂ©collage de l’économie coloniale et de la mise en valeur française du territoire. Les viticulteurs du Midi y jouĂšrent un rĂŽle central. Ce furent eux qui, en grande partie, construisirent une industrie viticole algĂ©rienne qui, par son dynamisme, devint le moteur de l’économie coloniale, marginalisant l’agriculture indigĂšne et attirant de nouveaux colons europĂ©ens. Ce succĂšs tient Ă  plusieurs facteurs. Tout d’abord, l’AlgĂ©rie Ă©tait un terrain d’expĂ©rimentation de nouvelles mĂ©thodes vinicoles. Ensuite, les viticulteurs bĂ©nĂ©ficiaient de privilĂšges fiscaux, de crĂ©dits Ă  bon marchĂ© et de subventions de l’État. Ceci leur permit de produire moins cher qu’en mĂ©tropole, alors mĂȘme que leur vin y entrait sans payer de droits de douane, l’AlgĂ©rie Ă©tant, pour l’administration, une partie de la France69. 70 Jean-Jacques Vidal, Vers la maturitĂ© 1839-1878 », dans Jean Sagnes dir., Histoire de SĂšte. P ... 71 Jean Sagnes dir., La RĂ©volte du Midi viticole cent ans aprĂšs 1907-2007, Perpignan, Presses unive ... 72 Eugen Weber, La fin des territoires
 », art. cit., p. 577. 73 EugĂšne Gross, Le Midi viticole contre l’AlgĂ©rie, Oran, Heintz, 1932. 74 Sur la croisade du Midi contre l’AlgĂ©rie » voir Charles-Robert Ageron, Histoire de l’AlgĂ©rie con ... 28Les vignerons algĂ©riens » firent rapidement concurrence Ă  ceux du Midi. DĂšs 1878, le port de SĂšte, jusqu’alors exportateur de vins français grĂące Ă  son voisinage avec les marchĂ©s viticoles languedociens de Montpellier et de BĂ©ziers, devint importateur de vins algĂ©riens70. Ces derniers et les alcools issus de l’industrie sucriĂšre du nord, alors en pleine expansion, conduisirent Ă  l’effondrement des prix du vin au point qu’en 1907, les vignerons du sud de la France se rebellĂšrent. Cette rĂ©volte est considĂ©rĂ©e comme la naissance du rĂ©gionalisme politique mĂ©ridional. Elle fut marquĂ©e par les plus grandes manifestations jamais vues sous la IIIe RĂ©publique, la dĂ©mission de nombreux maires, des dĂ©sertions de rĂ©giments chargĂ©s de ramener l’ordre, des arrestations, des blessĂ©s et des morts71. Cependant, alors que les MĂ©ridionaux vouaient aux gĂ©monies les politiciens de Paris et les gros industriels sucriers, dont on faisait les avatars du croisĂ© Simon de Montfort, grand massacreur d’Albigeois72, les vignerons d’AlgĂ©rie ne furent quasiment pas Ă©voquĂ©s. Mais lorsqu’afin de dĂ©fendre leurs intĂ©rĂȘts Ă  Paris, les viticulteurs du Midi s’organisĂšrent en coopĂ©ratives, en fĂ©dĂ©rations et en groupes de pression rĂ©gionaux comme nationaux, ils attaquĂšrent les privilĂšges des viticulteurs du sud de la MĂ©diterranĂ©e. L’AlgĂ©rie, affirmaient-ils lors des congrĂšs fĂ©dĂ©raux et devant le Parlement, n’appartenait pas Ă  la nation c’était une colonie73. En 1931, avec la loi du 4 juillet, le groupe de pression vigneron du Midi obtint des mesures contre les grosses sociĂ©tĂ©s de la viticulture industrielle d’AlgĂ©rie une limitation de plantations nouvelles Ă  ceux qui possĂ©daient plus de 10 ha de vignes et une taxation des rendements de 100 hl Ă  l’hectare obtenus dans les exploitations produisant plus de 400 hl, pour autant entre 1930 et 1932 les colons plantĂšrent 127 000 ha. En 1938, l’AlgĂ©rie devint le quatriĂšme producteur mondial de vin, derriĂšre la France, l’Italie et l’Espagne74. Pieds-noirs » entre Midi, MĂ©ridionalitĂ© et MĂ©diterranĂ©e 75 Benjamin Stora, Pieds noirs », dans Sophie Dulucq et al. dir., Les Mots de la Colonisation, To ... 76 Eugen Weber, La fin des territoires
 », art. cit. 29La lĂ©gende veut que les viticulteurs algĂ©riens aient reçu le surnom de pieds-noirs » des vignerons du sud de la France, car ils avaient plantĂ© des ceps californiens aux racines noires et s’étaient progressivement teint les pieds en noir Ă  force de fouler le raisin75. Dans quelle mesure les Français du sud Ă©migrĂ©s vers l’AlgĂ©rie Ă  la fin du xixe siĂšcle Ă©taient-ils français et combien de temps restĂšrent-ils attachĂ©s Ă  leur origine ? Ces questions sont encore Ă  peine explorĂ©es par la recherche. Lorsque la majoritĂ© d’entre eux partit pour l’AlgĂ©rie, la construction nationale de la IIIe RĂ©publique avait Ă  peine commencĂ©76. 77 Archives Nationales de France, Centre des Archives d’Outre-Mer, AlgĂ©rie, Gouvernement gĂ©nĂ©ral d’Al ... 78 Le Languedoc en AlgĂ©rie. Bulletin de la FĂ©dĂ©ration RĂ©gionale des Amicales de Langue d’Oc, Alger, j ... 79 David Prochaska, Making Algeria French
, op. cit, p. 207. 80 Ibid., p. 224-226, 228-229. 81 Voir Anne-Marie Thiesse, Écrire la France. Le mouvement littĂ©raire rĂ©gionaliste de langue français ... 82 FĂ©lix DessoliĂšrs, De la fusion des races europĂ©ennes en AlgĂ©rie par les mariages croisĂ©s, Alger, I ... 30Il est Ă©vident qu’une fois en AlgĂ©rie, nombre de Français du sud continuĂšrent de s’identifier Ă  leur rĂ©gion d’origine. En 1906, le prĂ©fet d’Alger comptait, rien que dans son chef-lieu, vingt-trois sociĂ©tĂ©s rĂ©gionales dont la plupart Ă©taient en lien avec le Midi comme leurs noms en tĂ©moignent L’Amicale corse, Les Provençaux, Les Enfants du Vaucluse, etc.77 ; en 1941, le bulletin de la FĂ©dĂ©ration rĂ©gionale des amicales de langue d’Oc, intitulĂ© Le Languedoc en AlgĂ©rie, fĂȘtait le cinquantiĂšme anniversaire de l’Amicale des Enfants de l’HĂ©rault78. Quant Ă  la ressemblance esthĂ©tique que Daudet avait considĂ©rĂ©e comme Ă©vidente entre les villes provençales et algĂ©riennes, elle n’était pas une invention poĂ©tique. Le centre de BĂŽne Annaba ressemblait Ă  Aix-en-Provence non seulement dans sa forme, l’apparence de certains bĂątiments et le tracĂ© de ses rues, mais encore dans l’usage que les habitants faisaient de l’espace public oĂč, ici comme lĂ -bas, on jouait aux boules79. Dans le pataouĂšte », le parler des colons des villes visitĂ©es par Daudet dans le dĂ©partement d’Alger Alger, Blida, Miliana, le Midi restait vivace des 600 mots Ă©trangers de ce dialecte, 210 Ă©taient arabes, 180 espagnols, 60 italiens et tout de mĂȘme 70 issus des patois mĂ©ridionaux80. Ces observations indiquent que les colons nĂ©s en France n’avaient en rien renoncĂ© Ă  leurs habitudes rĂ©gionales. L’attachement Ă  la langue, Ă  la petite patrie » qui se concrĂ©tise par la crĂ©ation d’associations d’originaires n’est pas contradictoire avec une identitĂ© française, au contraire81. En mĂȘme temps, certains de ces MĂ©ridionaux français se mĂȘlaient aux autres EuropĂ©ens et Français dans l’espace public des cafĂ©s, des marchĂ©s, des cinĂ©mas, dans les institutions religieuses et scolaires, dans des mariages mixtes82, et dans l’exclusion commune des musulmans et des juifs. 83 Eugen Weber, L’hexagone », dans Pierre Nora dir., Les lieux de mĂ©moire, op. cit., vol. 2, p. 2 ... 84 Todd Shepard, The Invention of Decolonization. The Algerian War and the Remaking of France, Ithaca ... 85 Cette mĂ©diterranĂ©isation » de la culpabilitĂ© se retrouve chez Pierre Nora dans Les Français d’Al ... 31Le sentiment communautaire des pieds-noirs se renforça aprĂšs la dĂ©colonisation, lorsqu’en mĂ©tropole, dĂ©sormais dĂ©finie comme hexagone aprĂšs la perte complĂšte de son empire colonial83, on leur attribua une identitĂ© unique qui soulignait leur origine gĂ©ographique ; des hommes politiques ou des intellectuels comme Alain Peyrefitte et Pierre Nora voyaient dans les Français d’AlgĂ©rie » moins des Français que des MĂ©diterranĂ©ens84. Lorsque l’indĂ©pendance de l’AlgĂ©rie fut inĂ©luctable, mĂ©diterranĂ©iser » les anciens colons s’avĂ©ra particuliĂšrement utile pour rendre illĂ©gitimes les rĂ©sistances Ă  cette Ă©volution comme chez Daudet autrefois, c’est au caractĂšre si mĂ©diterranĂ©en, trop mĂ©diterranĂ©en des colons c’est-Ă -dire violent, irrationnel, fruste que fut attribuĂ©e la responsabilitĂ© de l’échec du projet colonial. En aucun cas la faute n’incombait Ă  la mĂ©tropole, dont les intentions envers les indigĂšnes avaient Ă©tĂ© si bienveillantes85. 86 Jean-Jacques Jordi, 1962. L’arrivĂ©e des Pieds noirs, Paris, Autrement, 1995. Sur l’agriculture, vo ... 87 Naissance d’un village Carnoux », Cinq colonnes Ă  l’une, 7 octobre 1966, 1055-1122 ORTF ; ... 88 Françoise Brun, OĂč en est l’agrumiculture en Corse ? », MĂ©diterranĂ©e, no 8-3, 1967, p. 211-238. 89 Robert Ramsay, The Corsican Time-Bomb, Manchester, Manchester University Press, 1983 ; Dominici Th ... 32Pour conclure, commençons par remarquer que les relations entre le Midi et l’AlgĂ©rie ne se rompirent pas Ă  la dĂ©colonisation. Afin de rester en MĂ©diterranĂ©e, les pieds-noirs s’établirent majoritairement dans le sud de la France, ce qui eut d’ailleurs pour consĂ©quence de faire monter les prix de l’immobilier et de tendre le marchĂ© du travail86. Dans certains endroits, on aboutit Ă  une vĂ©ritable colonisation de la part des anciens colons d’AlgĂ©rie. À Carnoux en Provence, les pieds-noirs bĂątirent Ă  l’identique une ville française d’AlgĂ©rie, au point de le faire Ă  l’aide des AlgĂ©riens musulmans » qui logeaient, eux, dans des bidonvilles87. En Corse, grĂące Ă  l’aide de la SociĂ©tĂ© pour la mise en valeur agricole de la Corse SOMIVAC, les pieds-noirs se lancĂšrent dans la viticulture avec le mĂȘme grand succĂšs que jadis en AlgĂ©rie88. Comme lĂ -bas, des rĂ©sistances locales se firent jour en 1975, des autonomistes corses en armes, sous la conduite d’Edmond Simeoni, fondateur de l’Action pour la renaissance de la Corse, occupĂšrent la cave d’Henri Depeille, un viticulteur pied-noir impliquĂ© dans divers scandales viticoles et financiers. Pendant l’intervention des CRS, une fusillade Ă©clata qui fit deux morts. Un an plus tard, des militants autonomistes corses fondĂšrent clandestinement le Front de libĂ©ration nationale de la Corse sur le modĂšle du Front de libĂ©ration nationale algĂ©rien, et firent exploser des bombes dans toute la France89. MĂȘme si la maniĂšre Ă©tait diffĂ©rente, la concurrence coloniale entre AlgĂ©riens » et Français du sud se rĂ©pĂ©tait pour aboutir ici aussi Ă  la violence ; mais autrefois, la rĂ©volte des vignerons du Midi s’était tournĂ©e contre le nord et la capitale, pas contre les rivaux du sud. 90 La position Ă  nouveau marginale du Midi par rapport au reste de la France des annĂ©es 1950-1960 ser ... 91 Robert Lafont, La rĂ©volution rĂ©gionaliste, Paris, Gallimard, 1967 ; id., DĂ©coloniser la France. Le ... 33La dĂ©colonisation ne fit pas que marginaliser le Midi une deuxiĂšme fois – au moins dans le discours rĂ©gionaliste90. Dans les annĂ©es 1960, les rĂ©gionalistes mĂ©ridionaux se mirent Ă  dĂ©crire le Midi comme une colonie intĂ©rieure de la France. Dans le contexte de la dĂ©colonisation algĂ©rienne, Robert Lafont, la tĂȘte pensante de l’Occitanie, conçut les rapports entre centre et pĂ©riphĂ©rie, entre nord et sud, comme des rapports coloniaux il compara la croisade contre les Albigeois Ă  la guerre d’AlgĂ©rie, analysa le caractĂšre dĂ©pendant de l’économie mĂ©ridionale et exigea une dĂ©colonisation interne de la France. Les pĂ©riphĂ©ries de la mĂ©tropole et de l’outre-mer furent placĂ©es sur un pied d’égalitĂ©, comme au xixe siĂšcle, mais dorĂ©navant moins pour leur caractĂšre attardĂ© » que pour l’oppression » dont elles auraient Ă©tĂ© victimes de la part du centre91. 92 Eugen Weber, La fin des territoires
 », art. cit., p. 575-587. Sur la rĂ©ception controversĂ©e de ... 34Cette thĂ©orie du colonialisme intĂ©rieur se diffusa rapidement jusque dans la recherche sur le nationalisme et le rĂ©gionalisme, ce qui ferme le cercle des influences mutuelles des deux espaces l’un sur l’autre, y compris au niveau conceptuel. Dans un ouvrage classique de l’historiographie contemporaine, La fin des terroirs, Eugen Weber dĂ©crit l’Hexagone comme un empire et la construction nationale dans les campagnes françaises comme un processus de colonisation. D’aprĂšs Weber, les parallĂšles entre le colonialisme moderne et le processus d’intĂ©gration nationale sont nombreux. À l’origine des deux se trouvent la conquĂȘte et l’annexion de territoires Ă©trangers processus qui a durĂ© plusieurs siĂšcles en mĂ©tropole ; puis les trois premiĂšres dĂ©cennies de la IIIe RĂ©publique 1870-1900 voient l’intĂ©gration accĂ©lĂ©rĂ©e de la pĂ©riphĂ©rie grĂące la modernisation des infrastructures et la densification des relations institutionnelles. Ceci dĂ©bouche sur l’acculturation, c’est-Ă -dire la reconnaissance, par la pĂ©riphĂ©rie, de la supĂ©rioritĂ© du centre92. L’analogie faite par Weber entre les processus mĂ©tropolitains et ultramarins n’a pas perdu de son caractĂšre stimulant depuis la parution du livre. Elle a nĂ©anmoins un dĂ©faut elle ignore les liens entre les deux Ă©volutions. 35Or, l’exemple du Midi montre qu’à l’époque coloniale l’Europe du Sud, aussi bien dans les reprĂ©sentations que les contemporains en avaient que dans son histoire, est Ă©troitement liĂ©e Ă  l’Afrique du Nord. Si le Midi français Ă©tait considĂ©rĂ© jadis comme une pĂ©riphĂ©rie du territoire mĂ©tropolitain, l’intĂ©gration de l’AlgĂ©rie Ă  ce dernier le fit glisser vers le centre et lui donna le rĂŽle d’une interface majeure entre la mĂ©tropole et la colonie, entre la MĂ©diterranĂ©e et le reste du monde. Mais aprĂšs la sĂ©cession algĂ©rienne, le Midi retomba dans sa situation pĂ©riphĂ©rique. 36De plus, une bonne part des images qu’on avait du sud de la France et de l’AlgĂ©rie Ă©tait le rĂ©sultat des intrications Ă©conomiques, dĂ©mographiques et politiques de ces deux ensembles. Dans les annĂ©es 1830, les Marseillais firent efficacement pression pour obtenir la conquĂȘte d’Alger et l’annexion de l’arriĂšre-pays. L’apport du Languedoc et du Roussillon fut dĂ©cisif entre 1870 et 1890 pour peupler la colonie de Français. ParallĂšlement, le sud de la France fut le territoire le plus fortement touchĂ© par l’intĂ©gration de la colonie et son assimilation. D’abord, l’émigration vers l’AlgĂ©rie fut une soupape pour relĂącher la pression exercĂ©e par la crise Ă©conomique et sociale du phylloxĂ©ra. Si le Midi souffrit bientĂŽt de la concurrence des viticulteurs algĂ©riens, celle-ci le rapprocha du centre mĂ©tropolitain en effet, les MĂ©ridionaux durent dĂ©fendre leurs intĂ©rĂȘts rĂ©gionaux Ă  Paris contre leurs rivaux mĂ©diterranĂ©ens, s’efforçant de marginaliser l’AlgĂ©rie au sein de la nation ainsi que, jadis, le Midi avait Ă©tĂ© marginalisĂ© en France. 37Nos observations montrent Ă  quel point la frontiĂšre du sud de l’Europe est mouvante. La limite mĂ©ridionale de la France, entre 1830 et 1962, fut placĂ©e tantĂŽt d’un cĂŽtĂ© de la MĂ©diterranĂ©e, tantĂŽt de l’autre. Ce flou des dĂ©finitions s’étendit aux individus vivant entre les deux espaces. Les EuropĂ©ens du sud qui s’installaient en AlgĂ©rie Ă©taient Ă  la fois des colonisĂ©s et des colonisateurs subaltern, hybrides, plusieurs fois dĂ©racinĂ©s et transplantĂ©s. MĂ©prisĂ©s et moquĂ©s en Europe, poussĂ©s hors de chez eux pour des raisons Ă©conomiques, ils refoulĂšrent Ă  leur tour les musulmans nord-africains. Comme la frontiĂšre de l’Europe, la pauvretĂ© septentrionale fut repoussĂ©e vers le sud. Cette pression changea d’ailleurs la composition du bas de l’échelle sociale la colonisation permit aux colons de grimper quelques Ă©chelons tandis que dĂšs les annĂ©es 1930, la misĂšre contraignit de nombreux MaghrĂ©bins Ă  l’émigration. 93 Je renvoie aux indications bibliographiques sur l’Italie et l’Espagne de la note 2. 38Dans le cas de la France et de l’AlgĂ©rie, les frontiĂšres entre colonie et mĂ©tropole, entre territoires extĂ©rieurs et intĂ©rieurs, furent suspendues entre 1848 et 1962. Cela les diffĂ©rencie des relations que d’autres rĂ©gions d’Europe mĂ©ridionale ont entretenues avec l’Afrique du Nord, par exemple l’Andalousie et le Maroc, ou encore l’Italie du Sud et la Libye. Mais lĂ  aussi, on a tentĂ© de dĂ©placer la limite de la nation plus vers le sud grĂące Ă  l’expansion impĂ©riale et coloniale. LĂ  encore, les rĂ©gions mĂ©ridionales ont Ă©tĂ© prises dans les dynamiques diffĂ©rentes de la construction nationale et de l’expansion coloniale elles se sont trouvĂ©es Ă  la jonction de la nation et de l’empire, entre les centres mĂ©tropolitains et les colonies nord-africaines en voie d’intĂ©gration93. On manque encore d’une comparaison systĂ©matique de ces relations coloniales mĂ©diterranĂ©ennes Ă  l’époque contemporaine. Nul doute qu’elle apporterait d’autres Ă©clairages sur les interactions entre les contextes politiques, sociaux et Ă©conomiques et nos reprĂ©sentations complexes du sud de l’Europe. Haut de page Notes 1 Ce texte est issu d’une communication prĂ©sentĂ©e au colloque international MĂ©ridionalitĂ© et insularitĂ©. L’invention d’une Europe du Sud xviiie-xxe siĂšcle », organisĂ© par Nicolas Bourguinat Ă  l’UniversitĂ© de Strasbourg, Maison des Sciences de l’Homme d’Alsace, le 21 janvier 2011. Je remercie les participants au colloque et les rapporteurs anonymes de la revue pour leurs importantes indications. Traduction SĂ©golĂšne Plyer. 2 Maria Todorova, Imagining the Balkans, Oxford, Oxford University Press, 1997 ; Jane Schneider dir., Italy’s Southern question ». Orientalism in one country, Oxford, Berg, 1998 ; John Dickie, Darkest Italy. The nation and stereotypes of the Mezzogiorno, 1860-1900, New York, St. Martin’s Press, 1999 ; Claudia Petraccone, Le due civiltĂ . Settentrionali e meridionali nella storia d’Italia dal 1860 al 1914, Rome-Bari, Laterza, 2000 ; Nelson Moe, The view from Vesuvius. Italian culture and the southern question, Berkeley, University of California Press, 2002 ; Frithjof Benjamin Schenk et Martina Winkler dir., Der SĂŒden. Neue Perspektiven auf eine europĂ€ische Geschichtsregion, Francfort-sur-le-Main, Campus, 2007. 3 Claudio SegrĂš, Fourth Shore. The Italian colonization of Libya, Chicago, University of Chicago Press, 1974 ; David Atkinson, Geopolitics, cartography and geographical knowledge envisioning Africa from Fascist Italy », dans Morag Bell dir., Geography and imperialism, 1820-1940, Manchester, Manchester UP, 1995, p. 265-297 ; Alexander Gall, Das Atlantropa-Projekt die Geschichte einer gescheiterten Vision. Hermann Sörgel und die Absenkung des Mittelmeers, Francfort-sur-le-Main, Campus, 1998 ; Thierry Fabre et Robert Ilbert dir., Les reprĂ©sentations de la MĂ©diterranĂ©e, 10 vol., Paris, Maisonneuve et Larose, 2000 ; Lilliana Ellena, Political Imagination, Sexuality and Love in the Eurafrican Debate », European Review of History / Revue europĂ©enne d’histoire, no 11-2, 2004, p. 241-272 ; Stefano Trinchese dir., Mare Nostrum. Percezione ottomana e mito Mediterraneo in Italia all’alba del 900, Milan, Guerini, 2005. 4 Edward W. Said, Orientalism. Western Conceptions of the Orient, New York, Penguin, 1992. 5 Manuel Borutta et Sakis Gekas dir., A Colonial Sea The Mediterranean, 1798-1956 », European Review of History / Revue europĂ©enne d’histoire, vol. 19, no 1, 2012, p. 1-13. 6 Voir par exemple Denise Pumain et al., France, Europe du Sud, Paris, Belin, 1990. 7 Charles-Victor de Bonstetten, L’homme du Midi et l’homme du Nord, GenĂšve, Paschoud, 1824, p. 54. Voir David Mendelson, The Idea of the Mediterranean in Early Nineteenth-Century French Literature », Mediterranean Historical Review, no 17, juin 2002, p. 25-48 ; Dieter Richter, Der SĂŒden. Geschichte einer Himmelsrichtung, Berlin, Wagenbach, 2009, p. 133-141. 8 Bernard Lepetit, Sur les dĂ©nivellations de l’espace Ă©conomique en France, dans les annĂ©es 1830 », Annales ESC, vol. 41, no 4-6, 1986, p. 1243-1272 ; du mĂȘme, Deux siĂšcles de croissance rĂ©gionale en France. Regard sur l’historiographie », dans Louis Bergeron dir., La croissance rĂ©gionale dans l’Europe mĂ©diterranĂ©enne, xviiie-xxe siĂšcle, Paris, Éditions de l’EHESS, 1992, p. 21-42 ; Emmanuel Le Roy Ladurie, Nord-Sud », dans Pierre Nora dir., Les lieux de mĂ©moire, vol. Paris, Gallimard, 1986, p. 117-140 ; Roger Chartier, La ligne Saint-Malo-GenĂšve », dans ibid., vol. Paris, Gallimard, 1992, p. 738-775 ; Michel Demonet, Tableau de l’agriculture française au milieu du xixe siĂšcle. L’enquĂȘte de 1852, Paris, Éditions de l’EHESS, 1990. Charles-Victor de Bonstetten, L’homme du Midi
, op. cit., p. 54. Sur l’image du Midi pendant la pĂ©riode rĂ©volutionnaire L’invention du Midi. ReprĂ©sentations du Sud pendant la pĂ©riode rĂ©volutionnaire », Amiras / RepĂšres occitans, no 15-16, 1987 ; Philippe Martel, Quand le Gascon fait la rĂ©volution. Images du MĂ©ridional », dans Maurice Agulhon dir., La RĂ©volution vĂ©cue par la Province. MentalitĂ©s et expressions populaires en Occitanie, BĂ©ziers, Centre International de Documentation Occitane, 1990, p. 197-207. 9 Alain Corbin, Paris-province », dans Pierre Nora dir., Les lieux de mĂ©moire
, op. cit., vol. p. 776-823 ; Maurice Agulhon, Le Centre et la pĂ©riphĂ©rie », dans ibid., p. 824-849 ; Jacques Revel dir., L’Espace français, Paris, Seuil, 2000. 10 Malte-Brun, Le Journal des dĂ©bats, 21 juillet 1823 ; Charles Dupin, Effets de l’enseignement populaire de la lecture, de l’écriture et de l’arithmĂ©tique, de la gĂ©omĂ©trie et de la mĂ©canique appliquĂ©es aux arts, sur les propriĂ©tĂ©s de la France, Paris, Bachelier, 1826, p. 27-28. 11 Charles Dupin, Forces productives et commerciales de la France, 2 vol., Paris, Bachelier, 1827, vol. 1, p. 1. 12 Adolphe d’Angeville, Essai sur la statistique de la population française considĂ©rĂ©e sous quelques-uns de ses rapports physiques et moraux, Paris, MSH, 1969 1re Ă©d. 1836, p. 127-129. 13 Des historiens comme Jean-Marc Olivier pour Toulouse et sa rĂ©gion ou Jean-Michel Minovez pour les rĂ©gions sub-pyrĂ©nĂ©ennes ont remis en question le sous-dĂ©veloppement » du Midi français, mettant en Ă©vidence un modĂšle de dĂ©veloppement particulier ou d’industrialisation qu’il serait bon d’inclure dans la rĂ©flexion sur les perceptions opposant Nord et Sud français. Voir Jean-Marc Olivier, Petites industries, grands dĂ©veloppements. France, Suisse, SuĂšde 1780-1930, Habilitation Ă  diriger des recherches, sous la direction de RĂ©my Pech, UniversitĂ© Toulouse 2-Le Mirail, 2008 ; Jean-Michel Minovez, Industrialisation et dĂ©sindustrialisation dans la France du Midi, xviie-xxe siĂšcle, Habilitation Ă  diriger des recherches, sous la direction de Jean-Claude Daumas, UniversitĂ© de Franche-ComtĂ©, 2008. 14 Eugen Weber, La fin des terroirs. La modernisation de la France rurale 1870-1914 », dans Eugen Weber, La France de nos aĂŻeux, Paris, Fayard, 2005 ; RĂ©my Pech, Entreprise viticole et capitalisme en Languedoc-Roussillon du Phylloxera aux crises de MĂ©vente, Toulouse, Publications de l’UniversitĂ© de Toulouse-Le Mirail, 1977. 15 Gascons et Auvergnats, Provençaux et Marseillais y furent reprĂ©sentĂ©s de façon diffĂ©rente mais Ă©galement stĂ©rĂ©otypĂ©e. Comparer avec Mario Wilhelm von Wandruszka Wanstetten, Nord und SĂŒd im französischen Geistesleben, Jena, Wilhelm Gronau, 1939 ; Georges Liens, Le stĂ©rĂ©otype du MĂ©ridional vu par les Français du Nord », Provence Historique, no 27-110, 1977, p. 413-431 ; Gaston Bazalgues, L’image du Midi dans les Carnets de Voyage d’H. Taine. Notes sur la Province 1863-1865 », Lengas, no 11, 1987, p. 87-95 ; Olivier Boura, Marseille ou la mauvaise RĂ©putation, Paris, ArlĂ©a, 2001. 16 Mario Wilhelm von Wandruszka Wanstetten, Nord und SĂŒd
, op. cit., p. 186-187. 17 Philippe Martel, Les fĂ©libres et leur temps. Renaissance d’oc et opinion, 1850-1914, Pessac, Presses universitaires de Bordeaux, 2010, p. 393-394, et 389-396 ; Georges Liens, Le stĂ©rĂ©otype du MĂ©ridional
 », art. cit., p. 429. 18 Eugen Weber, La fin des territoires
 », art. cit., p. 578. 19 Ibid., p. 656 n. 9. 20 Ibid., p. 579. 21 Thierry Fabre, La France et la MĂ©diterranĂ©e. GĂ©nĂ©alogies et reprĂ©sentations », dans Jean-Claude Izzo et Thierry Fabre dir., La MĂ©diterranĂ©e française, Paris, Maisonneuve et Larose, 2000, p. 13-152 ; Jean-Robert Henry, MĂ©tamorphoses du mythe mĂ©diterranĂ©en », dans Jean-Robert Henry et GĂ©rard Groc dir., Politiques mĂ©diterranĂ©ennes entre logiques Ă©tatiques et espace civil, Paris, Karthala, 2000, p. 41-56. 22 Marie-NoĂ«lle Bourguet et al. dir., L’invention scientifique de la MediterranĂ©e. Égypte, MorĂ©e, AlgĂ©rie, Paris, Éditions de l’EHESS, 1998 ; Daniel Nordman, La MĂ©diterranĂ©e dans la pensĂ©e gĂ©ographique française vers 1800-vers 1950 », dans Claude Guillot et al. dir., From the Mediterranean to the China Sea Miscellaneous Notes, Wiesbaden, Harrassowitz, 1998, p. 1-20. 23 Patricia M. E. Lorcin, Rome and France in Africa. Recovering Colonial Algeria’s Latin Past », French Historical Studies, no 25-2, 2002, p. 295-329. Voir, pour un point de vue opposĂ©, Martin Bernal, Black Athena. The Afroasiatic roots of classical civilization, Londres, Free Association Books, 3 vol., 1987-2006. 24 Émile-FĂ©lix Gautier, Les siĂšcles obscurs du Maghreb, Paris, Payot, 1927. 25 Patricia M. E. Lorcin, Imperial identities. Stereotyping, Prejudice and Race in colonial Algeria, Londres, Tauris, 1995, p. 118-195. 26 Jan C. Jansen, Die Erfindung des Mittelmeerraums im kolonialen Kontext. Die Inszenierungen des lateinischen Afrika’ beim Centenaire de l’AlgĂ©rie française », dans Frithjof Benjamin Schenk et Martina Winkler dir., Der SĂŒden
, op. cit., p. 175-205. 27 Ceci va Ă  l’encontre de Peregrine Horden et Nicholas Purcell, The Mediterranean and “the new Thalassology” », American Historical Review, no 111-3, 2006, p. 722-740, qui excluent la MĂ©diterranĂ©e moderne de l’historiographie mĂ©diterranĂ©enne, parce qu’elle ne montrait plus la mĂȘme unitĂ©, ni la mĂȘme continuitĂ©. Mais aux yeux des contemporains, la MĂ©diterranĂ©e n’a reprĂ©sentĂ© une unitĂ© que depuis la fin du xviiie siĂšcle. On peut donc critiquer Ă  bon droit le fait d’exclure prĂ©cisĂ©ment cette pĂ©riode de l’histoire mĂ©diterranĂ©enne ; bien au contraire, il importe de retrouver la gĂ©nĂ©alogie des topoi braudĂ©liens de l’unitĂ© mĂ©diterranĂ©enne, si prĂ©sents dans l’image de l’AlgĂ©rie française, en considĂ©rant la MĂ©diterranĂ©e moderne comme un espace colonial. Sur ce point, voir Manuel Borutta et Sakis Gekas dir., A Colonial Sea
, op. cit., p. 1-13. 28 Michel Chevalier, SystĂšme de la MĂ©diterranĂ©e », Le Globe, 20 janvier, 31 janvier, 5 fĂ©vrier, 12 fĂ©vrier 1832. 29 David Prochaska, Making Algeria French. Colonialism in BĂŽne, 1870-1920, Cambridge, Cambridge University Press, 1990 ; Jonathan Gosnell, The Politics of Frenchness in Colonial Algeria, 1930-1954, Rochester, University of Rochester Press, 2002 ; Benjamin Stora, Histoire de l’AlgĂ©rie coloniale, Paris, La DĂ©couverte, 2004. 30 Yann Scioldo-ZĂŒrcher, Devenir mĂ©tropolitain. Politique d’intĂ©gration et parcours de rapatriĂ©s d’AlgĂ©rie en mĂ©tropole 1954-2005, Paris, Éditions de l’EHESS, 2010, p. 55 sq. 31 Voir HĂ©lĂšne Blais et Florence Deprest, The Mediterranean, a territory between France and Colonial Algeria. Imperial constructions », dans Manuel Borutta et Sakis Gekas dir., A Colonial Sea
, op. cit., p. 33-57. 32 Le hĂ©ros un Don Quichotte provençal, fabule tant autour de la chasse au gros gibier en Afrique dans sa ville natale de Tarascon, qu’il doit finalement mettre ses dires en pratique et partir pour l’AlgĂ©rie. Bien qu’il s’y couvre encore plus de ridicule, on le fĂȘte Ă  son retour comme un hĂ©ros. Alphonse Daudet, Aventures prodigieuses de Tartarin de Tarascon, Paris, Flammarion, 1969. 33 Ibid., p. 60-61. 34 Ibid., p. 93-95, 97-98, 118. 35 Ibid., p. 102, 121. 36 Ibid., p. 97. 37 Ibid., p. 121. 38 Ibid., p. 90. 39 Ibid., p. 144. 40 Ibid., p. 161-162. 41 Ibid., p. 35, 62, 107. 42 Ibid., p. 65, 80. 43 Ibid., p. 83, 85. 44 Ibid., p. 81, 102. 45 Ibid., p. 91. 46 Ibid., p. 141-143. 47 Daudet, nĂ© Ă  NĂźmes, prit ses distances avec ses racines mĂ©ridionales dans Tartarin de Tarascon. Le succĂšs de ce roman lui ouvrit les portes de la sociĂ©tĂ© parisienne voir GeneviĂšve van den Bogaert, PrĂ©face », dans Alphonse Daudet, Aventures
, op. cit., p. 11-26 ; Anne Simon-Dufief, Daudet et l’AlgĂ©rie », dans Jeannine VerdĂšs-Leroux dir., L’AlgĂ©rie et la France, Paris, Laffont, 2009, p. 260-262. 48 Alphonse Daudet, Aventures
, op. cit., p. 157. Sur la lecture du roman par la colonie europĂ©enne en AlgĂ©rie, voir Françoise Henry-Lorcerie, Tartarin de Tarascon d’Alphonse Daudet », Revue algĂ©rienne des sciences juridiques, Ă©conomiques et politiques, no 11-1, 1974, p. 174-183. 49 L’intĂ©rĂȘt des textes littĂ©raires comme sources historiques a Ă©tĂ© analysĂ© dans l’ouvrage fondamental de David Prochaska, History as Literature, Literature as History Cagayous of Algiers », American Historical Review, no 101-3, 1996, p. 671-711. 50 Jacques Revel, Jeux d’échelles. La micro-analyse Ă  l’expĂ©rience, Paris, Gallimard, 1996. 51 Dans ce contexte, il est important d’évoquer les constructions opposĂ©es d’une MĂ©diterranĂ©e latine par FrĂ©deric Mistral, Charles Maurras, Louis Bertrand et les fascistes italiens d’un cĂŽtĂ©, et d’un universalisme mĂ©diterranĂ©en dĂ©veloppĂ© par les auteurs des Cahiers du Sud Gabriel Audisio, Jean Ballard, Albert Camus
 d’un autre cĂŽtĂ©. Sur ces dĂ©bats voir Thierry Fabre, La France et la MĂ©diterranĂ©e
 », art. cit., p. 53-90. 52 La CĂŽte d’Azur mondaine, objet de campagnes de publicitĂ© touristique dĂšs le xixe siĂšcle, et Nice, ville cosmopolite rattachĂ©e au royaume de Savoie jusqu’en 1860, occupent une place Ă  part dans cette conception du Midi Marc Boyer, L’hiver dans le Midi xviie-xxie siĂšcle. L’invention de la CĂŽte d’Azur, Paris, L’Harmattan, 2009 ; Ralph Schor, StĂ©phane Mourlane et Yvan Gastaut, Nice cosmopolite, 1860-2010, Paris, Autrement, 2010. La Corse aussi, du fait de son insularitĂ© et de ses Ă©changes intensifs avec l’AlgĂ©rie française, mĂ©riterait une Ă©tude particuliĂšre. 53 Archives municipales de Marseille, 13 F 1, Colonisation de l’AlgĂ©rie 1830-1839, Chambre des DĂ©putĂ©s. Session de 1828, opinion de M. de Roux, sĂ©ance du 13 mai 1828, p. 2-11. Voir Pierre Guiral, Marseille et l’AlgĂ©rie, 1830-1841, Gap, Ophrys, 1957. 54 Paul Masson, Marseille et la colonisation française. Essai d’histoire coloniale, Marseille, Barlatier, 1906 ; Chambre de Commerce et d’Industrie Marseille-Provence, Histoire du commerce et de l’industrie de Marseille, xixe-xxe siĂšcle, 15 vol., Marseille, Chambre de commerce et de l’industrie, 1986-2002 ; Hubert Bonin, Marseille et l’AlgĂ©rie », dans Jeannine VerdĂšs-Leroux dir., L’AlgĂ©rie et la France, op. cit., p. 563-566. 55 Marcel CourduriĂ© et Jean-Louis MiĂšge dir., Marseille colonial face Ă  la crise de 1929, Marseille, Chambre de commerce et d’industrie Marseille-Provence, 1991, p. 17. 56 Pascal Blanchard et Gilles BoĂ«tsch dir., Marseille, Porte Sud. Un siĂšcle d’histoire coloniale et d’immigration, Paris, La DĂ©couverte, 2005 ; Georges Aillaud et al. dir., DĂ©sirs d’ailleurs. Les expositions coloniales de Marseille 1906 et 1922, Marseille, Alors hors du temps, 2006. 57 Archives de la Chambre de Commerce de Marseille, ML 4-2-7-4, Migrations internationales, projet d’un village kabyle Ă  Marseille 1916-1917. 58 Pascal Blanchard et Gilles BoĂ«tsch dir., Marseille
, op. cit., p. 15-16. Sur l’histoire migratoire moderne de Marseille, voir l’ouvrage fondamental d’Émile TĂ©mime dir., Migrance. Histoire des Migrations Ă  Marseille, 5 vol., Cahors, Jeanne Laffitte, 2007. 59 Pascal Blanchard et Gilles BoĂ«tsch dir., Marseille
, op. cit., p. 16. Sur la question des reprĂ©sentations, voir aussi Marcel Roncayolo, L’imaginaire de Marseille. Port, ville, pĂŽle, Marseille, Chambre de Commerce et d’Industrie de Marseille, 1990 ; Olivier Boura, Marseille
, op. cit. ; Daniel Winkler, Transit Marseille. Filmgeschichte einer Metropole, Bielefeld, transcription, 2007. 60 Voir Ă  ce propos Julia Clancy-Smith, Mediterraneans. North Africa and Europe in an Age of Migration, c. 1800-1900, Berkeley, University of California Press, 2011, p. 88-90. 61 Émile Temime, La migration europĂ©enne en AlgĂ©rie au xixe siĂšcle. Migration organisĂ©e ou migration tolĂ©rĂ©e », Revue de l’Occident Musulman et de la MĂ©diterranĂ©e, no 43-1, 1987, p. 31-45, Claude Liauzu, Histoire des Migrations en MĂ©diterranĂ©e occidentale, Bruxelles, Éditions Complexe, 1996, p. 61-79. 62 Julia Clancy-Smith, Exotism, Erasures, and Absence. The Peopling of Algiers, 1830-1900 », dans Zeynep Çelik et al. dir., Walls of Algiers. Narratives of the City through Text and Image, Seattle, University of Washington Press, 2009, p. 19-61. 63 LĂ©on Poinsard, L’echec de la colonisation en AlgĂ©rie », Science Sociale, no 6, 1891, p. 453-482. 64 Auparavant, l’attribution de la citoyennetĂ© française aux Ă©trangers Ă©tait dĂ©jĂ  facilitĂ©e par le sĂ©natus-consulte de 1865. Sur l’histoire des naturalisations des EuropĂ©ens et des EuropĂ©ennes en AlgĂ©rie française voir Patrick Weil, Qu’est-ce qu’un Français ? Histoire de la nationalitĂ© française depuis la RĂ©volution, Paris, Grasset, 2002, chapitre 8 ; Jennifer E. Sessions, “L’AlgĂ©rie devenue française”. The naturalization of non-French colonists in French Algeria, 1830-1849 », Proceedings of the Western Society for French History. Selected papers of the annual meeting, no 30, 2004, p. 165-177. 65 MinistĂšre du Commerce, de l’Industrie, des Postes et des TĂ©lĂ©graphes, Direction du Travail, Statistique GĂ©nĂ©rale de la France. RĂ©sultats statistiques du dĂ©nombrement de 1896, Paris, Imprimerie nationale, 1899, p. 113. 66 Ibid., p. 116-117. 67 Hildebert Isnard, La vigne en AlgĂ©rie, Gap, Ophrys, 1951, vol. 1, p. 480-500 ; GeneviĂšve Gavignaud- Fontaine et al., Le Languedoc Viticole, la MĂ©diterranĂ©e et l’Europe au siĂšcle dernier xxe siĂšcle, Montpellier, Presses de l’UniversitĂ© Paul Valery - Montpellier III, 2000, p. 89-91. 68 Archives dĂ©partementales de l’HĂ©rault, 6 M 847-870, Population-Émigration. 69 Omar Bessaoud, Viticulture », dans Jeannine VerdĂšs-Leroux dir., L’AlgĂ©rie et la France, op. cit., p. 850-854. 70 Jean-Jacques Vidal, Vers la maturitĂ© 1839-1878 », dans Jean Sagnes dir., Histoire de SĂšte. Pays et villes en France, Toulouse, Privat, 1987, p. 179-213 ; Jean Sagnes, Mutations Ă©conomiques, stabilitĂ© de la population de 1878 Ă  nos jours », ibid., p. 215-241. 71 Jean Sagnes dir., La RĂ©volte du Midi viticole cent ans aprĂšs 1907-2007, Perpignan, Presses universitaires de Perpignan, 2007. 72 Eugen Weber, La fin des territoires
 », art. cit., p. 577. 73 EugĂšne Gross, Le Midi viticole contre l’AlgĂ©rie, Oran, Heintz, 1932. 74 Sur la croisade du Midi contre l’AlgĂ©rie » voir Charles-Robert Ageron, Histoire de l’AlgĂ©rie contemporaine, t. 2 1871-1954, Paris, PUF, 1979, p. 488-491. 75 Benjamin Stora, Pieds noirs », dans Sophie Dulucq et al. dir., Les Mots de la Colonisation, Toulouse, Presses universitaires du Mirail, 2008, p. 91. 76 Eugen Weber, La fin des territoires
 », art. cit. 77 Archives Nationales de France, Centre des Archives d’Outre-Mer, AlgĂ©rie, Gouvernement gĂ©nĂ©ral d’AlgĂ©rie, 32 L 12, Émigration en AlgĂ©rie, SociĂ©tĂ©s et groupements rĂ©gionaux en AlgĂ©rie 1903-1906. 78 Le Languedoc en AlgĂ©rie. Bulletin de la FĂ©dĂ©ration RĂ©gionale des Amicales de Langue d’Oc, Alger, juin 1941. 79 David Prochaska, Making Algeria French
, op. cit, p. 207. 80 Ibid., p. 224-226, 228-229. 81 Voir Anne-Marie Thiesse, Écrire la France. Le mouvement littĂ©raire rĂ©gionaliste de langue française entre la Belle Époque et la LibĂ©ration, Paris, PUF, 1991 ; Jean-François Chanet, L’école rĂ©publicaine et les petites patries, Paris, Aubier, 1996, 82 FĂ©lix DessoliĂšrs, De la fusion des races europĂ©ennes en AlgĂ©rie par les mariages croisĂ©s, Alger, Imprimerie orientale, 1899 ; Victor DemontĂšs, Le peuple algĂ©rien. Essais de la dĂ©mographie algĂ©rienne, Alger, Imprimerie algĂ©rienne, 1906 ; Claudine Robert-Guiard, Des EuropĂ©ennes en situation coloniale. AlgĂ©rie, 1830-1939, Aix-en-Provence, Publications de l’universitĂ© de Provence, 2009, p. 313. 83 Eugen Weber, L’hexagone », dans Pierre Nora dir., Les lieux de mĂ©moire, op. cit., vol. 2, p. 223-241. 84 Todd Shepard, The Invention of Decolonization. The Algerian War and the Remaking of France, Ithaca, New York, Cornell University Press, 2008, p. 109, 196-198. 85 Cette mĂ©diterranĂ©isation » de la culpabilitĂ© se retrouve chez Pierre Nora dans Les Français d’AlgĂ©rie, Paris, Julliard, 1961, et la critique de Todd Shepard, The Invention of Decolonization
, op. cit., p. 196-198. 86 Jean-Jacques Jordi, 1962. L’arrivĂ©e des Pieds noirs, Paris, Autrement, 1995. Sur l’agriculture, voir Françoise Brun, Les Français d’AlgĂ©rie dans l’agriculture du Midi mĂ©diterranĂ©en. Étude gĂ©ographique, Gap, Ophrys, 1976. 87 Naissance d’un village Carnoux », Cinq colonnes Ă  l’une, 7 octobre 1966, 1055-1122 ORTF ; Jean-Jacques Jordi, 1962
, op. cit., p. 102-113. 88 Françoise Brun, OĂč en est l’agrumiculture en Corse ? », MĂ©diterranĂ©e, no 8-3, 1967, p. 211-238. 89 Robert Ramsay, The Corsican Time-Bomb, Manchester, Manchester University Press, 1983 ; Dominici Thierry, Le nationalisme dans la Corse contemporaine », PĂŽle Sud, no 20, 2004, p. 97-112 ; Jean-Pierre Santini, Front de libĂ©ration nationale de la Corse. De l’ombre Ă  la lumiĂšre, Paris, L’Harmattan, 2010. 90 La position Ă  nouveau marginale du Midi par rapport au reste de la France des annĂ©es 1950-1960 serait Ă  nuancer, car on ne doit pas oublier la politique d’amĂ©nagement du territoire mise en place en France dans les annĂ©es 1950, la crĂ©ation des mĂ©tropoles rĂ©gionales d’équilibre oĂč les villes du sud sont surreprĂ©sentĂ©es, etc. Les revendications des rĂ©gionalistes doivent ĂȘtre mises en balance avec le dĂ©veloppement concomitant des villes mĂ©ridionales devenues aujourd’hui, dans l’imaginaire collectif et les rĂ©alitĂ©s statistiques, les plus attractives en termes dĂ©mographiques Toulouse, Bordeaux et Montpellier ont connu de forts taux de croissance de population ces derniĂšres annĂ©es. 91 Robert Lafont, La rĂ©volution rĂ©gionaliste, Paris, Gallimard, 1967 ; id., DĂ©coloniser la France. Les rĂ©gions Ă  face Ă  l’Europe, Paris, Gallimard, 1971. Sur l’importance de la thĂ©orie du colonialisme intĂ©rieur pour les mouvements rĂ©gionalistes français, voir Dirk Gerdes, Regionalismus als soziale Bewegung. Westeuropa, Frankreich, Korsika Vom Vergleich zur Kontextanalyse, Francfort-sur-le-Main, Campus, 1985, p. 119-130. 92 Eugen Weber, La fin des territoires
 », art. cit., p. 575-587. Sur la rĂ©ception controversĂ©e de son ouvrage en France et Ă  l’étranger, lire Miguel Cabo et Fernando Molina, The Long and Winding Road of Nationalization Eugen Weber’s Peasants into Frenchmen in Modern European History 1976-2006 », European History Quarterly, no 39-2, 2009, p. 264-286. 93 Je renvoie aux indications bibliographiques sur l’Italie et l’Espagne de la note de page Pour citer cet article RĂ©fĂ©rence papier Manuel Borutta, De la MĂ©ridionalitĂ© Ă  la MĂ©diterranĂ©e Le Midi de la France au temps de l’AlgĂ©rie coloniale », Cahiers de la MĂ©diterranĂ©e, 100 2020, 97-113. RĂ©fĂ©rence Ă©lectronique Manuel Borutta, De la MĂ©ridionalitĂ© Ă  la MĂ©diterranĂ©e Le Midi de la France au temps de l’AlgĂ©rie coloniale », Cahiers de la MĂ©diterranĂ©e [En ligne], 100 2020, mis en ligne le 15 dĂ©cembre 2020, consultĂ© le 28 aoĂ»t 2022. URL ; DOI Haut de page
\n plantation autour de la méditerranée en 10 lettres
Gazania‘Frosty Yellow’. Plantation : de juin Ă  octobre. Floraison : de juin Ă  octobre. Hauteur : 15 Ă  30 cm. Vous ne savez pas quelle plante choisir pour composer vos massifs ? DĂ©couvrez 13 plantes increvables, parfaites pour dĂ©corer le jardin. En extĂ©rieur, les massifs sont parfaits pour personnaliser le jardin.
14 plantes pour crĂ©er vos bordures nos idĂ©es PubliĂ© le 25/02/2014 - ModifiĂ© le 19/06/2020 Pour entourer, border ou sĂ©parer, adopter des plantes Ă  longue floraison, Ă  feuillage persistant ou dont l’intĂ©rĂȘt varie au fil des saisons. GoĂ»t, parfum, nectar ou feuillage leurs atouts sont multiples. Lien indispensable entre les parterres et les allĂ©es, les bordures donnent un aspect soignĂ© Ă  tout jardin. Autant qu’elles soient belles sans beaucoup d’entretien. Pour cela choisir en prioritĂ© des plantes au port dressĂ©, en boule ou Ă©talĂ©, mais naturellement bien dĂ©fini pour limiter les opĂ©rations de taille. RĂ©server les arbustes Ă  tailler pour les petites longueurs, le long de la façade de la maison par exemple. InstallĂ©es en nombre et Ă  portĂ©e de main, les plantes parfumĂ©es, comestibles ou non, apportent des atouts supplĂ©mentaires. Certaines diffusent seules leurs senteurs lors des journĂ©es chaudes ; pour d’autres, il suffit de froisser leur feuillage et leurs fleurs Ă  chacun de vos passages. Elles s’utilisent aussi bien au potager qu’au jardin d’ornement oĂč elles s’associent aux rosiers, aux arbustes et aux vivaces. L’hĂ©lichrysum La plante curry Helichrysum italicum, en rĂ©fĂ©rence Ă  l’odeur dĂ©gagĂ©e par son feuillage, offre aussi de jolis pompons jaunes en Ă©tĂ© et en automne. Elle trouve sa place dans un jardin de graviers, entre les dalles d’une terrasse, avec d’autres plantes aromatiques comme les lavandes, les santolines, les sauges ou les nĂ©pĂ©tas. Au top toute l’annĂ©e, le feuillage est persistant, mais il est moins beau en hiver. Sol TrĂšs bien drainĂ©, plutĂŽt pauvre et calcaire. Exposition et climat En plein soleil, dans un endroit chaud et sec. Elle craint l’humiditĂ© de l’air et du sol en hiver, ainsi que les grands froids. La mise en place Planter cette vivace en octobre dans les rĂ©gions Ă  climat doux, au printemps ailleurs. La plante s’élargit, prĂ©voir un espacement de 60 Ă  80 cm entre les pieds. Drainer les trous de plantation avec des graviers et ajouter si besoin du sable Ă  la terre. Le plus Ă©colo Cette espĂšce attire de nombreux insectes et en repousse certains autres, nuisibles, comme les aleurodes. A planter pour Le parfum. La santoline La santoline Ă  feuille de romarin Santolina rosmarinifolia dĂ©limite deux cĂŽtĂ©s d’un massif en triangle. Les fleurs colorĂ©es tranchent avec les coussins au feuillage aromatique. En Ă©tĂ©, les fleurs jaunes en pompon des santolines renouvelleront le dĂ©cor. Au top toute l’annĂ©e, le feuillage est persistant. Sol LĂ©ger et bien drainĂ©, mĂȘme pauvre et sec. Exposition et climat En plein soleil, en toutes rĂ©gions Ă  l’exception des zones les plus froides. Elle peut supporter jusqu’à environ – 12 °C. La mise en place Planter la santoline en octobre, en sol bien drainĂ© et en climat doux, sinon, attendre mars ou avril. Ouvrir, au choix, des trous tous les 50 cm ou bien une tranchĂ©e. Placer une couche de graviers pour amĂ©liorer le drainage. DĂ©poter les plantes, installer, reboucher et arroser. Le plus Ă©colo Les feuilles de la santoline possĂšdent une action insecticide. A planter pour Le parfum. La lavande La lavande vraie une gris-vert subtil et un parfum renversant. La lavande, la meilleure amie des butineurs. Il suffit de se rapprocher un peu pour profiter des senteurs de cette double rangĂ©e de lavande. Choisir une mĂȘme variĂ©tĂ© pour obtenir une bordure plus uniforme. Au top toute l’annĂ©e, le feuillage vert-gris est persistant et forme naturellement de jolies boules. Sol Bien drainĂ©, mĂȘme sec, de prĂ©fĂ©rence calcaire. Exposition et climat En plein soleil, en toutes rĂ©gions pour la lavande vraie. La mise en place Planter la lavande en octobre en rĂ©gions douces, en mars ou avril ailleurs. Les lavandes s’étaleront sur environ 1 m. Ouvrir des trous tous les 0,80 Ă  1 m. Y installer les pieds aprĂšs avoir bien humidifiĂ© les mottes. Reboucher, tasser et arroser. Le plus Ă©colo Les Ă©pis de fleurs sont trĂšs apprĂ©ciĂ©s par les butineurs qui y trouvent un abondant nectar, entre juin et aoĂ»t selon les variĂ©tĂ©s. A planter pour Le parfum. Un gĂ©ranium rustique Le gĂ©ranium Ă  grosse racine Geranium macrorrhizum couvre rapidement le sol grĂące Ă  ses rhizomes, sans ĂȘtre envahissant. L'utiliser pour ourler une allĂ©e ou le laisser s’étaler au pied des rosiers comme sur cette scĂšne. Son feuillage est aromatique quand on le froisse. Au top en juin, lors de la floraison, en Ă©tĂ© si le sol reste assez frais ; et en automne, le feuillage prend de belles teintes. Sol PlutĂŽt riche et frais, bien drainĂ©. Exposition et climat Au soleil non brĂ»lant ou Ă  la mi-ombre, en toutes rĂ©gions, ce gĂ©ranium est parfaitement rustique. La mise en place Planter le gĂ©ranium vivace en octobre ou en mars-avril, prĂ©parer l’emplacement et apporter un peu de compost bien dĂ©composĂ© en sol ordinaire. Installer un pied tous les 30 cm environ en tous sens. Le plus Ă©colo Les fleurs trĂšs nombreuses des gĂ©raniums vivaces attirent les abeilles. A planter pour Le nectar. La germandrĂ©e Une plante vivace mellifĂšre fleurie de juin Ă  septembre au feuillage persistant, idĂ©al dans un jardin mĂ©diterranĂ©en. La germandrĂ©e petit-chĂȘne Teucrium chamĂŠdrys prĂ©sente un port Ă©talĂ© car sa souche drageonne. Elle rĂ©siste parfaitement Ă  la sĂ©cheresse, moins au froid. Les briques de ces allĂ©es surchauffĂ©es en Ă©tĂ© ne lui font pas peur et apportent quelques degrĂ©s supplĂ©mentaires bienvenus en hiver. Au top de juin Ă  septembre, lors de la floraison en Ă©pis rose vif. Le feuillage, vert foncĂ©, est persistant. Sol LĂ©ger, bien drainĂ©, plutĂŽt pauvre et calcaire. Exposition et climat En plein soleil ou Ă  l’ombre lĂ©gĂšre, dans un endroit abritĂ© et en rĂ©gions pas trop froides. La mise en place Attendre plutĂŽt le printemps pour ameublir l'emplacement et allĂ©ger avec des graviers. Planter cette vivace en avril, Ă  raison d’un pied tous les 30 cm, sur deux ou trois rangs, en quinconce, pour obtenir une large bordure. Le plus Ă©colo Les fleurs violines sont trĂšs recherchĂ©es par les abeilles. A planter pour Le nectar. Le buis Un feuillage persistant pour une silhouette parfaite et des fleurs discrĂštes apprĂ©ciĂ©es des abeilles. Le buis Ă  bordure Buxus sempervirens Suffruticosa’ est parfait pour dĂ©limiter une plate-bande Ă©troite le long d’une façade. Votre entrĂ©e aura un air toujours soignĂ© et il s’associe Ă  de nombreuses plantes. Au top toute l’annĂ©e, le feuillage du buis est persistant. Sol PlutĂŽt riche et lourd, mais bien drainĂ©, pas trop sec en Ă©tĂ©. Exposition et climat Au soleil non brĂ»lant ou Ă  la mi-ombre, le buis est parfaitement rustique et il convient Ă  toutes nos rĂ©gions. La mise en place Planter une bordure de buis de novembre Ă  mars, hors pĂ©riode de gel pour le buis vendu Ă  racines nues. Ouvrir une tranchĂ©e et placer les jeunes buis Ă  5-10 cm en enterrant la base des tiges. Boucher, tasser et arroser. Le plus Ă©colo VerdĂątres et discrĂštes, les fleurs du buis sont pourtant trĂšs apprĂ©ciĂ©es des abeilles au printemps, Ă  condition de ne pas tailler la bordure trop tĂŽt. A planter pour Le nectar. L’hysope Au potager comme au jardin d'ornement, l'hysope, bien joli et bienfaisant, Ă  planter en octobre ou au printemps est le roi des bordures toute l'annĂ©e. L’hysope a sa place au potager, mais aussi au jardin d’ornement car ses fleurs sont dĂ©coratives. Vous pouvez mĂȘme alterner les couleurs, violet, rose et blanc pour rompre la monotonie de la bordure. Son parfum repousse la piĂ©ride du chou. Les feuilles facilitent la digestion et les fleurs agrĂ©mentent les salades. Au top toute l’annĂ©e, puisque le feuillage est persistant. Sol LĂ©ger, bien drainĂ©, mĂȘme sec, plutĂŽt calcaire et assez riche. Exposition et climat Lui choisir un emplacement en plein soleil ; il peut ĂȘtre cultivĂ© en toutes rĂ©gions. La mise en place Planter l'hysope en octobre ou au printemps. Écarter les pieds de 50 cm sur le rang. Apporter des graviers en sol lourd et mĂ©langer un peu de compost bien dĂ©composĂ© Ă  la terre d’origine. Le plus Ă©colo Les fleurs attirent les abeilles en Ă©tĂ© et en automne. A planter pour Le goĂ»t. Le thym Une vivace fleurie de mai Ă  juillet et un arĂŽme franc au jardin. Le thym est parfait en bordure dans un jardin du Midi ou du Sud-Ouest Ă©crasĂ© de soleil et de chaleur, mais trouve Ă©galement sa place ailleurs. Il forme de belles touffes dressĂ©es, animĂ©es par les fleurettes tendres et son feuillage est trĂšs aromatique. Au top toute l’annĂ©e car le feuillage est persistant. Sol PlutĂŽt lĂ©ger, bien drainĂ©, mĂȘme sec et calcaire. Exposition et climat En plein soleil, il est parfaitement rustique et prĂ©fĂšre une atmosphĂšre sĂšche plutĂŽt qu’humide. La mise en place Planter le thym en octobre, en mars ou en avril. Ameublir une bande de terre de 50 cm de largeur des deux cĂŽtĂ©s de l’allĂ©e. Ouvrir des trous tous les 30 cm, apporter des graviers en sol lourd. Installer les pieds sans trop les enterrer et arroser. Le plus Ă©colo Les fleurs s’épanouissent entre les mois de mai et de juillet ; elles attirent de nombreux insectes butineurs. A planter pour Le goĂ»t. Le romarin Une aromatique au feuillage persistant; des massifs parfumĂ©s toutes l'annĂ©e. TaillĂ©s au carrĂ©, ces romarins encadrent des plantes hautes au potager, haricots grimpants, tomates ou carottes car ils en repoussent la mouche. Au jardin, ils s’entendent fort bien avec les rosiers. Au top toute l’annĂ©e puisque le feuillage est persistant. Sol LĂ©ger, bien drainĂ©, mĂȘme calcaire, pas trop riche. Exposition et climat Au soleil, Ă  l’abri des vents et en dehors des rĂ©gions montagneuses, il n’est pas parfaitement rustique. La mise en place Planter le romarin en octobre ou en mars-avril. Tendre un cordeau et ouvrir une tranchĂ©e. Installer un pied tous les 40 Ă  50 cm, boucher, tasser et arroser. Tailler deux fois par an en augmentant peu Ă  peu la hauteur jusqu’à environ 80 cm. Le plus Ă©colo Les fleurs printaniĂšres bleues sont mellifĂšres, mais moins nombreuses quand le romarin est taillĂ©. A planter pour Le goĂ»t. Le lonicĂ©ra nitida Bien taillĂ©, le chĂšvrefeuille arbustif structure parfaitement massifs et bordures. Le lonicĂ©ra nitida c'est aussi un abri pour les auxiliaires du jardin . Les petites feuilles du lonicĂ©ra nitida Baggesen’s Gold’ apportent une touche tonique Ă  une bordure simple ou double, le long d’une allĂ©e. Cet arbuste est Ă©galement parfait pour dĂ©limiter diverses parties du jardin, sans le cloisonner, s’il est maintenu assez bas. Il doit ĂȘtre taillĂ© deux ou trois fois par an pour conserver une forme rectiligne. Au top toute l’annĂ©e, puisque le feuillage est persistant, mais les jeunes pousses sont plus dorĂ©es. Sol Tous, mĂȘme ordinaire et calcaire, frais Ă  sec. Exposition et climat Au soleil ou Ă  l’ombre lĂ©gĂšre, en toutes rĂ©gions pas trop froides. La mise en place Planter chĂšvrefeuille nitida en octobre-novembre ou en mars-avril, ouvrir une tranchĂ©e Ă  l’emplacement choisi. Placer les lonicĂ©ras tous les 60 Ă  80 cm de distance selon leur dĂ©veloppement. Refermer la tranchĂ©e en tassant la terre et arroser copieusement. Le plus Ă©colo En hiver, une haie d’arbustes Ă  feuillage persistant offre un gĂźte aux oiseaux du jardin. A planter pour Pour le feuillage. La fougĂšre On craque pour les frisettes de cette rustique au feuillage semi-persistant. La fougĂšre, c'est aussi un bien joli insecticide bio. Les fougĂšres sont rarement utilisĂ©es en bordure, et c’est bien dommage ! Cette scĂšne se reproduit facilement avec des dryoptĂ©ris affinis Cristata’ ou Cristata The King’ plantĂ©s devant une haie de fusains Ă  feuillage persistant panachĂ© de crĂšme. L’originalitĂ© de cette fougĂšre rustique est la forme frisĂ©e de l’extrĂ©mitĂ© des feuilles. Au top du printemps jusqu’à l’automne. Son feuillage est semi-persistant. Sol Frais toute l’annĂ©e, plutĂŽt riche et acide. Exposition et climat À l’ombre ou Ă  la mi-ombre, dans les rĂ©gions Ă  l’atmosphĂšre humide. La mise en place Planter la fougĂšre en octobre ou en avril-mai. Installer les fougĂšres plutĂŽt devant une jeune haie. Ouvrir des trous tous les 50 cm, plus grands que les contenants pour ajouter du compost. Humidifier les mottes, dĂ©poter les fougĂšres et placer les mottes de sorte que le haut affleure. Boucher, tasser et arroser copieusement. Le plus Ă©colo Les dryoptĂ©ris sont utilisĂ©s en jardinage biologique pour fabriquer un purin efficace contre des attaques de pucerons, mouches mineuses et acariens. A planter pour Pour le feuillage. AubriĂšte L'aubriĂšte Aubrieta spp. offre toute l’annĂ©e des tapis denses et sans entretien, hauts de 10 cm, au feuillage vert ou gris, couverts de fleurs lumineuses dans des tons bleus ou roses durant tout le printemps. Besoins Plante de rocaille, elle apprĂ©cie le soleil et les sols bien drainĂ©s, mĂȘme peu profonds et sableux, et plutĂŽt calcaires. Arroser en cas de sĂ©cheresse. Les tiges ayant tendance Ă  s’allonger dĂ©mesurĂ©ment, rabattre la touffe aprĂšs la floraison afin de conserver un port compact. Planter l'aubriĂšte en automne ou au printemps. BergĂ©nia Increvable et indĂ©modable, le bergĂ©nia Bergenia cordifolia embellit le jardin presque toute l’annĂ©e avec ses grandes feuilles vert brillant, rondes et coriaces, qui se teintent de rouge Ă  l’automne. Il pousse partout, s’étalant rapidement au fil des annĂ©es. En hiver, des hampes florales Ă©mergent de la touffe, portant des fleurs en clochette parfumĂ©es, blanches, roses ou rouges. Besoins Le bergĂ©nia pousse au soleil ou Ă  l’ombre lĂ©gĂšre Ă©viter l’ombre dense, oĂč il fleurit moins, tant en sol calcaire et sec qu’en sol humide. Planter le bergĂ©nia au printemps ou en automne. Une fois installĂ©, il ne demande plus aucun soin. Vergerette La vergerette Erigeron karvinskianus forme une touffe dense, haute de 20 cm, aux longs rameaux qui s’étalent rapidement, couverte du printemps aux gelĂ©es de petites fleurs semblables Ă  des pĂąquerettes blanches, qui rosissent en vieillissant. Elle se ressĂšme abondamment. Besoins Peu exigeante, la vergerette ne pousse qu’en sol bien drainĂ©, pauvre, plutĂŽt sec et caillouteux. Elle ne supporte pas l’humiditĂ© hivernale. Elle fleurira sans discontinuer si elle est installĂ©e au soleil. Rabattre la touffe Ă  10 cm du sol au printemps et aprĂšs la floraison.
Lecanal de Suez est une voie navigable artificielle d'environ 190 km de long traversant l'isthme de Suez, au nord-est de l'Égypte. Il relie la MĂ©diterranĂ©e au golfe de Suez ouvert sur la mer Rouge, sans aucune Ă©cluse, ce qui en fait le plus long canal du monde de ce type.Il Ă©tait encore, dans les annĂ©es 1970 au gabarit de 60 000 Tpl ((Tpl : le port en lourd 1 Le feu est-il une malĂ©diction funeste pour la forĂȘt mĂ©diterranĂ©enne, une sorte d’épĂ©e de DamoclĂšs qui provoquera tĂŽt ou tard sa disparition, comme semble l’affirmer le rapport d’EUROFOR de 1994 ? Doit-on l’assimiler Ă  une maladie incurable, rongeant petit Ă  petit les ressorts de la vie ? Le mal progresserait en plusieurs phases identifiĂ©es par Braun- Blanquet en 1934. D’aprĂšs le schĂ©ma bien connu de ce botaniste, repris dans la plupart des manuels traitant de la forĂȘt mĂ©diterranĂ©enne, les incendies transforment d’abord les belles futaies d’yeuses en forĂȘts claires et chĂ©tives. Puis, sous les assauts redoublĂ©s des flammes, les forĂȘts clairsemĂ©es se rĂ©duisent Ă  des Ăźlots boisĂ©s envahis par un maquis hirsute. La garrigue est la phase terminale de cette alopĂ©cie galopante du sol mĂ©diterranĂ©en. Lorsqu’elle disparaĂźt Ă  son tour, la garrigue cĂšde la place Ă  des versants rocailleux, dĂ©nudĂ©s et sans schĂ©ma trĂšs simplificateur de la dĂ©gradation de la forĂȘt mĂ©diterranĂ©enne a profondĂ©ment marquĂ© plusieurs gĂ©nĂ©rations de chercheurs pour qui le feu a Ă©tĂ© et demeure un redoutable ennemi. Cette approche catastrophiste de la problĂ©matique des incendies s’est traduite par une focalisation sur les excĂšs du climat mĂ©diterranĂ©en et sur la fragilitĂ© de la forĂȘt comme Ă©lĂ©ments d’explication. Il en dĂ©coule implicitement un vĂ©ritable procĂšs contre la nature mĂ©diterranĂ©enne, dont les caractĂšres si particuliers seraient responsables des feux. En substance, la nature mĂ©diterranĂ©enne porterait en elle les germes de sa propre destruction la sĂ©cheresse estivale rĂ©currente et l’inflammabilitĂ© de la vĂ©gĂ©tation entraĂźneraient le retour inĂ©luctable du feu. Les grands incendies de l’étĂ© 2003 qui ont affectĂ© le Sud-Ouest de l’Europe plus de 400 000 ha uniquement au Portugal, conjuguĂ©s aux effets d’une canicule des plus sĂ©vĂšres, semblent abonder dans ce sens. Doit-on pour autant cĂ©der Ă  la facilitĂ©, en contribuant Ă  instruire un dossier Ă  charge Ă  l’encontre d’une forĂȘt dont le gros dĂ©faut, en dĂ©finitive, est de brĂ»ler trop aisĂ©ment ?3 L’objectif de cet article est de remettre largement en cause ce modĂšle d’explication. La forĂȘt mĂ©diterranĂ©enne brĂ»le depuis des temps trĂšs reculĂ©s. Elle est pourtant toujours prĂ©sente dans le paysage. Le retour pĂ©riodique des feux est-il rĂ©ellement la consĂ©quence logique d’une nature ingrate, esclave d’une climatologie des extrĂȘmes ? Ne peut-on pas avancer d’autres Ă©lĂ©ments d’explication ? Notamment, quelle responsabilitĂ© attribuer aux sociĂ©tĂ©s humaines ? La politique de prĂ©vention, conduite depuis le xixe siĂšcle, est-elle adaptĂ©e et Ă  l’abri de toute critique ? L’actualitĂ© rĂ©cente fournit l’occasion d’une mise en perspective de cette rĂ©alitĂ© mĂ©diterranĂ©enne ancienne qui, pour Ă©viter le piĂšge du catastrophisme, doit ĂȘtre resituĂ©e dans sa dimension Ă©tĂ©s de braises et de cendres4 L’annĂ©e 2003, en France, restera dans les mĂ©moires comme l’une des plus dramatiques sur le plan des incendies de forĂȘt ». C’est par cette phrase que commence le bilan des feux de forĂȘt dans le Sud-Ouest de l’Europe en 2003, publiĂ© dans la revue Rendez-vous technique de l’ONF Gilbert, 2004, p. 18. Tout en comprenant l’émoi suscitĂ© par les images de dĂ©solation qu’inspirent les forĂȘts en flammes ou les bois carbonisĂ©s photo 1, on ne peut ĂȘtre que surpris par la dramatisation faite de ce bilan, rĂ©digĂ© par un responsable de la sous-direction des forĂȘts au ministĂšre de l’Agriculture. Dans une rĂ©gion mĂ©diterranĂ©enne pĂ©riodiquement affectĂ©e par les incendies, les feux de 2003 ont-ils Ă©tĂ© Ă  ce point exceptionnels ?Photo. 1ForĂȘt de chĂȘnes-liĂšges incendiĂ©e dans le massif des Maures en aoĂ»t 2003. Col du Bougnon, clichĂ© pris le 27 dĂ©cembre 2003 V. ClĂ©mentForĂȘt de chĂȘnes-liĂšges incendiĂ©e dans le massif des Maures en aoĂ»t 2003. Col du Bougnon, clichĂ© pris le 27 dĂ©cembre 2003 V. ClĂ©mentUne nouvelle offensive du feu5Les bilans avancĂ©s par les services forestiers des pays du Sud-Ouest de l’Europe font apparaĂźtre de fortes disparitĂ©s. Le Portugal est de loin le pays le plus dĂ©vastĂ© par les feux de l’étĂ© 2003, avec un total de 417 000 ha brĂ»lĂ©s tabl. 1. Il est suivi par l’Espagne 130 190 ha, la France 61 545 ha et l’Italie 58 902 ha. Ces chiffres ne concernent pas uniquement des superficies forestiĂšres puisqu’ils incluent aussi les surfaces couvertes de maquis ou de garrigues. En Italie par exemple, sur les 58 902 ha brĂ»lĂ©s, moins de la moitiĂ© 24 328 ha ont affectĂ© des forĂȘts. L’importance relative des feux en 2003 semble incontestable. Mais, en dehors du cas portugais, le bilan n’atteint pas des niveaux jusqu’à prĂ©sent 1Le bilan des incendies dans le Sud-Ouest de l’Europe en hectares, pĂ©riode 1993-2003AnnĂ©esEspagneFranceItaliePortugal199389 33111 901203 74949 963 1994437 63522 605136 33477 3231995143 4689 98848 884169 612199659 8143 11957 98888 867199798 50312 250111 23030 5351998133 64311 243155 553158 369199982 21712 78271 11770 6132000188 58618 860114 648159 604200166 07517 96576 42796 6672002107 4726 29940 768123 9102003103 19061 54558 902417 000Moyenne annuelle153 693 ha18 855 ha107 560 ha144 246 haLe bilan des incendies dans le Sud-Ouest de l’Europe en hectares, pĂ©riode 1993-20036 En France par exemple, 2003 est sans aucun doute une trĂšs mauvaise annĂ©e sur le front des incendies. Elle fait partie des huit annĂ©es les plus fortement touchĂ©es par le feu depuis 1977. Ce n’est pas pour autant une annĂ©e exceptionnelle. En 1989 et en 1990, le feu avait parcouru respectivement 56 871 ha et 53 897 ha, soit un ordre de grandeur comparable Ă  celui de 2003. La perception d’un bilan catastrophique en France est liĂ©e Ă  deux causes principales. La pĂ©riode antĂ©rieure est caractĂ©risĂ©e par une trĂšs nette accalmie. Au cours de la dĂ©cennie Ă©coulĂ©e, aucune annĂ©e n’a enregistrĂ© un total de superficies brĂ»lĂ©es supĂ©rieur Ă  23 000 ha. L’annĂ©e 2002 a Ă©tĂ© particuliĂšrement clĂ©mente seulement 1 677 dĂ©parts de feu ont Ă©tĂ© recensĂ©s. Ils ont parcouru 6 299 ha, soit une superficie trĂšs infĂ©rieure Ă  la moyenne dĂ©cennale 18 855 ha/an. Autre donnĂ©e d’importance, les feux de 2003 sont concentrĂ©s en majoritĂ© dans le Var 18 820 ha et en Haute-Corse 20 908 ha, qui totalisent 64,5 % des superficies incendiĂ©es en 2003. Or, les chiffres de 2002 sont incomparablement plus bas 173 ha dans le Var et 993 ha en Haute-Corse. Cette grande diffĂ©rence avec les annĂ©es antĂ©rieures et la rĂ©pĂ©tition des feux dans ces deux dĂ©partements se sont donc traduites par la perception d’un phĂ©nomĂšne exceptionnel, alors que l’annĂ©e 2003 a Ă©tĂ© moins dĂ©sastreuse que 1990 dans le Var 26 960 ha brĂ»lĂ©s.7En Espagne et en Italie, l’annĂ©e 2003 n’a rien non plus d’exceptionnel. On est encore loin des bilans catastrophiques de 1993 et de 1994, annĂ©es durant lesquelles plus de 200 000 ha en Italie et plus de 430 000 ha en Espagne ont Ă©tĂ© parcourus par les flammes. En dĂ©finitive, seul le bilan du Portugal est rĂ©ellement hors norme. Les 417 000 ha incendiĂ©s ont affectĂ© 4 % du territoire national, soit deux fois plus qu’en 1991, annĂ©e qui jusqu’à prĂ©sent dĂ©tenait le triste record des superficies brĂ»lĂ©es 182 486 ha chez nos voisins mythe du pyromahne fou8 Comment expliquer la recrudescence des feux de forĂȘt en 2003 ? Faut-il encore une fois invoquer avec fatalisme l’action prĂ©datrice des pyromanes, dont la fascination maladive pour le feu serait responsable du bilan de cet Ă©tĂ© ? Ou bien existe-t-il un lien mĂ©canique entre la canicule et les incendies ? On ne dira jamais assez qu’en forĂȘt mĂ©diterranĂ©enne les dĂ©parts de feu sont dans leur grande majoritĂ© d’origine humaine. La vĂ©gĂ©tation mĂ©diterranĂ©enne, bien que brĂ»lant facilement, ne s’enflamme pas toute seule. Contrairement Ă  d’autres forĂȘts dans le monde en particulier la taĂŻga, la foudre ne provoque qu’une faible proportion des Ă©closions d’incendies, le plus souvent moins de 5 %. Les Ă©ruptions volcaniques, autre cause naturelle possible des incendies de forĂȘt, sont rares autour de la MĂ©diterranĂ©e. L’homme est en rĂ©alitĂ© responsable de la plus grande partie des feux, dans des proportions qui varient entre 92 % et 98 % selon les pays concernĂ©s Velez, 2000 ; Colin et al., 2001 ; Porrero Rodriguez, 2001.9Tous les incendiaires ne sont pas des pyromanes pris subitement d’un coup de folie. Le plus souvent, les feux sont liĂ©s Ă  des nĂ©gligences ou des malveillances Alexandrian, Gouiran, 1992. MalgrĂ© les campagnes d’information, il est assez dĂ©solant de constater que les gestes d’incivilitĂ© jets de mĂ©gots, grillades en forĂȘt et autres bris de verre dĂ©clenchent encore et toujours des dĂ©parts de feux, notamment le long des autoroutes du Sud-Est de la France Esnault, 1995. Ces feux prennent rarement un caractĂšre catastrophique. Ils ont en revanche un effet indirect trĂšs nĂ©gatif en obligeant les services de lutte Ă  disperser leurs moyens sur le terrain. Les feux intentionnels sont beaucoup plus dĂ©vastateurs. Ils sont pensĂ©s, prĂ©parĂ©s, prĂ©mĂ©ditĂ©s pour crĂ©er le plus de dommage possible, notamment en allumant plusieurs dĂ©parts de feu simultanĂ©s un jour de grand vent. Les motifs de ces incendies volontaires ne manquent pas protestation contre la crĂ©ation d’un parc naturel, revendication politique contre le pouvoir central, opposition contre le reboisement d’anciens pĂąturages, conflit entre les chasseurs et d’autres utilisateurs de la forĂȘt, spĂ©culation sur la requalification d’espaces forestiers en terrains urbanisables, recherche d’emploi dans la lutte contre l’incendie ou dans les travaux de restauration, et la liste est encore longue Velez, 2000. Loin du mythe un peu naĂŻf du pyromane fou, les feux de forĂȘt sont donc largement rĂ©vĂ©lateurs des enjeux Ă©conomiques et des conflits pour la maĂźtrise de l’ chaleurs et vents violents 10Les alĂ©as mĂ©tĂ©orologiques jouent aussi leur rĂŽle en crĂ©ant des conditions plus ou moins favorables Ă  la propagation des feux, en particulier les coups de chaleur et les vents violents, comme nous l’a rappelĂ© la canicule de l’étĂ© 2003 dans le Sud-Ouest de l’Europe. Au Portugal, pays le plus affectĂ© par les incendies de forĂȘt, l’annĂ©e 2003 aura Ă©tĂ© l’une des plus chaudes du siĂšcle Ă©coulĂ©. Entre janvier et septembre 2003, la plupart des stations ont enregistrĂ© des tempĂ©ratures maximales supĂ©rieures Ă  la normale, exceptĂ© pour le mois de fĂ©vrier. La canicule a Ă©tĂ© Ă  la fois intense et exceptionnellement longue, puisqu’elle a sĂ©vi du 11 juillet jusqu’à la mi-aoĂ»t. Au mois d’aoĂ»t, les records de chaleur ont Ă©tĂ© battus dans huit stations portugaises, avec des valeurs atteignant ou dĂ©passant 39,5 °C. En France aussi les tempĂ©ratures maximales ont atteint des valeurs trĂšs Ă©levĂ©es dont les effets ont Ă©tĂ© amplifiĂ©s par le fort dĂ©ficit hydrique. Entre le 1er fĂ©vrier et le 18 aoĂ»t 2003, le Sud-Est de la France et la Corse n’ont reçu que 200 mm de prĂ©cipitations, soit un dĂ©ficit pluviomĂ©trique de 50 % par rapport Ă  la Toutefois, il n’y a pas toujours de corrĂ©lation stricte entre les conditions mĂ©tĂ©orologiques et les feux de forĂȘt. Dans le cas du Portugal, la figure 1 met en Ă©vidence les anomalies de tempĂ©ratures maximales enregistrĂ©es en aoĂ»t 2003. Le diffĂ©rentiel entre les moyennes des tempĂ©ratures maximales atteintes en aoĂ»t 2003 et celles calculĂ©es sur la pĂ©riode 1961-1990 est plus accentuĂ© dans les rĂ©gions de Lisbonne et du Tras os Montes. Dans ces deux rĂ©gions, les moyennes des tempĂ©ratures maximales normales, plus basses que dans les parties continentales et mĂ©ridionales du Portugal notamment dans l’Alentejo, ont Ă©tĂ© plus fortement dĂ©passĂ©es. Ce n’est pas pour autant lĂ  qu’il a fait le plus chaud cet Ă©tĂ©. Les records absolus de chaleur ont Ă©tĂ© sensiblement plus Ă©levĂ©s Ă  Evora 43 °C et Ă  Beja 45,4 °C qu’à Bragança 39,5 °C et Ă  Lisbonne 41,6 °C. Les secteurs les plus fortement incendiĂ©s ne recoupent que trĂšs partiellement les aires les plus affectĂ©es par l’effet canicule. Le large couloir central des grands incendies s’explique aussi par la conjonction de trois autres facteurs la circulation des vents dominants d’ouest en est, l’existence d’un axe autoroutier majeur entre Lisbonne, l’Espagne et le reste de l’Europe, et l’importance relative dans cette partie du Portugal des plantations d’eucalyptus trĂšs inflammables Arnould et al., 1997, p. 324.Fig. 1Feux de forĂȘt et canicule en aoĂ»t 2003 au Portugal une corrĂ©lation imparfaiteFeux de forĂȘt et canicule en aoĂ»t 2003 au Portugal une corrĂ©lation imparfaite12 Il n’y a donc pas de liens mĂ©caniques entre la canicule et les feux de forĂȘt. Quant Ă  Ă©tablir un lien Ă©ventuel entre les feux de 2003 et le changement climatique global, phĂ©nomĂšne sur lequel nous avons encore beaucoup d’incertitudes Leroux, 2002 ; Godard, 2001, il est difficile de se prononcer et cela pour plusieurs raisons. D’une part, la canicule de 2003 n’est pas un accident climatique isolĂ©. De tels coups de chaleur se reproduisent environ tous les 20 Ă  30 ans, les Ă©pisodes les plus marquants des 50 derniĂšres annĂ©es Ă©tant ceux de 1947, 1976 et 1983. Les climatologues de MĂ©tĂ©oFrance, qui ont analysĂ© la canicule de 2003, n’établissent aucun lien avec le changement climatique global Bessemoulin et al., 2004. D’autre part, le climat mĂ©diterranĂ©en est caractĂ©risĂ© par une forte variabilitĂ© inter-annuelle des tempĂ©ratures, y compris en Ă©tĂ© Douguedroit, 1997. Il serait donc pour le moins hasardeux de conclure que la canicule et les feux de l’étĂ© 2003 sont la consĂ©quence du changement climatique global, plutĂŽt qu’un alĂ©a mĂ©tĂ©orologique finalement assez banal autour de la l’essentiel n’est sans doute pas lĂ . La recherche scientifique sur les incendies de forĂȘt en MĂ©diterranĂ©e s’est trop appuyĂ©e sur le facteur climatique comme Ă©lĂ©ment explicatif, contribuant ainsi Ă  instruire un faux procĂšs contre la nature mĂ©diterranĂ©enne. La chaleur et le vent certes stimulent la propagation des feux, mais il faut rĂ©affirmer avec force qu’ils n’en sont pas la cause directe. Comme cela a Ă©tĂ© rappelĂ©, la trĂšs large majoritĂ© des Ă©closions d’incendies est d’origine humaine, et leur rĂ©pĂ©tition s’inscrit dans l’épaisseur du temps. Il semble par consĂ©quent nĂ©cessaire d’accorder une attention particuliĂšre Ă  la dimension historique du phĂ©nomĂšne retour d’un vieux dĂ©mon14Dans cette forĂȘt habitĂ©e depuis des millĂ©naires par les sociĂ©tĂ©s mĂ©diterranĂ©ennes, le feu est une rĂ©alitĂ© inscrite sur la longue durĂ©e. La mise en perspective historique de la problĂ©matique du feu est une clĂ© essentielle de comprĂ©hension du phĂ©nomĂšne. Si l’humanisation ancienne de la forĂȘt mĂ©diterranĂ©enne n’est plus Ă  dĂ©montrer, on ne peut que constater avec Ă©tonnement la raretĂ© des recherches historiques sur les incendies. Sans prĂ©tendre Ă  l’exhaustivitĂ©, essayons de retracer briĂšvement les principaux jalons de la relation ancienne entre la forĂȘt, le feu et les vĂ©gĂ©tation fille du feu 15La forĂȘt mĂ©diterranĂ©enne n’est certainement pas fragile, comme on peut le lire encore trop souvent. Elle possĂšde au contraire une surprenante vigueur si l’on songe aux nombreuses contraintes auxquelles elle doit faire face la sĂ©cheresse estivale, les coups de froid ou de chaleur, et bien entendu le feu. Les vĂ©gĂ©taux mĂ©diterranĂ©ens sont bien adaptĂ©s au retour pĂ©riodique des incendies. Leur aptitude innĂ©e Ă  la reconquĂȘte permet aux plantes de la MĂ©diterranĂ©e de resurgir des sols calcinĂ©s dĂšs la premiĂšre ou la seconde annĂ©e aprĂšs le passage d’un chĂȘne-liĂšge voir photo 1 en est l’un des meilleurs exemples grĂące Ă  son Ă©paisse Ă©corce subĂ©reuse, il renaĂźt trĂšs souvent de ses cendres. D’autres espĂšces, comme le pin d’Alep ou le pin brutia, ne sont pas seulement rĂ©sistantes au feu. Ce sont des pyrophiles actives qui favorisent les incendies car elles ont besoin de leur passage rĂ©gulier pour se reproduire. Les fortes tempĂ©ratures atteintes lors d’un incendie font Ă©clater les cĂŽnes, permettant ainsi l’essaimage des pignons. La teneur en rĂ©sine trĂšs inflammable des pins augmente fortement le risque d’incendie. De plus, ces conifĂšres propagent rapidement le feu par la projection de flammĂšches et de brandons. Les sautes de matiĂšres enflammĂ©es peuvent atteindre plus de 2 km dans le cas des pinĂšdes de pin d’Alep, entraĂźnant ainsi l’allumage de foyers secondaires dans au moins 40 % des cas Alexandrian, 2002. La vĂ©gĂ©tation des sous-bois favorise aussi les incendies. Les olĂ©astres, les pistachiers-tĂ©rĂ©binthes ou les lentisques contiennent des rĂ©sines ou des huiles trĂšs inflammables. Tous ces vĂ©gĂ©taux possĂšdent de surcroĂźt une partie ligneuse trĂšs dĂ©veloppĂ©e qui fournit au feu une grande quantitĂ© de matiĂšres Le caractĂšre pyrophile de la vĂ©gĂ©tation mĂ©diterranĂ©enne est le rĂ©sultat d’une longue Ă©volution qui remonte au moins au NĂ©olithique. L’intensification des incendies, liĂ©e au dĂ©veloppement des cultures et Ă  la nĂ©cessitĂ© d’ouvrir des espaces de pĂąturage pour les troupeaux domestiques, a largement contribuĂ© Ă  diffuser les chĂȘnes sempervirents et les pins mĂ©diterranĂ©ens, au dĂ©triment parfois de forĂȘts caducifoliĂ©es prĂ©existantes comme l’a dĂ©montrĂ© A. Durand 1998 pour le Languedoc. En Espagne, parmi les nombreux gisements anthracologiques analysĂ©s par Vernet 1997, p. 129, celui de la Cova de Cendres province d’Alicante est l’un des plus reprĂ©sentatifs de la transformation ancienne des paysages forestiers mĂ©diterranĂ©ens par le feu. Vers 7 500 BP, la vĂ©gĂ©tation de cette rĂ©gion ibĂ©rique se composait d’une chĂȘnaie verte, accompagnĂ©e par un chĂȘne caducifoliĂ© probablement le chĂȘne faginĂ©. L’exploitation de la chĂȘnaie, ainsi que la pratique de l’élevage et de l’agriculture, se sont traduites par une premiĂšre phase d’ouverture des peuplements vers 6 000 BP. L’utilisation du feu est signĂ©e par l’apparition de bio-indicateurs pyrophiles comme le pin d’Alep. La substitution de la chĂȘnaie par une pinĂšde Ă  pin d’Alep n’apparaĂźt qu’au dĂ©but du NĂ©olithique, entre 6 000 et 4 500 BP. Elle est liĂ©e en grande partie Ă  la multiplication des incendies d’origine humaine. La rĂ©pĂ©tition des feux durant le Chalcolithique et l’ñge du Bronze, entre 4 000 et 3 000 BP, a provoquĂ© l’expansion d’un matorral composĂ© de pyrophytes ciste, romarin, lavande, bruyĂšre multiflore au dĂ©triment de la La vĂ©gĂ©tation mĂ©diterranĂ©enne actuelle est ainsi largement la fille du feu. DĂšs la PrĂ©histoire, le feu a constituĂ© un moyen efficace d’amĂ©nagement des forĂȘts par les paysans du NĂ©olithique Arnould, 2002. La cohabition du feu, des hommes et de la forĂȘt s’est prolongĂ©e tout au long de l’histoire. Le feu n’était pas uniquement liĂ© aux activitĂ©s agricoles ou pastorales, comme en tĂ©moignent les auteurs de l’ feux antiques19Zeus, Jupiter ou Vulcain, ces dieux majeurs des thĂ©ogonies antiques nous rappellent que, dans la mythologie grecque ou latine, le feu est indissociable de la reprĂ©sentation de l’Univers. Avec l’air, l’eau, la terre, il en constitue un des Ă©lĂ©ments essentiels. Les auteurs antiques sont des tĂ©moins privilĂ©giĂ©s de leur temps. Beaucoup ont Ă©tĂ© Ă  la source des sciences modernes. Il est par consĂ©quent logique d’interroger leurs Ă©crits pour connaĂźtre l’importance et la diversitĂ© des feux aux origines de l’histoire autour de la MĂ©diterranĂ©e. Comment l’incendie Ă©tait-il apprĂ©hendĂ© ? Était-il considĂ©rĂ© comme un bienfait servant Ă  lutter contre une forĂȘt trop envahissante ? Ou Ă  l’inverse, Ă©tait-il perçu comme une calamitĂ© rĂ©currente qu’il fallait combattre ?20 D’aprĂšs les auteurs de l’AntiquitĂ©, le feu pouvait avoir trois origines diffĂ©rentes. Le plus souvent, ils associaient les feux spontanĂ©s Ă  des forces divines ou surnaturelles. Cependant, dans son traitĂ© De la nature, LucrĂšce 98-55 av. se dĂ©marque de cette vision des choses. Pour lui, le feu peut ĂȘtre provoquĂ© par le frottement des branches ou par la foudre Si pourtant un arbre branchu vacille sous les vents et ployant s’échauffe contre les branches d’un autre arbre, une Ă©tincelle jaillit par le frottement violent et parfois Ă©clate la ferveur ardente des flammes tandis que les branches et les troncs s’entrechoquent » De la nature, V. 1096-1100. Cette thĂ©orie du frottement des branches est une croyance ancienne, dĂ©jĂ  Ă©voquĂ©e par Thucydide 460-395 av. quatre siĂšcles auparavant La Guerre du PĂ©loponnĂšse, II. 77. Concernant la foudre, LucrĂšce explique longuement qu’elle n’est pas d’origine divine De la nature, VI. 379-422. Elle se produit par le choc des nuages ou par l’échauffement du vent, et s’écoule Ă  grande vitesse comme un fluide en brĂ»lant tout sur son passage. Les feux d’origine naturelle sont perçus comme un mauvais prĂ©sage ou comme une fatalitĂ©. Virgile 70-19 av. Ă©crit dans sa premiĂšre bucolique Ce malheur bien souvent, mais j’étais aveugle, nous a Ă©tĂ© prĂ©dit, je me rappelle maintenant, par les chĂȘnes atteints du feu cĂ©leste ». Mais plus loin, dans la septiĂšme bucolique, il avance une interprĂ©tation plus rationnelle, en associant de maniĂšre prĂ©cise le feu au solstice d’étĂ© et aux chaleurs ardentes de la saison estivale Les Bucoliques, p. 25 et p. 59.21 Le feu Ă©tait aussi une technique de guerre pour rĂ©duire un ennemi, au mĂȘme titre que le siĂšge ou l’assaut d’une citĂ©. Au cours des nombreuses batailles qui opposĂšrent les Perses et les Grecs, le feu s’est rĂ©vĂ©lĂ© ĂȘtre une arme redoutable. HĂ©rodote 484-420 av. raconte dans son enquĂȘte qu’en 498 av. lors de l’expĂ©dition des AthĂ©niens contre la citĂ© de Sardes Asie Mineure, la ville fut totalement ravagĂ©e par un incendie provoquĂ© par des jets de flĂšches enflammĂ©es EnquĂȘte, V. 99-102. Les Lydiens durent abandonner la ville et se rĂ©fugier dans les forĂȘts du mont Tmolos. La mĂȘme technique militaire Ă©tait utilisĂ©e dans les combats fratricides entre les citĂ©s grecques. Thucydide rapporte comment en 429 av. les PĂ©loponnĂ©siens ont incendiĂ© la ville de PlatĂ©e, dans l’Attique. Ils entassĂšrent des fagots de bois autour de la ville, puis y mirent le feu avec du soufre et de la poix enflammĂ©e Guerre du PĂ©loponnĂšse, II. 77. Ils ont ainsi provoquĂ© un incendie d’une extraordinaire violence. De tels brasiers, que seules les pluies pouvaient arrĂȘter, se propageaient souvent aux forĂȘts tous les feux d’origine humaine n’étaient pas inhĂ©rents Ă  l’art de la guerre. La troisiĂšme manifestation du feu chez les auteurs antiques est liĂ©e aux pratiques agro-pastorales. Lucain 39-65 ap. nous livre un tĂ©moignage sans ambiguĂŻtĂ© sur l’importance des feux pastoraux en Thessalie au Ier siĂšcle de notre Ăšre Ainsi, quand l’Apulien, s’apprĂȘtant Ă  faire pousser le gazon dans les plaines oĂč tout a Ă©tĂ© broutĂ© et Ă  renouveler les herbes d’hiver, Ă©chauffe la terre avec la flamme, on voit briller Ă  la fois Garganus et les champs de Vultur et les pacages brĂ»lants de Matinus » La Guerre civile, la Phrasale, IX. 180-186. Ces feux couvraient de vastes superficies qui ne se limitaient pas Ă  la plaine, puisque Lucain nous informe indirectement que les montagnes boisĂ©es d’Apulie Garganus, Vultur et Matinus Ă©taient aussi parcourues par les flammes. MalgrĂ© les dommages causĂ©s aux forĂȘts, cette pratique de rĂ©gĂ©nĂ©ration des pĂąturages par des brĂ»lis plus ou moins maĂźtrisĂ©s n’est pas dĂ©noncĂ©e par les agronomes latins. Dans les traitĂ©s d’agriculture de Columelle ier siĂšcle ap. ou de Palladius dates inconnues, ive siĂšcle ap. elle apparaĂźt comme une technique tout Ă  fait banale Columelle, II. 2 ; Palladius, IX. 4.23 Si le feu promĂ©thĂ©en a permis d’arracher l’humanitĂ© Ă  la vie sauvage, son utilisation n’a pas toujours Ă©tĂ© bĂ©nĂ©fique. Les feux guerriers ou pastoraux provoquĂšrent, dĂšs l’AntiquitĂ©, la ruine de certaines forĂȘts. Platon 427-347 av. dans le Critias, dresse un bref Ă©tat des lieux de l’Attique, en dĂ©plorant le dĂ©boisement des montagnes Critias, p. 532. À la place des vastes forĂȘts prĂ©existantes, Platon dĂ©crit un paysage de rochers dĂ©nudĂ©s, de champs pierreux dĂ©pourvus de terre vĂ©gĂ©tale et de sources taries. SinguliĂšrement, il en attribue la cause Ă  un mystĂ©rieux cataclysme, alors que l’usage du feu est plus certainement responsable de la dĂ©forestation et du ravinement de ces chasse aux incendiaires24 À partir du Moyen Âge, le fait le plus notable par rapport Ă  l’AntiquitĂ© est la prise de conscience du risque que reprĂ©sentent les incendies. Cela se traduit par l’adoption de lois visant Ă  dissuader les incendiaires. Le droit wisigoth en Espagne fut sans doute l’un des premiers Ă  assimiler l’incendie de forĂȘt Ă  un dĂ©lit. Dans le Fuero Juzgo de l’an 654, tout homme surpris Ă  brĂ»ler la forĂȘt Ă©tait condamnĂ© Ă  une amende et Ă  recevoir cent gifles livre VIII, titre III, alinĂ©a 2. Les mesures de protection des forĂȘts ont Ă©tĂ© reprises dans les textes de lois espagnols postĂ©rieurs Siete Partidas de 1263, Ordenamiento de AlcalĂĄ de 1325. Mais ces dispositions juridiques se rĂ©vĂ©lĂšrent peu efficaces. Lors des Cortes de Valladolid de 1351, Pedro Ier 1334-1369 dĂ©nonça les dĂ©gĂąts commis contre les forĂȘts ceux qui vivent dans les contrĂ©es des pinĂšdes et des yeuseraies les coupent et les brĂ»lent pour faire de nouvelles terres, et ainsi ils dĂ©truisent tout » Real Academia de Historia, Cortes de Valladolid, tome II, titre 61, p. 36. Pour Ă©viter de tels agissements, Pedro Ier durcit la lĂ©gislation. Les individus coupables d’avoir incendiĂ© la forĂȘt devaient ĂȘtre condamnĂ©s Ă  mesures avaient pour but de prĂ©venir les dommages causĂ©s par les incendies. En Sardaigne, la Charte de Logus, Ă©dictĂ©e en 1386 par Eleonora d’Arborea 1347-1404, contient plusieurs dispositions de prĂ©vention regroupĂ©es dans les Ordinamentos de foghu Scanu, 1991. D’aprĂšs l’article 49, les citoyens devaient participer Ă  la crĂ©ation et Ă  l’entretien d’un coupe-feu appelĂ© doha autour des villes et des villages, en Ă©liminant les herbes et les arbustes. Ce travail s’effectuait chaque annĂ©e, au dĂ©but du mois de juillet. Ceux qui ne participaient pas Ă  cette tĂąche collective Ă©taient tenus responsables en cas d’incendie. La peine encourue Ă©tait le paiement d’une amende et la perte de la main droite, voire la condamnation Ă  mort pour les incendies les plus Toutes ces mesures de lutte contre les incendies ont Ă©tĂ© reformulĂ©es Ă  maintes reprises Ă  l’époque moderne Amouric, 1992, p. 129-131. En France par exemple, la Chambre des eaux et forĂȘts du parlement d’Aix-en-Provence promulgua en 1602 un arrĂȘtĂ© faisant inhibitions ausdits propriĂ©taires et vsagers, de ne couper aucun bois pour le brusler sur les lieux, faire eyssarts pour conuertir la terre en labeur ». Cette prohibition est rĂ©itĂ©rĂ©e dans des termes presque identiques par deux autres arrĂȘtĂ©s du parlement d’Aix datant de 1633 et de 1659 archives dĂ©partementales de Digne, circulaires, arrĂȘtĂ©s et ordonnances d’Ancien RĂ©gime, liasse A2. L’ordonnance de Colbert de 1669 Ă©tend cette interdiction Ă  toutes les forĂȘts du royaume. En effet, l’article 32 du titre XXVII dĂ©fendait Ă  quiconque d’effectuer des brĂ»lages en forĂȘt ou dans les landes sous peine de chĂątiments corporels et du paiement d’une amende DevĂšze, 1962. Ces dispositions sont rappelĂ©es par le parlement d’Aix-en-Provence en 1706, 1763 et 1773 Amouric, 1992, p. 130. La rĂ©itĂ©ration de ces interdits dĂ©montre Ă  l’évidence leur inefficacitĂ©. À cela plusieurs explications la taille des superficies Ă  surveiller, la difficultĂ© de contrĂŽler l’activitĂ© des nombreux coureurs de bois qui exerçaient leur activitĂ© en forĂȘt bergers, charbonniers, gemmeurs, cueilleurs de plantes mĂ©dicinales
 ou encore le poids des usages et des xix e siĂšcle, l’entrĂ©e en scĂšne des nouveaux acteurs que sont les ingĂ©nieurs forestiers a permis sans doute une meilleure prise en compte du risque que reprĂ©sentait le feu dans les forĂȘts. Mais ce ne fut pas la fin des incendies, bien au contraire. L’appropriation souvent autoritaire de la gestion des forĂȘts par les diffĂ©rentes administrations forestiĂšres, au dĂ©triment des communautĂ©s rurales Kalaora, Savoye, 1986 ; Corvol, 1987 ; Bouisset, 1998 ; ClĂ©ment, 2002, s’est accompagnĂ©e d’une recrudescence des incendies. Le feu est devenu l’une des formes de protestation des ruraux contre la remise en cause de leurs droits sĂ©culaires Amouric, 1992, p. 117. Les reboisements effectuĂ©s par les services forestiers restauration des terrains de montagne en France, reboisement des baldios au Portugal, reboisements du patrimonio forestal en Espagne, suivis d’une interdiction stricte de tous les droits d’usage, attisĂšrent encore plus la colĂšre paysanne. Ainsi, dans la province de Soria en 1868, de grands incendies furent provoquĂ©s par les communautĂ©s rurales pour dĂ©noncer les nouvelles plantations de pins rĂ©alisĂ©es sur d’anciens terrains de parcours. Les services forestiers qualifiĂšrent ces actes d’attentats vandaliques » et de stupides vengeances », ne laissant par lĂ  mĂȘme aucun doute sur la nature protestataire de ces feux Breñosa, 1869. Les mĂȘmes causes produisirent les mĂȘmes effets dans les CĂ©vennes, Ă  partir des annĂ©es 1870 Cornu, 2003.28Au total, retenons deux idĂ©es simples de cette brĂšve mise en perspective historique. Tout d’abord, les feux sont loin d’ĂȘtre un phĂ©nomĂšne rĂ©cent. Toute l’histoire de la forĂȘt mĂ©diterranĂ©enne est traversĂ©e par le retour pĂ©riodique des incendies. Ensuite, les feux de forĂȘt ne sont pas le rĂ©sultat des caractĂ©ristiques particuliĂšres du milieu, postulat qui est pourtant au cƓur du procĂšs contre la nature mĂ©diterranĂ©enne instruit par tout un courant de recherche sur les incendies. La rĂ©pĂ©tition des feux est avant tout un fait culturel, inscrit dans un systĂšme de relations ambivalent entre la forĂȘt et les sociĂ©tĂ©s puisque le feu Ă©tait perçu soit comme un mode de gestion efficace par les communautĂ©s paysannes Grove, Rackham, 2001 ; Landsberg, 1997, soit comme un danger par les Ă©lites politiques. La prĂ©vention des incendies engagĂ©e depuis le xixe siĂšcle a-t-elle permis de rĂ©duire ce risque ?Les errances de la politique de prĂ©vention29DĂšs le xix e siĂšcle, en liaison avec l’apparition des diffĂ©rentes administrations forestiĂšres dans le Sud-Ouest de l’Europe, la lutte contre les incendies a Ă©tĂ© fondĂ©e sur un renforcement de la criminalisation des feux et sur le postulat d’une forĂȘt fragile et menacĂ©e. Cette approche de la problĂ©matique des feux, qui a perdurĂ© durant la plus grande partie du xxe siĂšcle, a non seulement orientĂ© la prĂ©vention des incendies vers une protection lourde contre les feux dĂ©clarĂ©s, mais elle a aussi constituĂ© l’essentiel de la politique forestiĂšre, au dĂ©triment d’une vĂ©ritable valorisation Ă©conomique de la forĂȘt mĂ©diterranĂ©enne. Était-ce la meilleure façon de prĂ©server cette forĂȘt anciennement habitĂ©e par les hommes ?Les effets pervers de la criminalisation des feux30La prĂ©vention moderne des incendies en forĂȘt mĂ©diterranĂ©enne remonte Ă  la seconde moitiĂ© du xixe siĂšcle. DĂšs 1865, Ch. de Ribbe posait les fondements de la lutte contre le feu dans son ouvrage intitulĂ© Des incendies de forĂȘts dans la rĂ©gion des Maures et de l’Esterel. Leurs causes. Leur histoire. Moyens d’y remĂ©dier. Ce livre prĂ©curseur, amplement diffusĂ© Ă  l’époque Chalvet, 2000, p. 235, fut le point de dĂ©part de la loi du 6 juillet 1870 sur la protection des forĂȘts des Maures et de l’Esterel que l’on appelait alors, de maniĂšre tout Ă  fait symptomatique, la rĂ©gion du feu ». La loi de 1870 Ă©nonça les principes essentiels de la lutte contre les incendies. Les solutions avancĂ©es Ă©taient assez comparables aux dogmes actuels lĂ©gifĂ©rer pour interdire tout brĂ»lage en forĂȘt, dĂ©broussailler les sous-bois, Ă©tablir un coupe-feu, promouvoir la crĂ©ation d’un service de lutte avec des agents spĂ©cialisĂ©s, Ă©lĂ©gamment baptisĂ©s les sapeurs des forĂȘts » Ribbe, 1865, p. 75-76 et p. 95.31 Tous les ingrĂ©dients de l’échec relatif de la lutte contre l’incendie Ă©taient dĂ©jĂ  rĂ©unis. Comme le soulignent Grove et O. Rackham, la criminalisation du feu au cours de l’histoire n’a jamais Ă©tĂ© d’aucune efficacitĂ© pour protĂ©ger les forĂȘts mĂ©diterranĂ©ennes Groves, Rackham, 2001, p. 229. Elle est de plus assez contradictoire avec la nĂ©cessitĂ© de dĂ©broussailler les sous-bois, ce qui traditionnellement a Ă©tĂ© effectuĂ© par les feux paysans occupational burning. Au xixe et durant la premiĂšre moitiĂ© du xxe siĂšcle, la limitation drastique des droits d’usage par les diffĂ©rentes administrations forestiĂšres a largement contribuĂ© Ă  ruiner l’économie agro-sylvo-pastorale des arriĂšres-pays mĂ©diterranĂ©ens et Ă  accĂ©lĂ©rer leur baisse L’exemple des Maures et de l’Esterel est particuliĂšrement rĂ©vĂ©lateur de l’impasse dans laquelle s’est durablement Ă©garĂ©e la politique de prĂ©vention. À la suite des grands incendies de forĂȘt de 1877 dans ces massifs, l’ingĂ©nieur forestier A. de Guiny, en poste dans le Var, exprimait dĂ©jĂ  et sans rĂ©serves les limites de la loi de 1870 On doit, en effet, se demander si la loi nouvelle n’est pas inefficace, si les travaux entrepris dans les forĂȘts de l’État n’ont pas Ă©tĂ© inutiles, en un mot, si l’impossibilitĂ© de lutter contre les incendies des forĂȘts du Var n’est pas dĂ©finitivement dĂ©montrĂ©e » Guiny, 1877, p. 513. Le principal obstacle soulignĂ© par A. de Guiny est l’inapplicabilitĂ© du dĂ©broussaillement, en raison de son coĂ»t trĂšs Ă©levĂ© dans un espace ayant subi un fort exode rural. En 1886, le docteur F. Depelchin a consacrĂ© tout un chapitre sur les feux des Maures et de l’Esterel dans son ouvrage sur les ForĂȘts de la France. Le livre a Ă©tĂ© favorablement commentĂ© par l’ingĂ©nieur forestier Le Grix dans la Revue des Eaux et ForĂȘts Le Grix, 1886. F. Depelchin critiquait lui aussi la lĂ©gislation contre les incendiaires de 1870 et pointait du doigt l’écueil majeur que reprĂ©sente l’absence de toute valorisation Ă©conomique de la forĂȘt La mĂ©thode vĂ©ritablement curative consisterait Ă  dĂ©velopper rationnellement, Ă  amĂ©liorer, Ă  encourager la culture et les industries forestiĂšres dans la rĂ©gion des Maures et de l’Esterel [
]. C’est Ă  ce prix et par ce moyen que les incendies ne seront plus Ă  redouter » Depelchin, 1886, p. 363. En 1933, dans son livre sur l’Homme et la forĂȘt, P. Deffontaines dressa un bilan alarmiste de la progression des incendies dans les Maures et l’Esterel entre 1880 et 1929. Les feux ont en effet parcouru 35 000 ha entre 1880 et 1900, 55 000 ha entre 1900 et 1915, 143 000 ha entre 1915 et 1929. P. Deffontaines Ă©tablissait alors un lien direct entre l’augmentation des feux et l’abandon des terres Cette progression funeste s’explique par la disparition de cultures qui coupaient autrefois les massifs, opposant des obstacles Ă  la marche des flammes. Le pays se dĂ©peuple, les cultures reculent ; ici, bien loin que ce soit les boisements qui en profitent, c’est le feu qui trouve un milieu plus favorable » Deffontaines, 1933, p. 158.33 Au lieu de dĂ©velopper l’économie forestiĂšre, la multiplication des interdits a non seulement ruinĂ© le systĂšme agro-sylvo-pastoral traditionnel, mais elle a de surcroĂźt conduit Ă  une dangereuse perte de lien social entre la forĂȘt et les populations autochtones. La remise en cause de la gestion paysanne de la forĂȘt et l’exode vers les villes ont eu des effets contre-productifs. Au fil du temps, la densification du couvert vĂ©gĂ©tal, le vieillissement des taillis, la reconquĂȘte arbustive des sous-bois et l’accumulation de bois morts liĂ©e Ă  la rĂ©duction des prĂ©lĂšvements, ont augmentĂ© la prĂ©sence de matiĂšre combustible dans les forĂȘts mĂ©diterranĂ©ennes du Sud-Ouest de l’Europe. Les choix en matiĂšre de politique de lutte contre les incendies au xixe siĂšcle, en grande partie responsables de l’état actuel des forĂȘts, ont fortement augmentĂ© la vulnĂ©rabilitĂ© de la forĂȘt mĂ©diterranĂ©enne en rompant l’équilibre instable qui s’était instaurĂ© entre les communautĂ©s paysannes et le milieu forestier. Le problĂšme du dĂ©brousaillement des forĂȘts est toujours d’actualitĂ©, et il est loin d’ĂȘtre prĂ©supposĂ© de la forĂȘt en danger34L’autre idĂ©e hĂ©ritĂ©e du xixe siĂšcle servant encore Ă  lĂ©gitimer la lutte contre le feu est celle d’une forĂȘt en danger. Les assauts rĂ©pĂ©tĂ©s des flammes entraĂźneraient inĂ©luctablement la disparition de la forĂȘt mĂ©diterranĂ©enne EUROFOR, 1994. Ce postulat erronĂ© va souvent de pair avec une vision misĂ©rabiliste de la forĂȘt mĂ©diterranĂ©enne, inlassablement qualifiĂ©e de dĂ©gradĂ©e, fragile ou chĂ©tive. Si tel Ă©tait le cas, pourquoi engager autant de moyens pour protĂ©ger une forĂȘt ayant perdu toute valeur Ă©cologique ou paysagĂšre ?35 Au-delĂ  de cette vision catastrophiste, assimilant le feu Ă  une menace permanente pour la forĂȘt, on peut opposer un point de vue diffĂ©rent. Le feu n’a pas que des effets nĂ©gatifs. Les traits si originaux de la forĂȘt mĂ©diterranĂ©enne, notamment sa composition floristique et ses mosaĂŻques paysagĂšres, sont largement tributaires d’une histoire rythmĂ©e par le retour pĂ©riodique du feu. Le passage des incendies permet de conserver des milieux ouverts, maquis ou garrigues, qui constituent un vĂ©ritable conservatoire de la biodiversitĂ© mĂ©diterranĂ©enne MĂ©dail, Quezel, 1997. Du point de vue de la dynamique forestiĂšre, M. Barbero, P. Quezel et R. Loisel ont dĂ©montrĂ© que l’incendie Ă©tait une perturbation indispensable Ă  la rĂ©gĂ©nĂ©ration de la forĂȘt mĂ©diterranĂ©enne Barbero et al., 1990 ; ClĂ©ment, 1999. À long terme, l’absence totale de feu rĂ©duirait considĂ©rablement la prĂ©sence des espĂšces pionniĂšres et pyrophiles, ce qui aurait pour effet de limiter les capacitĂ©s de rĂ©silience de la forĂȘt d’ĂȘtre menacĂ©e par le retour pĂ©riodique des incendies, la forĂȘt mĂ©diterranĂ©enne est en pleine expansion depuis le xix e siĂšcle. Elle recolonise les espaces progressivement abandonnĂ©s par l’agriculture ou par l’élevage dans les arriĂšre-pays mĂ©diterranĂ©ens du Sud-Ouest de l’Europe. Ainsi, dans les PrĂ©alpes du Sud, les surfaces forestiĂšres ont Ă©tĂ© multipliĂ©es en moyenne par trois depuis un siĂšcle Vallauri, 1997, p. 336. Les reboisements en pin noir d’Autriche effectuĂ©s par les services de Restauration des terrains de montagne RTM ne reprĂ©sentent qu’une faible part de cette reconquĂȘte forestiĂšre moins de 5 %. Pour D. Vallauri, celle-ci est surtout le fait d’une dynamique spontanĂ©e, engendrĂ©e par la dĂ©prise rurale. Le retour de la forĂȘt se poursuit de nos jours au cours des dix derniĂšres annĂ©es, la forĂȘt mĂ©diterranĂ©enne française a progressĂ© de 11 % ClĂ©ment, 1999 ; ClĂ©ment, Jappiot, 2005. Il ne s’agit pas uniquement de formations pionniĂšres. On assiste aussi par endroits Ă  un retour de chĂȘnes caducifoliĂ©s, notamment le chĂȘne pubescent sur le versant mĂ©ridional de la montagne de Lure. Ce n’est pas un cas spĂ©cifique Ă  la France. Le chĂȘne faginĂ© en Espagne, le chĂȘne pyrĂ©nĂ©en au Portugal et le chĂȘne chevelu en Italie reconquiĂšrent aussi des territoires perdus au dĂ©triment des chĂȘnes sempervirents Simon, 1997, p. 179.37 La diabolisation du feu est par consĂ©quent un non-sens, tant du point de vue de la biodiversitĂ© que de la dynamique forestiĂšre. La crainte qu’il suscite tient surtout Ă  la modification de la perception du phĂ©nomĂšne. Autrefois, le feu entrait dans le registre des pratiques habituelles et assumĂ©es par les populations locales, mĂȘme si par ailleurs il Ă©tait dĂ©noncĂ© par les Ă©lites politiques et par les forestiers. Aujourd’hui, dans nos sociĂ©tĂ©s ultra-sĂ©curitaires et urbaines, le feu est toujours vĂ©cu comme un Ă©chec, une crise, une menace. Plus que par rapport Ă  la forĂȘt, la lutte contre les incendies trouve sa lĂ©gitimitĂ© dans la protection des biens et des personnes qui ont rĂ©cemment investi le milieu forestier. Il s’agit bien souvent de nĂ©o-ruraux, installĂ©s temporairement ou durablement rĂ©sidences secondaires, retraitĂ©s, rurbains, sans avoir de liens rĂ©els avec le milieu forestier. Ces nouveaux habitants de la forĂȘt n’ont pas de mĂ©moire du risque. La forĂȘt est pour eux un simple dĂ©cor. Elle symbolise une libertĂ© retrouvĂ©e face Ă  l’espace de contrainte que constitue la ville, au mĂȘme titre que les riviĂšres dont la proximitĂ© est recherchĂ©e malgrĂ© le risque d’inondation Vanssay, 2003, p. 54. La progression de l’urbanisation autour des grandes villes mĂ©diterranĂ©ennes et le mitage de la forĂȘt par les villas dans les espaces touristiques littoraux n’ont pas créé la problĂ©matique du feu. En revanche, ils ont assurĂ©ment ouvert un nouveau front d’incendies en multipliant les interfaces forĂȘt-urbanisation. Cela ne signifie pas que le risque d’incendies ait disparu des espaces ruraux. En 2003, le dĂ©partement de Haute-Corse, en grande partie rural, a Ă©tĂ© le plus touchĂ© des dĂ©partements français prĂšs de 21 000 ha brĂ»lĂ©s, contre seulement 2 308 ha dans les Bouches-du-RhĂŽne.Les nouvelles orientations de la lutte contre l’incendie38Depuis deux dĂ©cennies, on assiste Ă  une formidable mobilisation scientifique, juridique et technique pour lutter contre le feu. Le premier forum international sur les stratĂ©gies de prĂ©vention des incendies dans les forĂȘts du Sud de l’Europe, qui s’est tenu Ă  Bordeaux du 31 janvier au 2 fĂ©vrier 2002, tĂ©moigne de la mobilisation sans prĂ©cĂ©dent de la recherche dans ce domaine Union des sylviculteurs du Sud de l’Europe et al., 2002. Au-delĂ  de la mise en Ɠuvre d’approches sophistiquĂ©es SIG, tĂ©lĂ©dĂ©tection, modĂ©lisation mathĂ©matique pour identifier les zones Ă  risque, modĂ©liser la dynamique des feux, Ă©tudier l’inflammabilitĂ© des vĂ©gĂ©taux ou Ă©tablir des prĂ©visions mĂ©tĂ©orologiques plus fines, ce qui retient le plus l’attention est la redĂ©couverte de mĂ©thodes de gestion traditionnelles. Les brĂ»lages dirigĂ©s, l’introduction de troupeaux dĂ©broussailleurs ou encore la reconstitution de mosaĂŻques paysagĂšres rappellent Ă©trangement les formes de gestion paysanne de la forĂȘt tant dĂ©criĂ©es auparavant. Les plans de prĂ©vention intĂšgrent de plus en plus ces diffĂ©rents aspects, dans une vision plus large d’amĂ©nagement du territoire Delannoy, Viret, 2003, p. 67.39 L’exemple de la politique de lutte contre les incendies menĂ©e dans les PyrĂ©nĂ©es-Orientales illustre parfaitement cette Ă©volution. Avant 1990, la stratĂ©gie adoptĂ©e fonctionnait en vase clos elle Ă©tait conçue par des forestiers, sur un domaine forestier, avec des moyens forestiers » Bourgoin, 2002. Cet esprit de corps, faisant de la forĂȘt le domaine rĂ©servĂ© des forestiers, s’est traduit par une orientation lourde de lutte contre les incendies dĂ©clarĂ©s. Les amĂ©nagements DFCI DĂ©fense des forĂȘts contre l’incendie tĂ©moignent de cette orientation. Ils se limitent Ă  trois types d’équipements les pistes d’accĂšs, les pare-feu 25 m de part et d’autre d’une piste et les points d’eau. Ces amĂ©nagements sont principalement destinĂ©s aux interventions d’urgence, sans pour autant apporter de rĂ©ponse durable Ă  la problĂ©matique du feu. De plus, les pĂ©rimĂštres DFCI, conçus d’abord pour lutter contre les incendies dans les Landes, ont Ă©tĂ© Ă©tendus aux rĂ©gions mĂ©diterranĂ©ennes oĂč ils se sont rĂ©vĂ©lĂ©s peu efficaces en raison principalement des difficultĂ©s d’accessibilitĂ© relief plus accidentĂ© et du morcellement de la propriĂ©tĂ© forestiĂšre. À partir de 1990, les responsables de la Direction dĂ©partementale de l’agriculture et de la forĂȘt DDAF des PyrĂ©nĂ©es-Orientales ont essayĂ© d’apprĂ©hender la prĂ©vention contre les incendies dans une approche plus globale d’amĂ©nagement de l’espace rural. À la place des pare-feu de dimension rĂ©duite et dont l’entretien engloutissait des moyens financiers colossaux passage des dĂ©broussailleuses tous les 3 ou 4 ans, de grandes coupures pastorales ont Ă©tĂ© créées au dĂ©but des annĂ©es 1990 dans les subĂ©raies du piĂ©mont des AlbĂšres. Cela a permis de protĂ©ger plus efficacement la forĂȘt, tout en assurant le redĂ©marrage de l’exploitation du liĂšge et en offrant aux Ă©leveurs de nouvelles aires de Les Plans de prĂ©vention des forĂȘts contre l’incendie PPFCI, instaurĂ©s en France par la loi du 9 juillet 2001, traduisent la mĂȘme volontĂ© de dĂ©passer le strict amĂ©nagement des forĂȘts pour lutter contre l’incendie. L’une des innovations des PPFCI est de ne plus se limiter au cadre communal. En effet, les PPFCI doivent ĂȘtre Ă©laborĂ©s pour chaque massif forestier, indĂ©pendamment des divisions administratives Delannoy, Viret, 2003. L’autre nouveautĂ© de la loi de 2001 est d’impliquer plus largement les Ă©lus locaux dans un systĂšme d’acteurs trĂšs pyramidal, avec un rĂŽle prĂ©pondĂ©rant de l’État. Cette Ă©volution est cependant limitĂ©e. Les Ă©lus locaux ont un poids dĂ©cisionnel encore trĂšs discret dans la politique de lutte contre les incendies. En revanche, ils ont des obligations nouvelles. Les maires sont tenus de faire respecter le dĂ©broussaillement de la loi de 2001. Ils sont en particulier chargĂ©s d’établir un Plan intercommunal de dĂ©broussaillement et d’amĂ©nagement des forĂȘts PIDAF. Les actions entreprises dans le cadre des PIDAF sont financĂ©es entre 80 % et 100 % par l’État. Si la loi de 2001 va dans le bon sens, les mesures envisagĂ©es sont encore bien timides. Pour lutter plus efficacement contre les incendies, la plupart des spĂ©cialistes s’accordent aujourd’hui sur la nĂ©cessitĂ© de revitaliser l’économie forestiĂšre, de redonner aux forĂȘts mĂ©diterranĂ©ennes leur vocation multifonctionnelle, et de dĂ©velopper la gestion participative de ces milieux anciennement humanisĂ©s AIFM, 2002.Conclusion41 Ainsi, plutĂŽt que de dresser un procĂšs contre la nature mĂ©diterranĂ©enne, en invoquant avec un certain fatalisme les excĂšs du climat ou la prĂ©tendue fragilitĂ© de la forĂȘt mĂ©diterranĂ©enne, il serait sans doute plus rationnel d’admettre que le feu est une rĂ©alitĂ© ancienne avec laquelle on doit cohabiter HĂ©tier, 1993. Cela ne signifie pas qu’il ne faut rien faire. Le modĂšle de gestion des incendies en AmĂ©rique du Nord, consistant Ă  laisser courir le feu stratĂ©gie du Let burn » tout en protĂ©geant plus ou moins efficacement les biens et les populations, comme on a pu le voir rĂ©cemment en Californie feux de novembre 2003, n’est pas applicable en Europe. Personne ne conteste la nĂ©cessitĂ© d’un cadre juridique ou l’utilitĂ© de mobiliser des moyens de lutte. Mais Ă  l’évidence, cette approche est insuffisante pour Ă©viter le retour pĂ©riodique des grands apparaĂźt donc indispensable de bousculer un certain nombre d’idĂ©es reçues, et en particulier de lever le tabou d’une forĂȘt non productive. Cette vision rĂ©ductrice dĂ©coule de critĂšres inadaptĂ©s pour Ă©valuer la rentabilitĂ© de la forĂȘt mĂ©diterranĂ©enne, trop souvent inspirĂ©s de l’économie sylvicole de l’Europe du Nord. De plus en plus de spĂ©cialistes considĂšrent que la meilleure protection contre les incendies serait d’engager une vĂ©ritable politique de valorisation des productions directes bois, liĂšge, gemme, plantes mĂ©dicinales
 ou indirectes Ă©levage, trufficulture, tourisme
 de la forĂȘt mĂ©diterranĂ©enne AIFM, 2002. Mais cela suppose une vĂ©ritable rĂ©volution culturelle vis-Ă -vis d’une forĂȘt trop souvent victime d’images nĂ©gatives. [*] Notes [*] Je tiens Ă  remercier vivement Paul Arnould, professeur Ă  l’ENS-LSH, qui a bien voulu relire le manuscrit et me faire part de ses remarques.

LafrĂ©quence de l’arrosage varie en fonction du temps dehors. GĂ©nĂ©ralement, l’entretien romarin rampant exige de l’eau une ou deux fois par semaine en Ă©tĂ© et tous les 10 jours pour le reste de l’annĂ©e. Quand il s’agit d’une plante dans le jardin oĂč il a des prĂ©cipitations de plus de 350mm par an, Ă  partir de la seconde

L’amĂ©nagement jardin mĂ©diterranĂ©en apporte une atmosphĂšre de vacances. Le parfum de la lavande, mĂ©langĂ© Ă  celui de la citronnelle, crĂ©e exactement l’atmosphĂšre que nous pourrions ressentir quelque part Ă  proximitĂ© de la mer. Si vous ĂȘtes parmi les heureux propriĂ©taires d’un jardin ensoleillĂ©, alors vous disposez de la condition la plus importante pour crĂ©er un jardin mĂ©diterranĂ©en et y cultiver des plantes typiques pour le climat mĂ©diterranĂ©en. DĂ©couvrez comment le faire – dans notre galerie de photos vous trouverez beaucoup d’idĂ©es intĂ©ressantes sur l’amĂ©nagement et les plantes pour apporter l’atmosphĂšre mĂ©diterranĂ©enne dans votre jardin. AmĂ©nagement jardin mĂ©diterranĂ©en – les plantes nĂ©cessitent le bon type de sol Avant de commencer Ă  planter les espĂšces vĂ©gĂ©tales, il faut que vous preniez en considĂ©ration le type de sol et l’air. Le climat du Sud se caractĂ©rise par l’air sec et les tempĂ©ratures Ă©levĂ©es en Ă©tĂ©, et par un hiver pluvieux. Le froid extrĂȘme n’est pas typique pour ce climat. Optez pour le bon endroit ensoleillĂ© auquel le froid n’aura pas accĂšs. Prenez en considĂ©ration Ă©galement que les plantes mĂ©diterranĂ©ennes n’ont pas besoin d’un sol riche en nutriments. Il en est ainsi car les sols riches absorbent plus d’eau et une faible quantitĂ© d’oxygĂšne atteint les racines. Ceci est dĂ©favorable pour les plantes qui aiment les sols secs. Pour certaines espĂšces vĂ©gĂ©tales, il faut choisir le bon endroit – pentes, zones couvertes, gravier, etc. AmĂ©nagement jardin mĂ©diterranĂ©en – arbres et arbustes Lors de l’amĂ©nagement d’un jardin mĂ©diterranĂ©en, une seule espĂšce vĂ©gĂ©tale est toujours souhaitable. Le mĂ©lange de plantes basses et hautes, des arbustes et des arbres crĂ©e un tableau global attrayant et intĂ©ressant. Parmi les plantes typiques pour un jardin mĂ©diterranĂ©en sont agrumes, oliviers, cyprĂšs, hibiscus, santolines, buddleias, amandiers et couvre-sol en bleu-violet. Pour que votre jardin ait l’air beau pendant toutes les saisons, combinez les plantes avec attention. La fleur barbe-bleue fleurit en automne, le yucca, les palmiers nains et les palmiers dattiers conservent leur caractĂšre mĂȘme en hiver. Les plantes qui aiment les sols secs – telles que joubarbes, Rudbeckies, Ă©piaires, absinthe, etc. -apporteront l’atmosphĂšre mĂ©diterranĂ©enne dans votre jardin. AmĂ©nagement jardin mĂ©diterranĂ©en avec herbes aromatiques Les plantes mĂ©diterranĂ©ennes poussent aisĂ©ment en pots. Donc, vous pouvez cultiver des herbes aromatiques Ă  l’extĂ©rieur au cours de l’étĂ© et Ă  l’intĂ©rieur – au cours de l’hiver. Les pots Ă  fleurs sont une option souple qui vous donne l’opportunitĂ© de dĂ©corer joliment les marches d’escalier et les rebords des fenĂȘtres. Les herbes aromatiques classiques sont le laurier-rose, le romarin, le thym, l’origan, la sauge, etc. Elles peuvent ĂȘtre combinĂ©es avec la lavande aromatique. Les fruits et les lĂ©gumes sont Ă©galement parfaits pour les jardins mĂ©diterranĂ©ens. Misez sur les courgettes, les tomates, l’artichaut, les aubergines, les figues et les kiwis. Jardin mĂ©diterranĂ©en comme Ăźle de villĂ©giature privĂ©e Misez sur les bonnes espĂšces vĂ©gĂ©tales et le bon type de sol pour donner Ă  votre jardin une vĂ©ritable touche mĂ©diterranĂ©enne. Ce n’est pas difficile parce qu’un tel jardin est facile Ă  entretenir et rĂ©siste bien aux intempĂ©ries. Tout ce que vous devez faire, c’est de choisir le bon endroit ensoleillĂ© dans votre jardin. Si vous planifier d’amĂ©nager votre terrasse ou votre petit jardin, misez sur des seaux originaux qui vont parfaitement remplacer les pots et les jardiniĂšres. Coin agrĂ©able sous les oliviers dans le jardin Depuis des siĂšcles, les jardins mĂ©diterranĂ©ens sont une vĂ©ritable source d’inspiration qui ne cesse de tenter les jardiniers. L’amĂ©nagement paysager Ă  la mĂ©diterranĂ©enne se caractĂ©rise par un concept aussi esthĂ©tique que pratique. GĂ©nĂ©ralement, un tel jardin arbore un design parfaitement proportionnĂ©. On prĂȘte donc une attention particuliĂšre Ă  la forme classique rectangulaire qui confĂšre Ă  l’amĂ©nagement un caractĂšre de structure, d’ordre et d’harmonie. Lavande aromatique dans le jardin mĂ©diterranĂ©en Dans le jardin mĂ©diterranĂ©en traditionnel, il y a certains Ă©lĂ©ments must qui se distinguent particuliĂšrement et qui insufflent l’exotisme des villas italiennes traditionnelles Ă  l’ensemble. Incontournable dĂ©co Ă  adopter Ă  tout prix, la pierre permet d’amĂ©nager un coin mĂ©diterranĂ©en arborant une superbe authenticitĂ©. Le matĂ©riau naturel peut ĂȘtre intĂ©grĂ© au concept par des graviers, des pavĂ©s, des dalles, des sculptures etc. Bien Ă©videmment, il faut privilĂ©gier les couleurs neutres pour rĂ©ussir l’esprit mĂ©diterranĂ©en authentique. Plantes mĂ©diterranĂ©ennes des deux cĂŽtĂ©s de l’allĂ©e gravillonnĂ©e Coin de paradis, propice Ă  la dĂ©tente et invitant Ă  l’évasion, le jardin mĂ©diterranĂ©en a tout pour plaire ! Il peut ĂȘtre entourĂ© d’une forĂȘt de cyprĂšs et de genĂ©vriers qui apportent une superbe sensation d’exotisme. Les oliviers sont aussi emblĂ©matiques de l’amĂ©nagement jardin mĂ©diterranĂ©en et donc, ils y sont cultivĂ©s en abondance. Les jeunes plantes sont parfaitement adaptĂ©es Ă  la culture en pot et permettent de structurer une terrasse et d’apporter un accent sur le balcon. L’idĂ©al serait de les planter dans des pots d’argile. Comme vous le savez certainement, le climat mĂ©diterranĂ©en est propice Ă  la culture d’agrumes. En pleine terre ou en pots, les agrumes offrent un vĂ©ritable plaisir, en particulier au moment de la cueillette des fruits. AllĂ©e gravillonnĂ©e mise en valeur par des massifs de fleurs et d’herbes aromatiques mĂ©diterranĂ©ennes En ce qui concerne l’amĂ©nagement d’un petit jardin Ă  la mĂ©diterranĂ©enne, ce sont les espĂšces basses sur lesquelles il faut miser. Les plantes aromatiques telles que la lavande, la sauge, le romarin, l’origan et le thym sont idĂ©ales Ă  planter des deux cĂŽtĂ©s de l’allĂ©e de jardin. Imaginez-vous le doux parfum que la brise lĂ©gĂšre rĂ©pandra tout autour ! A part la lavande qui est la star de la Provence, vous pouvez Ă©galement adopter le perovskia, le caryoptĂ©ris et le vitex qui apporteront une touche bleutĂ© au jardin. Vous pouvez Ă©galement mixer des couleurs telles que rouge, bleu, orange et violet pour confĂ©rer un caractĂšre exotique Ă  l’amĂ©nagement. Des oliviers et de la lavande pour une atmosphĂšre mĂ©diterranĂ©enne dans le jardin Des parterres de fleurs et de graminĂ©es ornementales dans le jardin mĂ©diterranĂ©en Des plantes mĂ©diterranĂ©ennes dans le petit jardin De la lavande et du cyprĂšs les deux cĂŽtĂ©s de l’allĂ©e de jardin Jardin mĂ©diterranĂ©en avec agrumes AmĂ©nagement jardin mĂ©diterranĂ©en avec espĂšces vĂ©gĂ©tales diffĂ©rentes Les oliviers jettent une ombre agrĂ©able dans le jardin Coin lounge de luxe dans le jardin amĂ©nagĂ© avec jacuzzi Jardin mĂ©diterranĂ©en qui entoure la maison AmĂ©nagement jardin mĂ©diterranĂ©en avec fontaine dĂ©corĂ©e de carreaux en cĂ©ramique Coin lounge Ă  cĂŽtĂ© de la piscine dans le jardin mĂ©diterranĂ©en Piscine Ă©lĂ©gante d’aspect naturel dans le jardin mĂ©diterranĂ©en AmĂ©nagement jardin mĂ©diterranĂ©en avec fontaine bains d’oiseaux Maison qui donne sur la mer et jardin de style mĂ©diterranĂ©en Jardin de devant de style mĂ©diterranĂ©en AmĂ©nagement jardin mĂ©diterranĂ©en avec plantes et arbres L’allĂ©e devant la porte d’entrĂ©e fait une bonne premiĂšre impression Cour de devant de style mĂ©diterranĂ©en Maison moderne avec pergola au-dessus de la porte d’entrĂ©e Lavande et plantes qui aiment les sols secs Touche mĂ©diterranĂ©enne sur le balcon avec pots Ă  fleurs en terre cuite et herbes aromatiques Jardin en pente de style mĂ©diterranĂ©en Coin dĂ©tente confortable sous l’hibiscus
Lasous-espĂšce L.s. badius peuple les Ăźles de la MĂ©diterranĂ©e occidentale (Corse, la taille des territoires se situe gĂ©nĂ©ralement autour de 8 hectares, mais peut descendre jusqu’à 6 voire 2,5 hectares seulement (LEFRANC, 1993).La densitĂ© dans le nord de la France (Lorraine, Vosges du Nord) variait de 0.1 Ă  0.18 couple par kmÂČ dans les annĂ©es 90 (Idelon & Thierot, 1995 ; Gendre
Abstracts Les historiens du sucre des CaraĂŻbes et des AmĂ©riques n’ont pas cessĂ© de dĂ©fendre la thĂšse d’une structure esclavagiste que le Nouveau Monde a empruntĂ©e Ă  la MĂ©diterranĂ©e. Ils soutiennent que l’emploi des esclaves s’est amorcĂ© dans les plantations et les sucreries mĂ©diterranĂ©ennes avant de gagner l’Atlantique. Pourtant l’examen rigoureux des sources montre que les sucreries mĂ©diterranĂ©ennes font appel Ă  des paysans, Ă  des entrepreneurs agricoles ou Ă  des ouvriers rĂ©munĂ©rĂ©s, pour accomplir les diffĂ©rentes tĂąches de la production. Cette activitĂ© ne peut pas ĂȘtre envisagĂ©e en tant que forme d’économie esclavagiste, et donc ne peut pas servir de modĂšle au Nouveau Monde. Ce sont surtout les progrĂšs techniques accomplis qui sont mis Ă  profit Ă  grande Ă©chelle pour dĂ©velopper l’industrie sucriĂšre dans les CaraĂŻbes et en AmĂ©rique. Historians of Caribbean and American sugar have constantly defended and contended the proposition of an existing slavery structure that was borrowed from the Mediterranean by the New World. They postulate that employing slaves was initiated in the Mediterranean plantations and sugar manufactures prior to conquering the Atlantic. Controversially, the rigorous scrutiny of sources indicates that Mediterranean sugar manufactures attracted farmers or agricultural entrepreneurs, along with employers, toward accomplishing the different tasks of the refineries. Sugar production in Medieval Mediterranean can not be conceptualised as a slavery-based economic system, nor could it be such a model for Atlantic plantations. However, technical progress being intensively invested in Mediterranean sugar manufactures permitted to attain the level of developing sugar industry in the Caribbean and of page Full text 1 Charles Verlinden, L’esclavage dans l’Europe mĂ©diĂ©vale, I PĂ©ninsule IbĂ©rique-France, Bruges, 1955 ... 2 On peut citer trois publications rĂ©centes Roger Botte et Alessandro Stella, dir., Couleur de l’es ... 3 La route du sucre du viiie au xviiie siĂšcle, colloque international organisĂ© par l’Association popu ... 1Les recherches publiĂ©es sur le thĂšme de l’esclavage depuis le siĂšcle dernier sont nombreuses. Mais elles ont Ă©tĂ© menĂ©es essentiellement sous l’angle quantitatif1, et certaines questions n’ont Ă©tĂ© que trĂšs peu abordĂ©es, en particulier celle de la complexitĂ© de ce phĂ©nomĂšne et de son rapport avec le marchĂ© du travail2. D’autres problĂ©matiques suscitent encore le dĂ©bat comme celle du lien entre production du sucre et esclavage, ou du statut de la main d’Ɠuvre employĂ©e dans les plantations et les sucreries mĂ©diterranĂ©ennes au Moyen Âge3. 4 Dans les actes du colloque organisĂ© Ă  Schoelcher, Maurice Burac et Christian Montbrun persistent Ă  ... 2De ce point de vue, les travaux menĂ©s jusqu’à la fin du xxe siĂšcle sont majoritairement l’Ɠuvre d’historiens du sucre des CaraĂŻbes et de l’AmĂ©rique. Or ceux-ci vĂ©hiculent la thĂšse de l’exportation du modĂšle mĂ©diterranĂ©en aux Ăźles Atlantiques, dans un premier temps, en AmĂ©rique dans un second temps. Ils considĂšrent que le Nouveau Monde a empruntĂ© Ă  la MĂ©diterranĂ©e mĂ©diĂ©vale une structure esclavagiste et que l’emploi d’esclaves a dĂ©butĂ© dans les plantations mĂ©diterranĂ©ennes avant de gagner l’Atlantique4. C’est le sens des travaux de Charles Verlinden, qui affirme que 5 Charles Verlinden, Les Origines de la civilisation atlantique. De la Renaissance Ă  l’ñge des LumiĂšr ... L’esclavage colonial mĂ©diĂ©val servit de modĂšle Ă  l’esclavage colonial atlantique. La main d’Ɠuvre non libre avait Ă©tĂ© employĂ©e dans les colonies italiennes de la MĂ©diterranĂ©e pour tous les genres de travaux dont elle allait ĂȘtre chargĂ©e dans les colonies atlantiques5. 6 Sidney Mintz, Sucre blanc, misĂšre noire, le goĂ»t et le pouvoir, traduit de l’anglais par R. Ghani, ... 7 Jock H. Galloway, The sugar cane industry, an historical geography from its origin to 1914, Cambrid ... 8 Blaise Essomba, Sucre mĂ©diterranĂ©en, sucre atlantique et le commerce du Nord europĂ©en aux xve et xv ... 9 Ibid., p. 10-14, 37-38, 48, 52-53 et 63. 10 Ibid., p. 12. 11 Patrick Manning, Slavery and african life. Occidental, oriental and african slave trades, Cambridge ... 3De mĂȘme, les recherches de Sidney W. Mintz6 ou de Jock H. Galloway7 considĂšrent l’activitĂ© de production du sucre dans la MĂ©diterranĂ©e mĂ©diĂ©vale comme une forme d’économie esclavagiste. Blaise Essomba suit le mĂȘme raisonnement ; sa thĂšse repose sur un lien Ă©troit entre la canne Ă  sucre et l’esclavage8. Sans apporter de preuves concrĂštes sur le bien fondĂ© de cette relation, cet auteur parle d’un systĂšme de production esclavagiste gĂ©nĂ©ralisĂ© dans toute la MĂ©diterranĂ©e9, et il conclut que l’esclavage apparaĂźt comme un des plus grands faits Ă©conomiques du monde musulman10 ». Plus rĂ©cemment, Patrick Manning, s’appuyant lui aussi sur les travaux de Charles Verlinden, insiste Ă  plusieurs reprises et dans les mĂȘmes termes sur cette association entre esclavage et sucre, en faisant remonter son origine et sa constitution Ă  la MĂ©diterranĂ©e mĂ©diĂ©vale11. 12 Mohamed Ouerfelli, Le sucre production, commercialisation et usages dans la MĂ©diterranĂ©e mĂ©diĂ©val ... 4Partant de ce constat, je souhaite reprendre cette question de la main d’Ɠuvre employĂ©e dans les plantations et les sucreries mĂ©diterranĂ©ennes et l’examiner de nouveau Ă  l’aune des sources disponibles, en m’appuyant sur des exemples prĂ©cis, aussi bien de la MĂ©diterranĂ©e orientale que du bassin occidental12. Ils sont tirĂ©s de sources diverses telles que les chroniques, les descriptions gĂ©ographiques, les rĂ©cits de voyages, mais aussi des traitĂ©s fiscaux, de hisba et des manuels de chancellerie. Ces sources ne sont pas forcĂ©ment riches, mais elles apportent des Ă©clairages ponctuels sur le phĂ©nomĂšne de l’esclavage, dans le monde musulman notamment. On les complĂšte par des documents Ă©manant des pouvoirs publics, en particulier des archives vĂ©nitiennes, et des actes notariĂ©s, abondants en ce qui concerne les domaines de la Couronne d’Aragon. 5Mon point de dĂ©part est celui des projets envisagĂ©s par les milieux du pouvoir abbasside et la bourgeoisie bagdadienne pour mettre en valeur les basses vallĂ©es du Tigre et de l’Euphrate pendant la seconde moitiĂ© du ixe siĂšcle. Il sera ensuite question de l’Égypte, du royaume de Chypre et accessoirement de la CrĂšte, qui avaient un besoin important de main d’Ɠuvre pour dĂ©velopper une production destinĂ©e non seulement Ă  la consommation intĂ©rieure, mais aussi Ă  l’exportation. Mon enquĂȘte, qui suit la diffusion de l’industrie du sucre, s’achĂšve en MĂ©diterranĂ©e occidentale avec les exemples de la Sicile, du royaume de Valence et enfin du Maroc, oĂč l’industrie du sucre a basculĂ© d’est en ouest pour se rapprocher des centres de consommation. Les projets de la bourgeoisie bagdadienne et la rĂ©volte des ZenĞ 13 Salah Trabelsi, L’esclavage domanial dans le paysage agraire musulman au Moyen Âge », Esclavage ... 6Un examen rigoureux des sources sur la question de l’emploi des esclaves dans les plantations et les sucreries mĂ©diterranĂ©ennes permet de nuancer, voire d’infirmer un certain nombre d’idĂ©es et de rĂ©flexions qui paraissent totalement infondĂ©es et ne reposent sur aucune certitude. L’idĂ©e de l’emploi massif d’une main d’Ɠuvre servile dans les plantations mĂ©diterranĂ©ennes est fondĂ©e en particulier sur des projets de grande envergure envisagĂ©s par le pouvoir abbasside et la bourgeoisie bagdadienne, enrichie par une activitĂ© commerciale prospĂšre, afin de crĂ©er de grandes exploitations destinĂ©es Ă  la production de nouvelles cultures importĂ©es d’ExtrĂȘme-Orient. Pour rĂ©aliser ces gigantesques projets, la main d’Ɠuvre disponible en Iraq, voire dans les environs, ne peut en aucun cas suffire, d’oĂč l’idĂ©e d’importer des esclaves noirs en provenance des cĂŽtes de l’Afrique orientale. Mais la rĂ©volte de ces esclaves a Ă©branlĂ© le califat de Bagdad et a prĂ©cipitĂ© l’échec et l’abandon total de la mise en culture des marĂ©cages du delta du Tigre et de l’Euphrate13. 14 Faysal al-SĂąmir, Thawrat al-Zenğ la rĂ©volte des Zenğ, en arabe, Bagdad, Maktabat al-ManĂąr, 1971, ... 15 Alexandre Popovic, La RĂ©volte des esclaves en Iraq au iiie/ixe siĂšcle, Paris, Paul Geuthner, 1976, ... 16 François Renault, La Traite des noirs au Proche-Orient mĂ©diĂ©val, viie-xive siĂšcles, Paris, Paul Geu ... 17 Faysal al-Sāmir, Thawrat al-Zenğ, op. cit., p. 34-35. 18 Ibid., p. 30. 7En effet, l’expansion Ă©conomique du califat abbasside, dĂšs le dĂ©but du ixe siĂšcle, draine vers les grandes villes, Bagdad en particulier, des populations de toutes conditions, ce qui augmente de plus en plus la consommation de denrĂ©es de premiĂšre nĂ©cessitĂ©, ainsi que des produits de luxe rĂ©clamĂ©s par les cours princiĂšres. Ces facteurs ont encouragĂ© le dĂ©veloppement des activitĂ©s commerciales, auquel participe une puissante bourgeoisie marchande. Celle-ci a accumulĂ© des richesses importantes qu’elle a investies dans l’acquisition de grands domaines14. L’intĂ©rĂȘt de cette bourgeoisie se tourne alors vers les vastes marĂ©cages recouvrant la rĂ©gion des cours infĂ©rieurs du Tigre et de l’Euphrate,entre Bassora et la province du KhĂ»zistĂąn le sud-ouest actuel de l’Iran15. En plus de son potentiel agricole et de la fertilitĂ© de ses terres, cette rĂ©gion est situĂ©e sur l’axe d’un commerce particuliĂšrement actif dans le golfe Persique. Pour mettre en valeur ces terres et les rendre cultivables, il est nĂ©cessaire de construire des digues pour les assĂ©cher, de dĂ©ployer tout un systĂšme d’irrigation de grande ampleur, mais surtout, et c’est la tĂąche la plus difficile, d’enlever les couches de natron. Ces nouveaux projets d’une ampleur sans prĂ©cĂ©dent exigent des investissements Ă©levĂ©s et une main d’Ɠuvre abondante, d’oĂč l’emploi d’une masse considĂ©rable d’esclaves importĂ©s des cĂŽtes orientales de l’Afrique. Par ces travaux ambitieux, les milieux du pouvoir, les grands propriĂ©taires terriens et la bourgeoisie marchande cherchent Ă  dĂ©velopper de nouvelles cultures pour lesquelles le climat convient parfaitement riz, sorgho, canne Ă  sucre, coton, bananes, agrumes16, etc. Il n’est pas Ă©tonnant de trouver parmi les grandes familles impliquĂ©es dans ces entreprises agricoles, celle des BarmĂ©kides, en particulier le puissant vizir du calife HĂąrĂ»n al-RashĂźd 786-809, Yahya Ibn KhĂąlid al-BarmakĂź17. De grands propriĂ©taires terriens apparaissent Ă©galement au moment de la rĂ©volte, comme al-ZiyĂądiyĂźn et al-HĂąshimiyĂźn, qui assurent la gestion de leurs domaines par l’intermĂ©diaire d’intendants18. 19 Al-TabarĂź, TĂąrĂźkh al-rusul wa-l-mulĂ»k, Beyrouth, KhayĂąt, s. d., t. III, 12, p. 1742 et 1750. Ibn al ... 20 Faysal al-SĂąmir, Thawrat al-Zenğ, op. cit., p. 51 ; Salah Trabelsi, L’esclavage domanial », op. ... 21 Ahmad Ulabi, Thawrat al-Zenğ wa qñ’iduhĂą Muhammad Ibn AlĂź, Beyrouth, DĂąr al-FĂąrĂąbĂź, 1961, p. 102. 22 Ibid., p. 102-106. 8L’appel Ă  la main d’Ɠuvre servile pour travailler dans la grande exploitation rurale prend une ampleur jamais Ă©galĂ©e et le nombre d’esclaves employĂ©s dans les chantiers comme terrassiers ou cultivateurs se monte de 500 Ă  5000 esclaves et atteint parfois le chiffre de 1500019. Les conditions terribles dans lesquelles ces esclaves travaillent, en raison du climat humide, des Ă©pidĂ©mies chroniques et de la mortalitĂ© Ă©levĂ©e, aboutissent Ă  une longue rĂ©volte, qui Ă©clate en 869 et n’est Ă©crasĂ©e par l’armĂ©e abbasside qu’en 88320. La rĂ©volte, commandĂ©e par AlĂź Ibn Muhammad, qui a rĂ©ussi Ă  rassembler autour de lui tous les mĂ©contents, a Ă©branlĂ© le califat abbasside, en mettant Ă  plusieurs reprises en Ă©chec ses armĂ©es. Le projet de mise en culture des terres de la Basse MĂ©sopotamie est dĂ©finitivement compromis et abandonnĂ©21. Les consĂ©quences Ă©conomiques sur cette rĂ©gion sont dĂ©sastreuses les voies de communication et le trafic commercial sont coupĂ©s durant et aprĂšs la rĂ©volte, tout le sud de l’Iraq est ravagĂ©, notamment les terres agricoles de Bassora et du KhĂ»zistĂąn, par les incursions des rebelles et les opĂ©rations militaires22. 9De cet Ă©pisode calamiteux, des enseignements sont tirĂ©s l’importation d’esclaves des cĂŽtes africaines, par ailleurs coĂ»teuse, pour les employer dans les domaines agricoles a abouti Ă  un Ă©chec total, d’oĂč l’abandon de cette pratique. L’arrĂȘt des conquĂȘtes, qui mettaient un grand nombre d’esclaves sur les marchĂ©s, et la militarisation du pouvoir rĂ©oriente le marchĂ© des esclaves vers leur recrutement en masse pour constituer les armĂ©es dans l’Orient musulman. Pendant les siĂšcles suivants, les sources ne parlent que de paysans cultivant la terre sous forme de mĂ©tayage, mĂȘme si leur situation est bien plus proche des serfs, sinon des esclaves. NĂ©anmoins, cet Ă©pisode dĂ©sastreux du sud de la MĂ©sopotamie n’a pas compromis l’expansion de la culture de la canne Ă  sucre vers l’ouest de la MĂ©diterranĂ©e, notamment en Syrie et en Égypte, oĂč cette activitĂ© de production est devenue dĂ©sormais une rĂ©alitĂ© dans le paysage agraire. L’égypte des paysans pour la plantation et des salariĂ©s dans la sucrerie 23 NoĂ«l Deerr, The history of sugar, Londres, Chapman and Hall, 1950, II, p. 259. 24 Ibn Hawqal, La configuration de la terre KitĂąb sĂ»rat al-ard, trad. J. H. Kramers et G. Wiet, Pari ... 25 Les esclaves noirs servaient dans l’armĂ©e fatimide depuis le rĂšgne du calife al-MahdĂź 910-934 ; i ... 26 François Renault, La traite des noirs au Proche-Orient mĂ©diĂ©val, op. cit., p. 44. 10Afin de poursuivre notre enquĂȘte, il convient d’emprunter le parcours de la canne Ă  sucre d’est en ouest, pour pouvoir analyser de prĂšs la question de l’emploi de la main d’Ɠuvre dans cette nouvelle activitĂ©, qui a connu son apogĂ©e Ă  partir du xie siĂšcle, notamment en Égypte. Ce pays est en effet considĂ©rĂ© comme Ă©tant relativement bien peuplĂ©, en particulier le long du Nil. Le travail de la terre constitue la principale activitĂ© Ă©conomique et la source la plus importante de recettes fiscales. Ce sont bien des paysans qui accomplissent tous les travaux agricoles et non pas des esclaves, comme a pu le croire NoĂ«l Deerr, qui n’exclut pas l’emploi de la main d’Ɠuvre servile aussi bien dans les plantations que dans les raffineries23. Dans cette mĂȘme perspective, François Renault s’appuie sur un texte du xe siĂšcle, concernant la ville de ShĂąbĂ»r, situĂ©e dans le delta du Nil, et souligne la prĂ©sence de l’esclavage agricole on y trouve de nombreux esclaves noirs ainsi que des combattants, et la ville est trĂšs riche en cĂ©rĂ©ales24 ». Il se demande si Ibn Hawqal mort aprĂšs 977 fait un lien direct entre les esclaves et la richesse agricole de cette ville ; sinon, il ne voit pas Ă  quelle autre tĂąche ils auraient pu ĂȘtre affectĂ©s. Cependant, le texte est trop flou pour pouvoir dĂ©terminer l’occupation de ces esclaves, qui auraient pu aussi ĂȘtre des soldats dans l’armĂ©e fatimide25. Rien ne permet d’affirmer qu’ils sont employĂ©s dans les travaux agricoles. François Renault nuance d’ailleurs ses interprĂ©tations en concluant que l’impression d’ensemble reste cependant d’un effectif assez rĂ©duit d’une telle main d’Ɠuvre en Égypte26 ». 27 Jean Sauvaget, Sur un papyrus arabe de la BibliothĂšque Ă©gyptienne », Annales de l’Institut d’ét ... 28 Mohamed Ouerfelli, Le sucre, op. cit., p. 69-70. 29 Al-MakhzĂ»mĂź, KitĂąb al-minhñğ fĂź ilm kharñğ Misr », Ă©d. Claude Cahen et Youssef Raghib, SupplĂ©m ... 30 Mohamed Ouerfelli, Le sucre, op. cit., p. 295. 11Un autre argument, plus rĂ©pandu, de l’emploi d’esclaves dans le travail du sucre en Égypte repose sur un papyrus du xe siĂšcle, rĂ©digĂ© en arabe et publiĂ© par Jean Sauvaget en 194827. Ce document est un memorandum pour installer une sucrerie et une estimation du personnel nĂ©cessaire au fonctionnement de cet Ă©tablissement industriel28. Jean Sauvaget a donnĂ© la traduction des treize rubriques du texte, mais son interprĂ©tation de certains passages n’est pas tout Ă  fait exacte. Dans les rubriques 10 et 13, il a traduit le terme ghilmĂąn sing. ghulĂąm par esclaves. En rĂ©alitĂ©, le terme ghulĂąm ne signifie pas forcĂ©ment esclave ; il s’agit plutĂŽt d’imberbes ou de garçons accomplissant des tĂąches secondaires dans la plantation ou dans la sucrerie, pour aider les membres de leurs familles. Al-MakhzĂ»mĂź mort en 1189, haut fonctionnaire de l’administration fatimide et ayyoubide et fin connaisseur des questions Ă©conomiques, notamment de la fiscalitĂ©, confirme notre interprĂ©tation. Dans sa description des Ă©tapes de la production du sucre, il cite cette catĂ©gorie de jeunes ; il emploie le terme sibyĂąn garçons au lieu de ghilmĂąn, pour dĂ©signer les employĂ©s chargĂ©s d’entreposer les produits raffinĂ©s ou affectĂ©s Ă  d’autres tĂąches29. Cet exemple Ă©gyptien n’est pas isolĂ© on trouve son Ă©quivalent exact en Sicile pendant tout le xve siĂšcle, oĂč des enfants ouvriers sont qualifiĂ©s de famuli ou d’infanti. Ces derniers participent Ă  la production du sucre, en assumant des tĂąches peu qualifiĂ©es, et touchent une rĂ©tribution30. 31 Nassiri Khosrau, Sefer Nameh, Ă©d. et trad. Charles Schefer, Paris, Ernest Leroux, 1881, p. 118-119. 12Le voyageur persan NĂąssirĂź Khosrau m. 1088, qui a visitĂ© l’Égypte au milieu du xie siĂšcle, a vraisemblablement assistĂ© Ă  la crue du Nil et aux dĂ©buts des travaux agricoles effectuĂ©s par les paysans. Il affirme que lorsque les eaux commencent Ă  se retirer, les paysans s’avancent sur le terrain dĂ©couvert, et Ă  mesure qu’il devient sec, ils y sĂšment ce qu’ils veulent31 ». 32 Nicolas Michel, Devoirs fiscaux et droits fonciers la condition des fellahs Ă©gyptiens xiiie-x ... 33 Sur les modes d’exploitation en Syrie et surtout en Égypte, cf. Mounira Chapoutot-Remadi, L’agri ... 34 Claude Cahen, L’Islam des origines au dĂ©but de l’empire ottoman, Paris, Hachette, 1995, p. 177-178 ... 35 Al-NuwayrĂź, NihĂąyat al-’arab fĂź funĂ»n al-’adab, Le Caire, DĂąr al-Kutub, 2007, t. viii, p. 265-268. 36 Al-NuwayrĂź, NihĂąyat al-’arab fĂź funĂ»n al-’adab, Le Caire, DĂąr al-Kutub, 2002, t. xxxii, p. 262 ; Al ... 13Dans un travail remarquablement menĂ© sur les conditions des fellahs Ă©gyptiens, Nicolas Michel, s’appuyant sur la littĂ©rature administrative des xiiie-xve siĂšcles, le rĂšglement ottoman de 1525 et une copie partielle du cadastre de 1527-1528, n’a pas laissĂ© le moindre doute quant Ă  l’identitĂ© de ceux qui travaillent la terre et leurs conditions, qui n’ont pas beaucoup variĂ© depuis l’instauration du systĂšme de l’iqtĂą Ă  l’époque ayyoubide32. Ces entrepreneurs de culture avancent non seulement l’achat de semences, les salaires pour les labours, les semailles et la moisson, ils sont Ă©galement chargĂ©s d’entretenir les digues et les canaux d’irrigation. Partout en Égypte, les sources ne parlent que d’une main d’Ɠuvre paysanne liĂ©e par des contrats de mĂ©tayage33. Dans le cas des plantations de cannes, le concessionnaire ou le propriĂ©taire apporte la terre, les semences, les bĂȘtes et les outils nĂ©cessaires et le mĂ©tayer participe avec son travail et reçoit le cinquiĂšme de la rĂ©colte. Dans bien d’autres cas, il perçoit le quart en apportant une partie du matĂ©riel c’est ce qu’on appelle le mĂ©tayer au quart murĂąbi34. Al-NuwayrĂź m. 1332, originaire de la Haute Égypte, se montre trĂšs prĂ©cis lorsqu’il dĂ©crit les diffĂ©rentes Ă©tapes de la production du sucre ; il ne mentionne que des hommes libres, des paysans travaillant dans les plantations et des ouvriers opĂ©rant dans les moulins Ă  sucre et les raffineries de la Haute Égypte35. On peut bien sĂ»r souligner les contraintes exercĂ©es par les concessionnaires Ă  l’encontre des paysans pour les obliger Ă  travailler davantage ou Ă  faire des corvĂ©es supplĂ©mentaires, voire Ă  payer une taxe pour ĂȘtre exonĂ©rĂ©s de corvĂ©e. De telles pratiques sont rĂ©guliĂšrement attestĂ©es, entre autres Ă  Tripoli ; elles ont Ă©tĂ© abolies, en 1317, par le sultan mamelouk al-NĂąsir Muhammad Ibn QalĂąwĂ»n 1309-1341 3e rĂšgne36. 37 Mohamed Ouerfelli, Organisation spatiale et rĂ©percussions de l’industrie du sucre sur le paysage ... 38 Ibn al-Hñğ, Al-Madkhal ’ilĂą tanmiyat al-’amĂąl bitahsĂźn al-niyĂąt, Le Caire, 1929, t. IV, p. 150-151 ... 14Dans les raffineries de FustĂąt, Ă©parpillĂ©es un peu partout dans l’espace urbain, ce qui pose quelques problĂšmes d’hygiĂšne et d’encombrement, nous ne trouvons aucune trace d’esclaves37. Au xive siĂšcle, Ibn al-Hñğ, juriste maghrĂ©bin installĂ© au Caire et fin connaisseur de la vie quotidienne dans cette mĂ©tropole, dĂ©nonce les conditions de travail dans les raffineries, notamment au niveau de l’hygiĂšne, qui en manque cruellement, mais il ne mentionne que des ouvriers salariĂ©s et point d’esclaves38. D’autres sources Ă©voquent des salaires en argent ou en nature, signe de l’absence d’un phĂ©nomĂšne qui a marquĂ© l’industrie du sucre outre-atlantique. En ce sens, LĂ©on l’Africain nous apporte une preuve supplĂ©mentaire concernant la grande raffinerie de DeirĂ»t 39 LĂ©on l’Africain, Description de l’Afrique, trad. de l’italien par A. Epaulard, Paris, Maisonneuve, ... Ses habitants sont trĂšs riches parce qu’ils ont beaucoup de plantations de cannes Ă  sucre [
]. Il existe Ă  Derotte une trĂšs grande fabrique qui ressemble Ă  un chĂąteau et c’est lĂ  que se trouvent les pressoirs et chaudiĂšres pour extraire et cuire le sucre. Je n’ai jamais vu ailleurs autant d’ouvriers employĂ©s Ă  cette fabrication. J’ai entendu dire par un fonctionnaire de la commune qu’on dĂ©pense par jour environ deux cents dinars achrafĂź pour ces ouvriers39. Le royaume de Chypre et la conjoncture dĂ©primĂ©e du xive siĂšcle 40 Mohamed Ouerfelli, Le sucre, op. cit., p. 126-127. 41 Claude Delaval Cobham, Excerpta Cypria materiels for a history of Cyprus, Cambridge, Cambridge Un ... 42 Dominique ValĂ©rian, Les captifs et la piraterie une rĂ©ponse Ă  une conjoncture dĂ©primĂ©e ? Le ca ... 15À Chypre, la main d’Ɠuvre dans les plantations et les raffineries est composĂ©e essentiellement de paysans serfs parĂšques ou libres les francomates, dont la majoritĂ© sont des Grecs, et de Syriens arrivĂ©s dans le royaume aprĂšs l’appel de Guy de Lusignan en Terre sainte au dĂ©but du xiiie siĂšcle pour attirer des paysans et des artisans40. DĂšs le dĂ©but du xive siĂšcle, l’essor des activitĂ©s de piraterie et de course met sur le marchĂ© un nombre important de captifs, dont les Hospitaliers tirent profit, en les employant gratuitement dans leurs exploitations agricoles. Plus de cent captifs musulmans travaillent dans les champs de vignes des plaines de Paphos41. De mĂȘme que Dominique ValĂ©rian l’a montrĂ© au sujet du Maghreb, la raretĂ© de la main d’Ɠuvre dĂšs le milieu du xive siĂšcle, notamment aprĂšs la pandĂ©mie de la peste Noire et les pertes dĂ©mographiques importantes, a accentuĂ© le recours des entrepreneurs impliquĂ©s dans la production du sucre dans l’üle aux captifs musulmans enlevĂ©s par les pirates et les corsaires42. 43 LĂ©once Macheras, Chronique de Chypre, trad. Emmanuel Miller et C. Sathas, Paris, Ernest Leroux, 188 ... 44 LĂ©once Macheras, Chronique de Chypre, op. cit., p. 109 ; Mohamed Ouerfelli, Les migrations liĂ©es ... 16Cette pratique rĂ©pond Ă©galement aux enlĂšvements frĂ©quents de paysans de l’üle par les pirates turcs, particuliĂšrement actifs dans cette rĂ©gion de la MĂ©diterranĂ©e orientale. En 1364, les Chypriotes hĂ©sitent Ă  attaquer trois galĂ©es appartenant aux pirates, car les vaisseaux ennemis Ă©taient remplis de paysans ; ceux-ci pourraient se noyer43 ». En 1366, le nombre de Syriens et d’Égyptiens capturĂ©s, dont le roi Pierre Ier a ordonnĂ© la libĂ©ration dans le cadre d’un accord de paix avec le sultan mamelouk, est relativement important ; ils sont transportĂ©s par une galĂ©e appartenant au roi d’Aragon, une saĂšte et deux naves44. 45 Mohamed Ouerfelli, Les relations entre le royaume de Chypre et le sultanat mamlĂ»k au xve siĂšcle ... 46 Emmanuel Piloti, TraitĂ© d’Emmanuel Piloti sur le passage en Terre sainte 1420, Ă©d. Pierre-Herman ... 17Les captifs reprĂ©sentent pendant certaines pĂ©riodes de pĂ©nurie un besoin vital pour l’économie chypriote, au point que les nĂ©gociations de paix entre le roi de Chypre et les Mamelouks achoppent sur cette question, ce qui implique la reprise des hostilitĂ©s entre les deux parties45. C’est le cas en 1415 ; le royaume est confrontĂ© Ă  une grave crise Ă©conomique, liĂ©e principalement au manque de main d’Ɠuvre. Janus 1398-1432 ordonne aux Ă©quipages de la galĂ©e royale et d’une galiote de se diriger vers les cĂŽtes Ă©gyptiennes pour enlever des captifs. Au terme de cette opĂ©ration, 1500 personnes, des sujets du sultan mamelouk, ont Ă©tĂ© capturĂ©es et emmenĂ©es, pour ĂȘtre employĂ©es dans les domaines royaux, dont les revenus principaux proviennent de la production et de l’exportation du sucre. Selon Janus, qui rĂ©pond Ă  Sanç Antoni Ametller, envoyĂ© d’urgence par le sultan mamelouk al-Mu’ayad 1412-1421 pour exiger la libĂ©ration immĂ©diate des prisonniers, ces 1500 personnes reprĂ©sentent un apport indispensable pour l’üle, qui Ă©prouve un besoin pressant de laboureurs et de planteurs de cannes Ă  sucre46. 47 Benjamin Arbel, Venitian Cyprus and the muslim Levant », Cyprus and the crusades. Papers given ... 48 LĂ©once Macheras, Chronique de Chypre, op. cit., p. 374-375. 49 Ibid., p. 360. 18Les territoires mamelouks constituent ainsi pour les Chypriotes un arriĂšre-pays oĂč ils peuvent se procurer une main d’Ɠuvre employable gratuitement dans leurs casaux47. Ainsi, les conseillers du roi Janus mettent tout leurs poids pour le convaincre de refuser toute nĂ©gociation de paix avec le sultan mamelouk et de poursuivre la course contre ses possessions nous te promettons qu’en allant l’attaquer, nous rapporterons assez d’esclaves pour remplir l’üle48 ». Ces propos suscitent l’indignation du chroniqueur chypriote LĂ©once Macheras, qui affirme c’est ainsi que raisonnent des conseillers sans expĂ©rience et n’ayant pas la moindre idĂ©e du monde ». D’autre part, ces discussions jettent une pleine lumiĂšre sur la place de la course comme source de revenu pour les seigneurs et les chevaliers de l’üle, comme le souligne clairement Macheras les seigneurs s’étaient enrichis en pillant les Sarrasins49 ». 50 Mohamed Ouerfelli, Les relations », op. cit., p. 335-336. 51 LĂ©once Macheras, Chronique de Chypre, op. cit., p. 380 le chroniqueur qualifie le comportement de ... 52 Ibidem. 53 Outre le maĂźtre sucrier, Macheras cite d’autres personnes comme ThĂ©otokis, le maçon du roi ou un Sy ... 19Les descentes rĂ©pĂ©tĂ©es des corsaires chypriotes et catalans sur les cĂŽtes syro-Ă©gyptiennes ont conduit le sultan mamelouk Barsbay 1422-1438 Ă  organiser une expĂ©dition militaire contre l’üle, qui aboutit Ă  sa prise en 1426 et Ă  la libĂ©ration de tous les captifs employĂ©s dans les casaux du roi, comme dans ceux des seigneurs de l’üle50. Pendant cette conquĂȘte, le chroniqueur chypriote Macheras souligne la prĂ©sence de sarrasins baptisĂ©s, vivant dans l’üle, qu’il qualifie d’esclaves et qui ont Ă©tĂ© persĂ©cutĂ©s par les chevaliers, afin de les empĂȘcher d’aller retrouver leurs coreligionnaires51. Parmi eux, figure un certain Georges de Tamathiani qui faisait cuire la poudre pour fabriquer la colle servant Ă  Ă©purer le sucre52 ». Il ne s’agit sans doute pas d’un esclave, mais plutĂŽt d’un affranchi travaillant dans la raffinerie du roi53. 54 Louis de Mas Latrie, Histoire de l’üle de Chypre, op. cit., t. II, p. 458-459 ; Marie-Louise von Wa ... 55 Al-SayrafĂź, Nuzhat al-nufĂ»s wa-l-’abdĂąn fÄ« tawĂąrĂźkh al-zamĂąn, Ă©d. Hassan Habchi, Le Caire, DĂąr al-K ... 56 Ibidem. 20Les opĂ©rations militaires mameloukes dans l’üle ont par ailleurs rĂ©vĂ©lĂ© que les Corner, grande famille vĂ©nitienne, qui exploitait le village de Piskopi oĂč ils produisaient essentiellement du sucre, employaient des captifs musulmans dans leurs plantations54. Le rĂ©cit de rescapĂ©s, ayant rĂ©ussi Ă  s’enfuir vers le camp de l’armĂ©e mamelouke en 1426, met en lumiĂšre l’emploi de captifs par les VĂ©nitiens de Piskopi55. Douze personnes sont signalĂ©es sept sont rattrapĂ©es et reconduites au village et les cinq autres ont rĂ©ussi Ă  s’échapper, d’oĂč leur tĂ©moignage qui met en cause non seulement les Corner, mais aussi la neutralitĂ© de la rĂ©publique de Venise dans le conflit entre le royaume de Chypre et le sultanat mamelouk. Selon ces tĂ©moins, une galĂ©e vĂ©nitienne accostant Ă  Piskopi transportait Ă  son bord des marchands qui venaient charger du sucre et surtout une importante cargaison d’armes destinĂ©e au roi de Chypre56. 57 Margaret Newett, Ă©d., Canon Pietro Casola’s pilgrimage to Jerusalem in the year 1494, Manchester, U ... 21AprĂšs l’établissement de la paix avec l’Égypte, les traces de captifs employĂ©s dans les plantations et les sucreries s’effacent. À la fin du xve siĂšcle, le voyageur italien Pietro Casola, en visite sur l’üle, ne parle ni de captifs, ni d’esclaves. Il note la prĂ©sence d’une main d’Ɠuvre libre travaillant dans la raffinerie des Corner Ă  Piskopi plus de quatre cents ouvriers y opĂšrent et sont payĂ©s Ă  la fin de chaque semaine57. Ainsi, ces exemples de captifs dans l’üle n’étaient qu’une pratique temporaire, rendue nĂ©cessaire par un manque cruel de main d’Ɠuvre et favorisĂ©e par une situation politique et militaire tendue. 58 David Jacoby, La production du sucre en CrĂšte vĂ©nitienne l’échec d’une entreprise Ă©conomique ... 59 Hyppolite Noiret, Documents inĂ©dits pour servir Ă  l’histoire de la domination vĂ©nitienne en CrĂšte d ... 60 Mohamed Ouerfelli, Le sucre, op. cit., p. 136. 61 Hyppolite Noiret, Documents inĂ©dits, op. cit., p. 324-325 ; Mohamed Ouerfelli, Le sucre, op. cit., ... 22Le centre crĂ©tois est moins important que Chypre du point de vue de la production et du nombre d’entrepreneurs engagĂ©s. AprĂšs de nombreuses tentatives pour introduire l’industrie du sucre dans cette Ăźle, une seule entreprise est créée et autorisĂ©e par la rĂ©publique de Venise Ă  partir de 142858. Selon une rĂ©solution du SĂ©nat, Marco de Zanono, citoyen vĂ©nitien, obtient l’exclusivitĂ© de la production dans l’üle pendant une pĂ©riode de dix ans59. Les quelques informations qui nous sont parvenues sur cette entreprise, Ă©manant notamment des dĂ©libĂ©rations du SĂ©nat de Venise, indiquent clairement la prĂ©sence d’ouvriers60. La main d’Ɠuvre engagĂ©e dans les plantations et les installations industrielles est soumise au mĂȘme traitement que les Ă©quipages des galĂ©es marchandes ; tout ouvrier fuyard sera traitĂ© et puni de la mĂȘme façon et dans des conditions identiques que les dĂ©serteurs des galĂ©es. Marco de Zanono doit informer ses salariĂ©s de ces conditions avant de les engager dans son entreprise ; le SĂ©nat accordera sa confiance aux livres de comptes qu’il tiendra pour le paiement de ses employĂ©s61. Des traces fugitives d’esclaves en MĂ©diterranĂ©e occidentale 62 Carmelo Trasselli, Storia dello zucchero siciliano, Caltanissetta-Rome, Salvatore Sciascia, 1982 ; ... 23Dans le bassin occidental de la MĂ©diterranĂ©e, les entreprises sucriĂšres font appel Ă  une main d’Ɠuvre libre, payĂ©e selon le degrĂ© de sa qualification. La Sicile, centre de production de premier plan au xve siĂšcle, reprĂ©sente par ailleurs un observatoire de prĂ©dilection pour apprĂ©hender l’organisation du travail dans les entreprises sucriĂšres et la nature de la main d’Ɠuvre employĂ©e. En effet, les dĂ©pouillements de quelque deux mille piĂšces documentaires dans les archives palermitaines mettent en lumiĂšre des contrats Ă©tablis entre des patrons de trappeti et des entrepreneurs agricoles ou des artisans pour accomplir les diffĂ©rents services de la plantation Ă  la raffinerie62. Ces recherches mettent en Ă©vidence une organisation rigoureuse du travail et une spĂ©cialisation dans l’accomplissement des tĂąches ; chaque poste de travail est clairement dĂ©fini par les contrats. On retrouve Ă©galement ces jeunes garçons, qui travaillaient dans les centres Ă©gyptiens aux cĂŽtĂ©s de leurs parents, pour les aider Ă  accomplir certaines tĂąches. QualifiĂ©s de famuli ou d’infanti, ces ouvriers sont dĂ©pourvus d’expĂ©rience et sont appelĂ©s Ă  aider le personnel qualifiĂ© de la sucrerie. 63 Les deux graphiques sont rĂ©alisĂ©s Ă  partir d’une cinquantaine de contrats de recrutement, instrumen ... 24Comme l’indiquent les deux graphiques des salaires des infanti de chanca, qui travaillent Ă  l’établi, et des infanti de caldaria, qui s’occupent des chaudiĂšres, ces ouvriers, tout comme les famuli de fucaloru, qui alimentent et entretiennent les fourneaux, touchent une rĂ©tribution, variable pour les infanti di chanca et stable en revanche pour les infanti di caldaria63. Tableau no 1 Salaires des Infanti di caldaria en Sicile 1410-1490 en tari par mois Graphique composĂ© par l’auteur. Tableau no 2 Salaires des Infanti di chanca en Sicile 1415-1490 en tari par mois Graphique composĂ© par l’auteur. 64 Archivio di Stato di Palermo, Notai Defunti dĂ©sormais ASP. ND., NiccolĂČ Aprea 828, 65 Charles Verlinden, L’esclavage, t. II, op. cit., p. 231. 66 Antonino Giuffrida, La produzione dello zucchero in un opificio della piana di Carini nella seco ... 67 ASP, ND, Giovanni Randisio, 68 Voir les graphiques sur l’évolution des salaires des ouvriers pendant le xve siĂšcle ; Mohamed Ouerf ... 25Les recherches ont rĂ©vĂ©lĂ© quelques traces fugitives de la prĂ©sence d’esclaves employĂ©s par leurs maĂźtres dans les plantations ou dans les sucreries. Ce sont au total quatre exemples ; c’est dire combien c’est peu le premier est trĂšs particulier, puisqu’il s’agit d’un maĂźtre sucrier, un technicien et dĂ©tenteur de savoir-faire. En 1459, Pietro de Carastono vend Ă  NiccolĂČ de la Chabica dix esclaves, dont Jacobus Niger zuccararius, pour la somme de douze onces64. Le deuxiĂšme est celui de l’esclave turc Mustafa louĂ© en 1462, par son maĂźtre Giovanni Planchininu Ă  NiccolĂČ, fils de feu Giuliano de Bologne, Ă  20 tari par mois65. Le troisiĂšme exemple est reprĂ©sentĂ© par les six esclaves appartenant Ă  Giovanni Bayamonte, et qui travaillent dans son trappeto pendant la campagne de 1472-1473, Ă  cĂŽtĂ© de 65 ouvriers recrutĂ©s66. Ce mĂȘme entrepreneur, qui a visiblement du mal Ă  recruter de la main d’Ɠuvre, comme l’indique le quatriĂšme exemple, loue le 7 fĂ©vrier 1477, Ă  Pietro de Spagna l’esclave noir Giovanni Ragazu, pour la saison de la cuisson du sucre, Ă  raison de 12 tari par mois67. Ces exemples reprĂ©sentent des cas exceptionnels ; leurs maĂźtres perçoivent une rĂ©munĂ©ration pour les services qu’ils accomplissent, notamment pour le deuxiĂšme et le quatriĂšme exemples. En revanche, la main d’Ɠuvre salariĂ©e paraĂźt ĂȘtre la rĂšgle comme le montrent les milliers de contrats d’embauche et les salaires offerts Ă  chaque tĂąche aussi bien dans la plantation que dans le trappeto68. 69 Ibid., p. 294. 26Il se dĂ©gage donc de notre Ă©tude que les rĂ©tributions des ouvriers dans les plantations et surtout les raffineries sont plus Ă©levĂ©es que dans les autres activitĂ©s de l’économie de l’üle69. Elles ont connu une certaine augmentation Ă  la fin du xive siĂšcle, un peu moins au dĂ©but du siĂšcle suivant, pour se stabiliser durablement jusqu’à la derniĂšre dĂ©cennie, oĂč l’on constate une hausse des salaires, due Ă  la rarĂ©faction de la main d’Ɠuvre. En parallĂšle Ă  cette stagnation, le rythme du travail s’accĂ©lĂšre de façon significative ; la croissance des entreprises sucriĂšres, le souci de rendement et surtout la volontĂ© de rĂ©duire les coĂ»ts de main d’Ɠuvre, expliquent l’amplification des tĂąches du personnel et l’aggravation des conditions de travail dans les sucreries. La rĂ©partition des salaires entre les diffĂ©rents postes de travail dans une raffinerie montre que le salariat suffit pour assurer toutes les Ă©tapes de la production et qu’une structure esclavagiste des plantations n’existe nulle part en MĂ©diterranĂ©e au Moyen Âge. 70 Jacqueline Guiral-Hadziiossif, La diffusion et la production de la canne Ă  sucre xiiie-xvie siĂš ... 71 Arxiu del Regne de ValĂšncia ARV, Reial Cancelleria RC, no 641 ProcĂšs sobre fabricaciĂł de sucr ... 72 ARV, RC, 641, f. 68r-69v. 73 Maite Framis Montoliu, La baronia de BeniarjĂł, dels March als Montcada catĂ leg documental, Simat ... 74 AmĂ©dĂ©e PagĂšs, Ausias March et ses prĂ©dĂ©cesseurs essai sur la poĂ©sie amoureuse et philosophique en ... 27Dans le royaume de Valence, des paysans musulmans et chrĂ©tiens cultivent la canne Ă  sucre ; ils assurent Ă©galement toutes les tĂąches dans les trapig, oĂč ils vont chercher un complĂ©ment de salaire70. GrĂące au ProcĂšs sobre fabricaciĂł de sucre 1433-1437, intentĂ© par l’Église contre les seigneurs du royaume de Valence pour les obliger Ă  payer les dĂźmes sur la production du sucre, nous connaissons prĂ©cisĂ©ment les circonstances de l’extension fulgurante des plantations et de la construction de nombreuses sucreries71. Tous les tĂ©moins appelĂ©s Ă  la barre sont unanimes sur le fait que les paysans, sans doute encouragĂ©s par les seigneurs, ont remplacĂ© les cultures du blĂ© et de l’orge par celle de la canne Ă  sucre72. Le poĂšte et chevalier Ausias March, qui a hĂ©ritĂ© de son pĂšre Pere March les fiefs de Pardines, de Verniça et surtout de la huerta de Beniarjo, sur les bords de la riviĂšre d’Alcoy, oĂč la canne Ă  sucre est bien Ă©tablie dĂšs le dĂ©but du xve siĂšcle73, n’aurait pu dĂ©velopper ses plantations et installer sa sucrerie sans l’apport des paysans musulmans qui peuplaient ses fiefs74. 75 Ferran Garcia-Oliver, Les companyies del trapig », Afers, 32, 1999, p. 189-190. 76 Piotr Radzikowsky, Ă©d., Reisebeschreibung Niclas von Popplau Ritters,bĂŒrtig von Breslau, Cracovie, ... 77 Ferran Garcia-Oliver, Les companyies », op. cit., p. 190. 28La main d’Ɠuvre employĂ©e dans les trapig est aussi composĂ©e de musulmans et de chrĂ©tiens, qui viennent des villages environnants chercher un complĂ©ment de salaire ; parmi eux, on ne relĂšve aucune trace d’esclaves. Des 78 ouvriers, prĂ©sentĂ©s en 1436 devant le notaire Pere Pugeriol pour s’engager dans la sucrerie de Gandia, 65 sont musulmans et 13 chrĂ©tiens75. En 1486, Nicolas Popplau, en voyage entre Almenara et Villareal, signale des plantations de cannes Ă  sucre cultivĂ©es par des musulmans76. De mĂȘme, les 62 personnes recrutĂ©es en 1554 pour travailler dans le trapig de RĂ fol de Valldigna sont toutes musulmanes77. 78 Mohamed Ouerfelli, Le sucre, op. cit., p. 142-148. 79 Abd al-IlĂąh BenmlĂźh, Al-riqq fĂź bilĂąd al-Maghrib wa-l-Andalus L’esclavage au Maghreb et en al-Anda ... 29Quant au Maghrib al-AqsĂą, ultime centre de production en MĂ©diterranĂ©e occidentale, la canne Ă  sucre y est introduite depuis au moins le xe siĂšcle, mais la production demeure trĂšs limitĂ©e jusqu’à la fin du Moyen Âge, Ă  la fois au niveau des surfaces cultivĂ©es, mais aussi en matiĂšre d’implication du pouvoir et de ses investissements pour dĂ©velopper cette nouvelle industrie78. Dans sa thĂšse sur L’esclavage au Maghreb et en al-Andalus pendant les xe-xiie siĂšcles, Abd al-IlĂąh BenmlĂźh s’est longuement interrogĂ© sur le silence des sources et sur l’emploi d’esclaves dans l’agriculture. Les quelques tĂ©moignages Ă©pars sont ambigus et ne permettent pas de rĂ©pondre Ă  ces questionnements ; aussi conclut-il prudemment que l’emploi de la main d’Ɠuvre servile ne pouvait ĂȘtre que ponctuel et qu’il Ă©tait rare de recourir aux esclaves pour effectuer certaines tĂąches dans les champs79. 30Il faut attendre le xive siĂšcle pour voir des installations sucriĂšres relativement nombreuses Ă  Marrakech environ une quarantaine de pressoirs transforment les rĂ©coltes rassemblĂ©es des plantations autour de la ville. Plusieurs sortes de sucre sont produites, dont la meilleure qualitĂ© est 80 Al-UmarĂź, MasĂąlik al-’absĂąr fĂź mamĂąlik al-’amsĂąr, I l’Afrique moins l’Égypte, trad. Godefroy Dem ... ÉpurĂ©e et raffinĂ©e, [
] est parfaitement blanche, compacte, et d’un goĂ»t dĂ©licieux. Il [le sucre] approche du sucre raffinĂ© d’Égypte, s’il ne lui est mĂȘme Ă©gal. Mais le sucre que l’on fait au Maroc n’est pas abondant, et s’ils plantaient plus de cannes, il y aurait davantage de sucre80. 31L’enquĂȘte minutieusement menĂ©e par al-UmarĂź m. 1349 auprĂšs de MaghrĂ©bins rĂ©sidant au Caire, sur la consommation du sucre par les Marocains au xive siĂšcle, montre qu’il est sans doute question de petites unitĂ©s de production qui fonctionnent pour approvisionner un marchĂ© rĂ©gional, celui de l’IfrĂźqiya et du Sahara, sans pouvoir atteindre les villes marchandes europĂ©ennes. 81 Jean-LĂ©on l’Africain, Description de l’Afrique, op. cit., I, p. 178. 82 Bernard Rosenberger, La production de sucre au Maroc au xvie siĂšcle. Aspects techniques et socia ... 32AprĂšs 1492 et la chute du royaume de Grenade, des Andalous se rĂ©fugient au Maghreb et s’installent dans plusieurs villes du Maroc, notamment Ă  Camis Metgara, oĂč ils dĂ©veloppent les cultures du mĂ»rier et de la canne Ă  sucre. Mais les opĂ©rations de raffinage ne rĂ©ussissent pas ; le sucre produit est de couleur noire et de mauvaise qualitĂ©81, d’oĂč les tentatives des souverains sadiens de faire venir secrĂštement des maĂźtres sucriers de MadĂšre, pour effectuer des sĂ©jours ponctuels et amĂ©liorer la qualitĂ© du sucre produit. En 1553, un marin portugais est accusĂ© de transporter illĂ©galement ces experts dans l’art de raffiner le sucre vers le sud-ouest du Maroc82. 33Dans un contexte de compĂ©tition avec les possessions portugaises et les CaraĂŻbes, des Juifs, intĂ©ressĂ©s par l’exportation du sucre, s’impliquent activement dans la gestion de grands complexes industriels. Ceux-ci ont nĂ©cessitĂ© une main d’Ɠuvre nombreuse pour travailler Ă  la fois dans les plantations et dans les sucreries, d’oĂč l’idĂ©e d’employer des prisonniers rĂ©cemment capturĂ©s. À en croire le tĂ©moignage de Marmol, le principal trafic dans le royaume du Maroc au xvie siĂšcle est celui du sucre 83 L’Afrique de Marmol, trad. Nicolas Perrot sieur d’Ablancourt, Paris, 1667, III/ 2, p. 28-31 [
] Le sucre est fort fin depuis qu’un Juif qui s’était fait Maure dressa les moulins avec l’aide des captifs que le chĂ©rif fit au cap d’Aguer83. 84 Paul Berthier, Un Ă©pisode de l’histoire de la canne Ă  sucre, les anciennes sucreries du Maroc et le ... 85 Bernard Rosenberger, La production », op. cit., p. 170-171. 34Paul Berthier a fouillĂ© les grandes sucreries mises en place par les chĂ©rifs sadiens au xvie siĂšcle ; il a cru pouvoir apporter, Ă  partir de la toponymie, des preuves formelles de la prĂ©sence d’esclaves dans les centres de production. Il a en effet remarquĂ© l’existence de sites Ă  proximitĂ© des sucreries de Saouira al-QadĂźma, de Chichaoua et de Tazemourt I, appelĂ©s DiyĂąr al-abĂźd les maisons des esclaves, SĂ»r al-abĂźd la muraille des esclaves et QusĂ»r al-abĂźd les chĂąteaux des esclaves84. Or, les constructions en question datent d’une Ă©poque postĂ©rieure Ă  celle des sucreries85. Une lecture attentive des textes contemporains de l’expansion de l’industrie du sucre rĂ©fute littĂ©ralement ces arguments toponymiques. Des paysans libres et des tribus sont impliquĂ©s directement dans la culture de la canne Ă  sucre. Luis del Marmol dĂ©crit ainsi la rĂ©gion de SĂ»s al-’AqsĂą 86 L’Afrique de Marmol, op. cit., t. II, p. 29. Tous les habitants sont berbĂšres de la tribu des Masmouda et plus illustres que ceux de Hea, parce qu’ils sont plus riches et se traitent mieux, particuliĂšrement ceux des villes qui s’emploient aux sucres et au labourage86. 87 Abd al-IlĂąh BenmlĂźh, Al-Riqq fĂź bilĂąd al-Maghrib wa-l Andalus L’esclavage au Maghreb et en al-Anda ... 35Au Maghrib al-AqsĂą comme ailleurs dans tous les centres mĂ©diterranĂ©ens, les esclaves sont employĂ©s surtout comme domestiques et dans certaines rĂ©gions dans les travaux agricoles, lorsque la main d’Ɠuvre manque cruellement87. 36Ce bref dĂ©tour par les centres de production mĂ©diterranĂ©ens ne laisse aucun doute quant Ă  l’absence d’utilisation de main d’Ɠuvre servile dans les plantations et les sucreries mĂ©diterranĂ©ennes. Celles-ci font essentiellement appel Ă  des paysans, Ă  des entrepreneurs agricoles ou Ă  des salariĂ©s payĂ©s Ă  façon ou par mois, pour accomplir toutes les tĂąches nĂ©cessaires aussi bien dans la plantation que dans le complexe industriel. Les quelques exemples d’esclaves ou de captifs apparaissant dans la documentation ne sont que rarement employĂ©s et ne sont de fait que trĂšs peu reprĂ©sentĂ©s dans l’organisation du travail des unitĂ©s de production mĂ©diterranĂ©ennes. Il faut sans hĂ©sitation rejeter cette image souvent vĂ©hiculĂ©e d’un esclavage colonial ». Ce phĂ©nomĂšne a plutĂŽt marquĂ© les CaraĂŻbes et les AmĂ©riques, oĂč l’emploi de la main d’Ɠuvre servile est devenu systĂ©matique et massif. Produire du sucre en MĂ©diterranĂ©e ne peut donc pas ĂȘtre considĂ©rĂ© comme une forme d’économie esclavagiste telle qu’on l’a vue dans le Nouveau Monde. Le modĂšle mĂ©diterranĂ©en ne transparaĂźt qu’à travers les progrĂšs techniques largement mis Ă  profit pour dĂ©velopper une Ă©conomie des plantations sur une grande Ă©chelle. Top of page Notes 1 Charles Verlinden, L’esclavage dans l’Europe mĂ©diĂ©vale, I PĂ©ninsule IbĂ©rique-France, Bruges, 1955 ; Id., L’esclavage dans l’Europe mĂ©diĂ©vale, II Italie, colonies italiennes du Levant, Levant latin, Empire byzantin, Bruges, 1977 ; Domenico GioffrĂš, Il mercato degli schiavi a Genova nel secolo xv, GĂȘnes, 1971 ; Michel Balard, La Romanie gĂ©noise xiie-dĂ©but du xve siĂšcle, Rome, École française de Rome, 1978, 2 vol. 2 On peut citer trois publications rĂ©centes Roger Botte et Alessandro Stella, dir., Couleur de l’esclavage sur les deux rives de la MĂ©diterranĂ©e Moyen Âge-xxe siĂšcle, Paris, Karthala, 2012 ; Les esclaves en MĂ©diterranĂ©e. Espaces et dynamiques Ă©conomiques, Études rĂ©unies par Fabienne Plazolles GuillĂ©n et Salah Trabelsi, Madrid, Casa de VelĂĄzquez, 2012, et Ivan Armenteros MartĂ­nez, L’esclavitud a la Barcelona del Renaixement 1479-1516. Un port mediterrani sota la influĂšncia del primer trĂ fic negrer, Barcelone / Lleida, FundaciĂł Noguera / PagĂšs Editors, 2015. 3 La route du sucre du viiie au xviiie siĂšcle, colloque international organisĂ© par l’Association populaire pour l’Éducation scientifique, 2000, Ă©d. É. Eadie, Schoelcher, en 2002. 4 Dans les actes du colloque organisĂ© Ă  Schoelcher, Maurice Burac et Christian Montbrun persistent Ă  croire en la relation Ă©troite entre la diffusion de la canne Ă  sucre et le commerce des esclaves dans la MĂ©diterranĂ©e mĂ©diĂ©vale Maurice Burac, La canne Ă  sucre la route Asie-AmĂ©rique », La route, op. cit., p. 17-31 ; Christian Montbrun, La canne Ă  sucre de l’Asie au Maroc au xvie siĂšcle », La route, op. cit., p. 49-61. Dans un essai de synthĂšse du mĂȘme colloque, Émile Eadie, au lieu de vĂ©rifier les conclusions, par ailleurs justes, de Michel Balard Les conditions de la production sucriĂšre en MĂ©diterranĂ©e orientale Ă  la fin du Moyen Âge », La route du sucre du viiie au xviiie siĂšcle, op. cit., p. 41-48., sur la quasi inexistence d’esclaves dans les sucreries mĂ©diterranĂ©ennes, s’interroge de maniĂšre dĂ©plorable sur ce qu’il qualifie de procĂ©dĂ© pour dĂ©guiser la situation historique rĂ©elle ». 5 Charles Verlinden, Les Origines de la civilisation atlantique. De la Renaissance Ă  l’ñge des LumiĂšres, NeuchĂątel, La BaconiĂšre et Paris, Albin Michel, 1967, p. 178. On trouve les mĂȘmes idĂ©es dans d’autres travaux du mĂȘme auteur, notamment sur l’emploi des esclaves dans les plantations mĂ©diterranĂ©ennes Id., Aspects de l’esclavage dans les colonies mĂ©diĂ©vales italiennes », Éventail de l’histoire vivante. Hommage Ă  Lucien Febvre, Paris, 1953, p. 102-103 ; Id., Dal Mediterraneo all’Atlantico », Contributi per la storia economica, Prato, Istituto internazionale di storia economica F. Datini, 1973, p. 38-42 ; Id., De la colonisation mĂ©diĂ©vale italienne au Levant Ă  l’expansion ibĂ©rique en Afrique continentale et insulaire. Analyse d’un transfert Ă©conomique, technologique et culturel », Bulletin de l’institut historique belge de Rome, 53-54, 1983-1984, p. 104-107. 6 Sidney Mintz, Sucre blanc, misĂšre noire, le goĂ»t et le pouvoir, traduit de l’anglais par R. Ghani, Paris, Nathan, 1991, p. 49. 7 Jock H. Galloway, The sugar cane industry, an historical geography from its origin to 1914, Cambridge, Cambridge University Press, 1989, p. 190. 8 Blaise Essomba, Sucre mĂ©diterranĂ©en, sucre atlantique et le commerce du Nord europĂ©en aux xve et xvie siĂšcles, thĂšse de doctorat inĂ©dite, UniversitĂ© de Paris 1, 1981. 9 Ibid., p. 10-14, 37-38, 48, 52-53 et 63. 10 Ibid., p. 12. 11 Patrick Manning, Slavery and african life. Occidental, oriental and african slave trades, Cambridge University Press, 1990, p. 29 ; Id., Why Africans ? The rise of the slave trade to 1700 », The slavery reader, Ă©d. Gad Heuman et James Walvin, Londres-New York, 2003, p. 32 ; voit Ă©galement Brian A. Catlos, Muslim of medieval latin christendom, c. 1050-1614, Cambridge University Press, 2014, p. 265. 12 Mohamed Ouerfelli, Le sucre production, commercialisation et usages dans la MĂ©diterranĂ©e mĂ©diĂ©vale, Leyde-Boston, Brill, 2008, p. 287-292. 13 Salah Trabelsi, L’esclavage domanial dans le paysage agraire musulman au Moyen Âge », Esclavage et dĂ©pendances serviles histoire comparĂ©e, Ă©d., Myriam Cottias, Alessandro Stella et Bernard Vincent, Paris, L’Harmattan, 2006, p. 306-307 ; Mohamed Ouerfelli, Le sucre, op. cit., p. 22-24. 14 Faysal al-SĂąmir, Thawrat al-Zenğ la rĂ©volte des Zenğ, en arabe, Bagdad, Maktabat al-ManĂąr, 1971, p. 26. 15 Alexandre Popovic, La RĂ©volte des esclaves en Iraq au iiie/ixe siĂšcle, Paris, Paul Geuthner, 1976, p. 64. 16 François Renault, La Traite des noirs au Proche-Orient mĂ©diĂ©val, viie-xive siĂšcles, Paris, Paul Geuthner, 1989, p. 44. Sur la question des nouvelles cultures introduites dans le monde musulman, cf. Andrew M. Watson, Agricultural innovation in the early islamic world. The diffusion of crops and farming techniques, 700-1100, Cambridge, Cambridge University Press, 1983. 17 Faysal al-Sāmir, Thawrat al-Zenğ, op. cit., p. 34-35. 18 Ibid., p. 30. 19 Al-TabarĂź, TĂąrĂźkh al-rusul wa-l-mulĂ»k, Beyrouth, KhayĂąt, s. d., t. III, 12, p. 1742 et 1750. Ibn al-’AthĂźr, Al-KĂąmil fĂź al-tĂąrĂźkh, Beyrouth, DĂąr SĂądir, 1982, t. vii, p. 205. 20 Faysal al-SĂąmir, Thawrat al-Zenğ, op. cit., p. 51 ; Salah Trabelsi, L’esclavage domanial », op. cit., p. 307. 21 Ahmad Ulabi, Thawrat al-Zenğ wa qñ’iduhĂą Muhammad Ibn AlĂź, Beyrouth, DĂąr al-FĂąrĂąbĂź, 1961, p. 102. 22 Ibid., p. 102-106. 23 NoĂ«l Deerr, The history of sugar, Londres, Chapman and Hall, 1950, II, p. 259. 24 Ibn Hawqal, La configuration de la terre KitĂąb sĂ»rat al-ard, trad. J. H. Kramers et G. Wiet, Paris, Maisonneuve et Larose, 1964, rĂ©impr. 2001, I, p. 108. 25 Les esclaves noirs servaient dans l’armĂ©e fatimide depuis le rĂšgne du calife al-MahdĂź 910-934 ; ils formaient un corps et Ă©taient dĂ©signĂ©s sous le terme de Zawilites ils venaient de ZawĂźla, chef-lieu du FezzĂąn, grand marchĂ© des esclaves ; Farhat Dachraoui, Le califat fatimide au Maghreb, 296-362/909-973. Histoire politique et institutions, Tunis, STD, 1981, p. 370-371. Lorsque les Fatimides s’installent en Égypte, le corps des Soudanais prend une importance accrue et rivalise avec celui des Turcs, jusqu’à l’arrivĂ©e de Saladin en 1169, qui dĂ©cide de s’en dĂ©barrasser ; L. Jere Bacharach, African military slaves in the medieval Middle East the case of Iraq 869-955 and Egypt 868-1171 », International Journal of Middle East Studies, 13, 1981, p. 471-495 ; AbbĂšs Zouache, ArmĂ©es et combats en Syrie 491/1098-569/1174. Analyse comparĂ©e des chroniques mĂ©diĂ©vale latines et arabes, Damas, IFPO, 2008, p. 251-254. 26 François Renault, La traite des noirs au Proche-Orient mĂ©diĂ©val, op. cit., p. 44. 27 Jean Sauvaget, Sur un papyrus arabe de la BibliothĂšque Ă©gyptienne », Annales de l’Institut d’études orientales, 8, 1948, p. 29-38. 28 Mohamed Ouerfelli, Le sucre, op. cit., p. 69-70. 29 Al-MakhzĂ»mĂź, KitĂąb al-minhñğ fĂź ilm kharñğ Misr », Ă©d. Claude Cahen et Youssef Raghib, SupplĂ©ment aux Annales islamologiques, cahier no 8, le Caire, 1986, p. 5. 30 Mohamed Ouerfelli, Le sucre, op. cit., p. 295. 31 Nassiri Khosrau, Sefer Nameh, Ă©d. et trad. Charles Schefer, Paris, Ernest Leroux, 1881, p. 118-119. 32 Nicolas Michel, Devoirs fiscaux et droits fonciers la condition des fellahs Ă©gyptiens xiiie-xvie siĂšcles », Journal of Economic and Social History of the Orient, 43/2, 2000, p. 521-578. 33 Sur les modes d’exploitation en Syrie et surtout en Égypte, cf. Mounira Chapoutot-Remadi, L’agriculture dans l’empire mamlĂ»k d’aprĂšs al-NuwayrĂź », Cahiers de Tunisie, 85-86, 1974, p. 37-43 ; Tsugitaka Sato, State and rural society in medieval Islam. Sultans, muqtas and fallahun, Leyde-New York-Cologne, Brill, 1997, p. 188-220 ; Nicolas Michel, Devoirs fiscaux », op. cit., p. 521-578. 34 Claude Cahen, L’Islam des origines au dĂ©but de l’empire ottoman, Paris, Hachette, 1995, p. 177-178 ; Id., Le rĂ©gime des impĂŽts dans le Fayyum des Ayyubides », Arabica, 3, 1956, p. 23 ; rĂ©impr. dans MakhzĂ»miyyĂąt. Études sur l’histoire Ă©conomique et financiĂšre de l’Égypte mĂ©diĂ©vale, Leyde, Brill, 1977. 35 Al-NuwayrĂź, NihĂąyat al-’arab fĂź funĂ»n al-’adab, Le Caire, DĂąr al-Kutub, 2007, t. viii, p. 265-268. 36 Al-NuwayrĂź, NihĂąyat al-’arab fĂź funĂ»n al-’adab, Le Caire, DĂąr al-Kutub, 2002, t. xxxii, p. 262 ; Al-QalqaĆĄandĂź, Subh al-’aĆĄĂą fĂź sinĂąat al-’inĆĄĂą, Le Caire, al-Matbaa al-’AmĂźriya, 1919, t. xiv, p. 34. 37 Mohamed Ouerfelli, Organisation spatiale et rĂ©percussions de l’industrie du sucre sur le paysage urbain Fustāt et Palerme xive-xve siĂšcle », Villes mĂ©diterranĂ©ennes au Moyen Âge, Élisabeth Malamut et Mohamed Ouerfelli, dir., Aix-en-Provence, Presses Universitaires de Provence, 2014, p. 197-215. 38 Ibn al-Hñğ, Al-Madkhal ’ilĂą tanmiyat al-’amĂąl bitahsĂźn al-niyĂąt, Le Caire, 1929, t. IV, p. 150-151 et 153. 39 LĂ©on l’Africain, Description de l’Afrique, trad. de l’italien par A. Epaulard, Paris, Maisonneuve, 1956, t. II, p. 502. 40 Mohamed Ouerfelli, Le sucre, op. cit., p. 126-127. 41 Claude Delaval Cobham, Excerpta Cypria materiels for a history of Cyprus, Cambridge, Cambridge University Press, 1908, p. 19 ; Louis de Mas Latrie, Histoire de l’üle de Chypre sous le rĂšgne des princes de la maison de Lusignan, Paris, Imprimerie impĂ©riale, 1852-1861, t. II, p. 212 ; Benjamin Arbel, Slave trade and slave labor in Frankish Cyprus1191-1571 », Studies in medieval and renaissance history, 14, 1993, p. 160. 42 Dominique ValĂ©rian, Les captifs et la piraterie une rĂ©ponse Ă  une conjoncture dĂ©primĂ©e ? Le cas du Maghreb au xive et xve siĂšcles », Les esclaves en MĂ©diterranĂ©e, op. cit., p. 119-129. Voir Ă©galement Antonio de Almeida Mendes, Le premier Atlantique portugais entre deux MĂ©diterranĂ©e comment les Africains ont dĂ©veloppĂ© le Vieux Monde xve-xvie siĂšcles », Les esclaves en MĂ©diterranĂ©e, op. cit., p. 156. Sur l’importance du trafic des captifs, cf. Wolfgang Kaiser, Ă©d., Le commerce des captifs. Les intermĂ©diaires dans l’échange et le rachat des prisonniers en MĂ©diterranĂ©e, xve-xviiie siĂšcle, Rome, École française de Rome, 2008. 43 LĂ©once Macheras, Chronique de Chypre, trad. Emmanuel Miller et C. Sathas, Paris, Ernest Leroux, 1882, p. 81-82. 44 LĂ©once Macheras, Chronique de Chypre, op. cit., p. 109 ; Mohamed Ouerfelli, Les migrations liĂ©es aux plantations et Ă  la production du sucre dans la MĂ©diterranĂ©e Ă  la fin du Moyen Âge », Migrations et diasporas mĂ©diterranĂ©ennes xe-xvie siĂšcles. Actes du colloque international de Conques, octobre 1999, rĂ©unis par Michel Balard et Alain Ducellier, Paris, Publications de la Sorbonne, 2002, p. 491. 45 Mohamed Ouerfelli, Les relations entre le royaume de Chypre et le sultanat mamlĂ»k au xve siĂšcle », Le Moyen Âge, 110/2, 2004, p. 327-344. 46 Emmanuel Piloti, TraitĂ© d’Emmanuel Piloti sur le passage en Terre sainte 1420, Ă©d. Pierre-Herman Dopp, Louvain-Paris, BĂ©atrice-Nauwelaerts, 1958, p. 174-175. 47 Benjamin Arbel, Venitian Cyprus and the muslim Levant », Cyprus and the crusades. Papers given at the International Conference Cyprus and the Crusades’, Nicosie, 6-9 septembre, 1994, Ă©d. Nicholas Coureas et Jonathan Riley-Smith, Nicosie, 1995, p. 159. 48 LĂ©once Macheras, Chronique de Chypre, op. cit., p. 374-375. 49 Ibid., p. 360. 50 Mohamed Ouerfelli, Les relations », op. cit., p. 335-336. 51 LĂ©once Macheras, Chronique de Chypre, op. cit., p. 380 le chroniqueur qualifie le comportement des chevaliers, peut-ĂȘtre par sentiment anti-latin, d’erreur, car ces pauvres baptisĂ©s se sont enfuis pour se cacher dans les montagnes, plutĂŽt que de se rendre aux Mamelouks. 52 Ibidem. 53 Outre le maĂźtre sucrier, Macheras cite d’autres personnes comme ThĂ©otokis, le maçon du roi ou un Syrien affranchi. Le terme affranchi » et les mĂ©tiers qu’ils occupent montrent que ces personnes ne sont plus esclaves. 54 Louis de Mas Latrie, Histoire de l’üle de Chypre, op. cit., t. II, p. 458-459 ; Marie-Louise von Wartburg, Production de sucre de canne Ă  Chypre un chapitre de technologie mĂ©diĂ©vale », Coloniser au Moyen Âge, Ă©d. Michel Balard et Alain Ducellier, Paris, Armand Colin, 1995, p. 131. 55 Al-SayrafĂź, Nuzhat al-nufĂ»s wa-l-’abdĂąn fÄ« tawĂąrĂźkh al-zamĂąn, Ă©d. Hassan Habchi, Le Caire, DĂąr al-Kutub, 1973, t. III, p. 82. 56 Ibidem. 57 Margaret Newett, Ă©d., Canon Pietro Casola’s pilgrimage to Jerusalem in the year 1494, Manchester, University Press, 1907, p. 216. 58 David Jacoby, La production du sucre en CrĂšte vĂ©nitienne l’échec d’une entreprise Ă©conomique », Rhodonia. Homage to M. I. Manoussakas, Ă©d. C. Maltezou, T. Detorakes et C. Charalampakes, Rethymno, 1994, p. 167-180 ; rĂ©impr. dans Trade, commodities and shipping in the medieval Mediterranean, Londres, Variorum Reprints, 1997 ; Mohamed Ouerfelli, Sugar production and exportation in Crete at the end of the Middle Ages 15th Century », Journal of Oriental and African Studies, 24, 2015, p. 123-133. 59 Hyppolite Noiret, Documents inĂ©dits pour servir Ă  l’histoire de la domination vĂ©nitienne en CrĂšte de 1380 Ă  1485, Paris, Thorin, 1892, p. 324-325 ; Freddy Thiriet, Regestes des dĂ©libĂ©rations du SĂ©nat de Venise concernant la Romanie, Paris-La Haye, 1958-1961, t. II, p. 251, doc. no 2100. 60 Mohamed Ouerfelli, Le sucre, op. cit., p. 136. 61 Hyppolite Noiret, Documents inĂ©dits, op. cit., p. 324-325 ; Mohamed Ouerfelli, Le sucre, op. cit., p. 136. 62 Carmelo Trasselli, Storia dello zucchero siciliano, Caltanissetta-Rome, Salvatore Sciascia, 1982 ; Henri Bresc, Un monde mĂ©diterranĂ©en, Ă©conomie et sociĂ©tĂ© en Sicile 1350-1450, Palerme-Rome, École française de Rome, 1986, p. 227-252 ; Mohamed Ouerfelli, Le sucre, op. cit., p. 229-250. 63 Les deux graphiques sont rĂ©alisĂ©s Ă  partir d’une cinquantaine de contrats de recrutement, instrumentĂ©s par les notaires palermitains, au profit de plusieurs patrons de trappeti. 64 Archivio di Stato di Palermo, Notai Defunti dĂ©sormais ASP. ND., NiccolĂČ Aprea 828, 65 Charles Verlinden, L’esclavage, t. II, op. cit., p. 231. 66 Antonino Giuffrida, La produzione dello zucchero in un opificio della piana di Carini nella seconda metĂ  del sec. xv », La cultura materiale in Sicilia. Atti del primo convegno internazionale di studi antropologici siciliani, Palerme, 1980, p. 154-155, table no 1 ; rééd. dans Imprese industriali in Sicilia secc. xv-xvi, a cura di Antonino Giuffrida, Caltanissetta-Roma, Salvatore Sciasca Editore, 1996, p. 37-40. 67 ASP, ND, Giovanni Randisio, 68 Voir les graphiques sur l’évolution des salaires des ouvriers pendant le xve siĂšcle ; Mohamed Ouerfelli, Le sucre, op. cit., p. 292-300. 69 Ibid., p. 294. 70 Jacqueline Guiral-Hadziiossif, La diffusion et la production de la canne Ă  sucre xiiie-xvie siĂšcles », Anuario de Estudios medievales, 24, 1994, p. 238-239 ; Mohamed Ouerfelli, Le sucre, op. cit., p. 222. 71 Arxiu del Regne de ValĂšncia ARV, Reial Cancelleria RC, no 641 ProcĂšs sobre fabricaciĂł de sucre, 1433, f. 63r-158r. 72 ARV, RC, 641, f. 68r-69v. 73 Maite Framis Montoliu, La baronia de BeniarjĂł, dels March als Montcada catĂ leg documental, Simat de la Valldigna, 2003, p. 23-24. 74 AmĂ©dĂ©e PagĂšs, Ausias March et ses prĂ©dĂ©cesseurs essai sur la poĂ©sie amoureuse et philosophique en Catalogne aux xive et xve siĂšcles, Paris, HonorĂ© Champion, 1912, p. 99 ; Francisco Almela y Vives, AusĂ­as March y la producciĂłn azucarera valenciana », Feriario. Revista de la Feria Muestrario internacional de Valencia, 1959, p. 10 ; Jaume Josep Chiner Gimeno, AusiĂ s March i la ValĂšncia del segle xv 1400-1459, Valence, Generalitat Valenciana - Consell ValenciĂ  de Cultura, 1997, p. 407-409 ; Ferran Garcia-Oliver, Ausias Marc, Valence, Publicacions de la Universitat de ValĂšncia, p. 183-191. 75 Ferran Garcia-Oliver, Les companyies del trapig », Afers, 32, 1999, p. 189-190. 76 Piotr Radzikowsky, Ă©d., Reisebeschreibung Niclas von Popplau Ritters,bĂŒrtig von Breslau, Cracovie, Trans-Krak, 1998, p. 117 ; Viajes de extranjeros por España y Portugal. Desde los tiempos mĂĄs remotos hasta comienzos del siglo xx, vol. I, Ă©d. et trad. J. GarcĂ­a Mercadal, Junta de Castilla y LeĂłn, 1999, p. 302 ; JosĂ© PĂ©rez Vidal, La cultura de la caña de azĂșcar en el Levante español, Madrid, CSIC, 1979, p. 18 ; Antonio LĂłpez GĂłmez EvolutiĂłn agraria de la Plana de CastellĂłn », Estudios sobre regadios valencianos, Universitat de ValĂšncia, 1990, p. 160. 77 Ferran Garcia-Oliver, Les companyies », op. cit., p. 190. 78 Mohamed Ouerfelli, Le sucre, op. cit., p. 142-148. 79 Abd al-IlĂąh BenmlĂźh, Al-riqq fĂź bilĂąd al-Maghrib wa-l-Andalus L’esclavage au Maghreb et en al-Andalus, Beyrouth, Mu’assasat al-intishĂąr al-arabĂź, 2004, p. 344-350. 80 Al-UmarĂź, MasĂąlik al-’absĂąr fĂź mamĂąlik al-’amsĂąr, I l’Afrique moins l’Égypte, trad. Godefroy Demombynes, Paris, Paul Geuthner, 1927, p. 176. 81 Jean-LĂ©on l’Africain, Description de l’Afrique, op. cit., I, p. 178. 82 Bernard Rosenberger, La production de sucre au Maroc au xvie siĂšcle. Aspects techniques et sociaux », Agua, trabajo y azĂșcar. Actas del sexto seminario internacional sobre la caña de azĂșcar, Motril, 19-23 septembre 1994, Ă©d. Antonio Malpica, Grenade, DeputaciĂłn provincial de Granada, 1996, p. 176-177. 83 L’Afrique de Marmol, trad. Nicolas Perrot sieur d’Ablancourt, Paris, 1667, III/ 2, p. 28-31 84 Paul Berthier, Un Ă©pisode de l’histoire de la canne Ă  sucre, les anciennes sucreries du Maroc et leurs rĂ©seaux hydrauliques, Rabat, Centre universitaire marocain de la recherche scientifique, 1966, t. I, p. 239. Pour Ă©tayer sa dĂ©marche, il s’appuie sur le papyrus Ă©gyptien publiĂ© par Jean Sauvaget et sur l’Ɠuvre de P. Labat ; mais les informations des deux sources sont antĂ©rieures pour la premiĂšre et postĂ©rieures pour la seconde. Elles se rĂ©fĂšrent Ă  des conditions totalement diffĂ©rentes de celles du Maroc du xvie siĂšcle. 85 Bernard Rosenberger, La production », op. cit., p. 170-171. 86 L’Afrique de Marmol, op. cit., t. II, p. 29. 87 Abd al-IlĂąh BenmlĂźh, Al-Riqq fĂź bilĂąd al-Maghrib wa-l Andalus L’esclavage au Maghreb et en al-Andalus, Beyrouth, al-IntishĂąr al-ArabĂź, 2004, p. of page References Bibliographical reference Mohamed Ouerfelli, La production du sucre en MĂ©diterranĂ©e mĂ©diĂ©vale », Rives mĂ©diterranĂ©ennes, 53 2016, 41-59. Electronic reference Mohamed Ouerfelli, La production du sucre en MĂ©diterranĂ©e mĂ©diĂ©vale », Rives mĂ©diterranĂ©ennes [Online], 53 2016, Online since 15 December 2018, connection on 28 August 2022. URL ; DOI Top of page About the author Mohamed Ouerfelli Mohamed Ouerfelli, maĂźtre de confĂ©rences en histoire mĂ©diĂ©vale Ă  l’UniversitĂ© d’Aix-Marseille, est spĂ©cialiste de l’histoire des relations diplomatiques et commerciales entre monde latin et monde musulman au Moyen Âge. Il a notamment publiĂ© Le sucre production, commercialisation et usages dans la MĂ©diterranĂ©e mĂ©diĂ©vale, Leyde-Boston, Brill, 2008 Coll. The Medieval Mediterranean, 71 ; il a coĂ©ditĂ© avec Élise Voguet Le monde rural dans l’Occident musulman mĂ©diĂ©val, Revue des mondes musulmans et de la MĂ©diterranĂ©e, 126, 2009 ; avec Élisabeth Malamut, Les Ă©changes en MĂ©diterranĂ©e mĂ©diĂ©vale. Marqueurs, rĂ©seaux, circulations, contacts, Aix-en-Provence, Presses Universitaires de Provence, 2012 coll. Le temps de l’histoire et Villes mĂ©diterranĂ©ennes au Moyen Âge, Aix-en-Provence, Presses Universitaires de Provence coll. Le temps de l’histoire, 2014. By this author Une introduction Published in Rives mĂ©diterranĂ©ennes, 53 2016 Top of page
Fw7n.
  • u3n0lnz8r2.pages.dev/336
  • u3n0lnz8r2.pages.dev/414
  • u3n0lnz8r2.pages.dev/49
  • u3n0lnz8r2.pages.dev/151
  • u3n0lnz8r2.pages.dev/595
  • u3n0lnz8r2.pages.dev/508
  • u3n0lnz8r2.pages.dev/246
  • u3n0lnz8r2.pages.dev/315
  • plantation autour de la mĂ©diterranĂ©e en 10 lettres